Le but de ce travail est d’étudier le profil épidemio-clinique de la pathologie dermatologique dans le milieu rural et enclavé du Maroc profond. Nous avons profité d’une mission humanitaire dans l’une des zones les plus enclavées de notre royaume, la localité d’Anfgo, située à 2400m d’altitude, en plein hiver, pour élaborer ce travail.

Étude prospective, monocentrique, étalée sur une durée de 6 semaines, du 20/02/2016 au 05/04/2016, au sein du 3^e hôpital médico-chirurgical de Campagne, installé dans la localité d’Anfgo, une commune du moyen Atlas, au profit de la population enclavée, durant la saison hivernale.

Neuf cent soixante-quatorze consultations dermatologiques ont été colligées, avec 930 motifs. Le sex-ratio H/F était de 1,17. Les tranches d’âge étaient grossièrement bien réparties sauf pour la tranche de 0–9 ans qui était moins représentée avec seulement 5 % des consultants. Les phototypes II et III étaient les plus notés, avec respectivement 48 % et 44 % des consultants. Les dermatoses infectieuses représentaient 22 % des motifs de consultation. Les dermatoses inflammatoires et immuno-allergiques étaient majoritaires avec 49 %. Les tumeurs cutanées représentaient 20 %, malignes dans 2 % et bénignes dans 18 %. Les autres dermatoses représentaient 9 %.

Notre étude permet de relever plusieurs particularités de la dermatologie en milieu rural marocain dans la zone étudiée : discrète prédominance masculine, consultation moindre des enfants et fréquence élevée des phototypes clairs. Les dermatoses infectieuses étaient moins représentées mais leur répartition restait conforme aux données de littérature (même si le niveau socio-économique était bas, la population était propre avec un niveau d’hygiène acceptable). Les dermatoses inflammatoires et immuno-allergiques étaient majoritaires : fréquence des prurits et des eczémas, forte incidence de la rosacée, fréquence basse des gelures et des acrosyndromes. D’autres traits sont relevés : difficultés de prise en charge et de suivi de certaines pathologies lourdes dans ces endroits éloignés et la fréquence et le caractère négligé de la pathologie tumorale maligne.

Notre étude est intéressante à plus d’un titre : le niveau socio-économique bas n’implique pas une hygiène défectueuse, ce dont témoigne la rareté des dermatoses infectieuses. Le phototype clair et l’exposition au soleil favorisent les rosacées mais surtout la pathologie tumorale maligne, parfois négligée. Le caractère rural, enclavé et indigène de la population explique l’observation encore de pathologies lourdes nécessitant une prise en charge adaptée et souligne l’intérêt de la promotion d’actions humanitaires dans ces milieux.