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Les psychiatres historiens - 15/02/17

Psychiatrists as historians of their discipline

Doi : 10.1016/j.evopsy.2017.01.005 
Thierry Haustgen, Dr  : Psychiatre des hôpitaux
 Centre médico-psychologique, secteur 93 G 10, 77, rue Victor-Hugo, 93100 Montreuil, France 

Auteur correspondant.
Sous presse. Épreuves corrigées par l'auteur. Disponible en ligne depuis le Wednesday 15 February 2017
Cet article a été publié dans un numéro de la revue, cliquez ici pour y accéder

Résumé

Objectifs

L’auteur cherche à montrer comment s’est constituée l’histoire de la psychiatrie en France au XIXe siècle et au début du XXe, avant que philosophes, sociologues et historiens professionnels n’investissent ce champ, à une époque où tous les travaux dans ce domaine étaient l’œuvre des aliénistes eux-mêmes.

Méthode

Les publications les plus importantes et significatives en matière d’histoire de la médecine mentale et des institutions de soins spécialisés, jusque vers 1950, sont recensées, présentées chronologiquement et résumées : livres spécifiquement consacrés à ces thèmes, chapitres d’ouvrages plus vastes, introductions de traités, recueils de biographies médicales, articles, documents d’archives. Les lignes directrices et l’orientation générale de ces travaux sont évaluées et précisées.

Résultats

Pinel a attiré l’attention dès 1800 sur les écrits des médecins de l’Antiquité. Esquirol s’est appuyé sur des exemples historiques pour décrire la démonomanie (1814). Leuret a traduit Hippocrate et des ouvrages théologiques, étudié la psychopathologie des prophètes bibliques et des mystiques chrétiens (1834). Trélat a écrit le premier ouvrage exclusivement consacré à une histoire de la « folie » sur la longue durée, divisée en trois périodes (1839). Calmeil a exploité un ensemble de sources latines, tant médicales que religieuses, philosophiques et juridiques, pour décrire les cas de possession, de lycanthropie et de démonolâtrie ayant alimenté les procès de sorcellerie en Europe, du XVe au XVIIIe siècle (1845). À partir de Morel (1860), les traités de médecine mentale comportent tous une introduction historique. Entre 1880 et 1914, l’évolution dans le temps des nouvelles entités cliniques (folie à double forme, neurasthénie, dégénérescence) est étudiée. Le début du XXe siècle est dominé par le travail de recension biographique et bibliographique de Sémelaigne. L’histoire des institutions est abordée par Esquirol (1818), puis affinée par Constans-Lunier-Dumesnil (1874) et Sérieux (1903). Ce dernier étudie systématiquement les archives avec Libert. C’est Henri Ey qui initie en France une histoire critique de la psychiatrie, à partir du milieu du XXe siècle.

Discussion

Cette première histoire de la psychiatrie comporte des carences méthodologiques. La périodisation reste floue, le Moyen Âge se terminant pour certains au début du XVIIe siècle et la Renaissance à la fin du XVIIIe. L’Antiquité est idéalisée. L’hagiographie prend le pas sur la critique, la quête des précurseurs sur la recherche des paradigmes, l’illusion positiviste d’un progrès continu sur les ruptures temporelles. Les œuvres et les documents d’archives sont analysés à la lumière de concepts nosographiques postérieurs à l’époque où ils ont été rédigés. Il n’en reste pas moins que des sources inédites ou peu accessibles sont mises en lumière, des ouvrages traduits du latin en français, des bibliographies exhaustives établies. Les auteurs antiques sont révélés au public. La sorcellerie est pour la première fois abordée sous l’angle médical. Une analyse de l’histoire de l’asile est ébauchée.

Conclusions

Les médecins, aliénistes puis psychiatres, doivent être considérés comme les premiers historiens de leur discipline. Cette donnée peut constituer l’une des caractéristiques de la spécialité psychiatrique et de son rapport à la temporalité. La question se pose des raisons pour lesquelles ces travaux médicaux ont été passés sous silence par la plupart des chercheurs non-médecins qui se sont penchés sur l’histoire de la folie à partir des années soixante.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Abstract

Objectives

The author sets out to show how the history of psychiatry was constructed in France in the 19th and early 20th century, before philosophers, sociologists and professional historians moved into this field of study. At this time, all the work on this theme was published by the alienists themselves.

Method

The most important and significant publications about the history of mental medicine and mental health institutions up to 1950 are collated, presented chronologically and summarized: books especially devoted to these themes, chapters of books, introductions to treatises, collections of medical biographies, articles and archives. The author sets out to establish the broad outlines and the general orientation of all these writings.

Results

Pinel called attention to the writings of the physicians in Antiquity as early as 1800. Esquirol described demonomania using historical examples (1814). Leuret translated Hippocrates and theological works for his studies on biblical prophets and Christian mystics (1834). Trélat wrote the first book exclusively devoted to the history of insanity from Antiquity, dividing it into three periods (1839). Calmeil worked on Latin sources, both medical and religious, philosophical and legal for his descriptions of cases of possession, lycanthropy and demonolatry in witchcraft trials, from the 15th to the 18th century in Europe (1845). Following Morel (1860), all the treatises on mental illnesses contain a historical introduction. Between 1880 and 1914, the advent of new clinical entities, such as folie à double forme, neurasthenia or degeneracy, was studied. At the start of the 20th century, the books by Sémelaigne, devoted to the biography and bibliography of French alienists dominated the scene. The history of asylums and institutions was initiated by Esquirol (1818) and studied later by Constans-Lunier-Dumesnil (1874) and by Sérieux (1903). Sérieux worked on archives with Libert. A critical approach to this history begins in France with Henri Ey around 1950.

Discussion

This first history of psychiatry has methodological failings. The periods are not clearly outlined, with the Middle Ages terminating for some authors at the beginning of the 17th century and the Renaissance at the end of the 18th century. The view of the Antiquity is idealistic. A hagiographic perspective prevails over the critical perspective. The quest for forerunners takes precedence over the search for paradigms. The positivist illusion of uninterrupted progress takes precedence over the temporal breaks. Writings and archives are analyzed according to clinical entities described a long time after they were produced. Nevertheless, unpublished or inaccessible sources are brought to light, some texts are translated from Latin into French, exhaustive bibliographies are established, medical authors from Antiquity are popularized, witchcraft is explored for the first time in its medical aspects, and overall, this amounts to the beginnings of a history of asylums.

Conclusion

These physicians, first alienists and then psychiatrists, should be considered as the first historians of their discipline, and this can constitute one of the characteristics of this medical specialty and of its relationship with temporality. It raises the question of why their work has been dismissed by most of the researchers who turned their attention to the history of insanity from the 1960s.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Archives, Asile, Biographie, Médecine antique, Positivisme, Possession, Sorcellerie, Histoire de la psychiatrie, France

Keywords : Antique medicine, Archives, Asylum, Biography, Positivism, Possession, Witchcraft, History of psychiatry, France


Plan


 Toute référence à cet article doit porter mention : Haustgen T. Les psychiatres historiens. Evol Psychiatr 2017 ; 82 (3) : pages (pour la version papier) ou URL [date de consultation] (pour la version électronique).


© 2017  Publié par Elsevier Masson SAS.
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