Le tramadol est un analgésique opioïde faible commercialisé en France depuis 1997. La plupart de ses effets secondaires sont liés à ses actions opioïdes et mono-aminergiques. Cependant, peu de cas de toxidermies imputables à cette molécule sont rapportés dans la littérature. L’objectif de notre étude était de décrire les réactions d’hypersensibilité (HS) imputables au tramadol, de déterminer la spécificité des intradermoréactions (IDR) au tramadol et de rechercher des allergies croisées avec les autres opioïdes.

L’ensemble des patients ayant eu des tests au tramadol entre 2006 et 2016 étaient inclus dans cette étude rétrospective. Les réactions initiales étaient soit imputables au tramadol soit à un autre opioïde (à condition d’avoir eu des tests cutanés au tramadol pour explorer les réactions retardées). L’ensemble des patients avait des prick tests (pT), seuls ceux ayant des réactions évocatrices d’HS retardée (HSR) avaient des patch tests (PT). En cas de négativité de ces tests (T), des intra-dermoréactions (IDR) en injectant 0,02mL de solution étaient faites, suivies en cas de négativité d’une réintroduction orale de tramadol. En cas de positivité d’un de ces tests, le patient était considéré comme allergique.

Parmi les 108 patients inclus, d’âge moyen 51,7ans, sexe-ratio de 28 H/61F, 71 avaient des réactions imputables au tramadol avec 39 HS retardées (HSR) et 32 HS immédiates (HSI) et 18 à d’autres opioïdes. Dans le cas des HSI, tous les pT au tramadol étaient négatifs (31/31). Au total, 3/32 IDR étaient positives (1 à 50mg/mL, 2 à 0,5mg/mL). Le tramadol était réintroduit avec une bonne tolérance dans 11/11 cas. Dans les 39 cas d’HSR, les 33pT et 36 PT réalisés étaient négatifs, 5/23 IDR étaient positives (2 à 50mg/mL, 2 à 5mg/mL, 1 à 0,5mg/mL). Le tramadol était réintroduit avec une bonne tolérance dans 14/14 cas. Deux patients avec exanthèmes maculo-papuleux avaient des réactions croisées entre tramadol et morphine (IDR à la morphine positives à 0,001mg/mL et 0,01mg/mL, concentrations non irritantes conformément aux recommandations internationales) parmi 41 patients ayant eu des tests à plusieurs opioïdes.

Dans cette étude, la plus large évaluant l’intérêt et la spécificité des tests allergologiques au tramadol, nous confirmons que les sensibilisations sont rares (8/71 cas) parmi toutes les suspicions de toxidermie à cet opioïde très prescrit. Nous soulignons que les pT et les IDR en injectant 0,02mL d’une solution à 50mg/mL sont spécifiques, contrairement à l’effet histamino-libérateur observé avec la morphine et la codéine. Les IDR ont une bonne valeur prédictive négative.

En ce qui concerne les réactions croisées, elles paraissent rares mais cela doit être confirmé sur une plus grande population.