Cet article propose une étude des rapports entre l’histoire et la psychiatrie, en abordant la psychiatrie dans son histoire et en analysant les enjeux épistémologiques, cliniques et méthodologiques qui les traversent.

Trois points sont envisagés : les rapports entre l’évolution des idées et des pratiques psychiatriques et le contexte historique depuis le début du 19^e siècle à nos jours ; les relations entre l’épistémologie de la psychiatrie et celle de l’histoire ; enfin l’utilisation du récit dans le soin psychiatrique notamment institutionnel.

L’étude de son histoire montre qu’à l’opposé du reste de la médecine, la psychiatrie n’évolue pas selon une logique d’accroissement des connaissances. Elle accompagne les transformations sociales et l’histoire des idées, et est subordonnée à ses avancées libérales et à ses reflux autoritaires.

Pour le moment, la psychiatrie a plus à gagner d’un rapprochement avec les sciences humaines qu’avec la médecine et la neurobiologie. En suivant l’épistémologie de Paul Veyne, plusieurs points communs peuvent être identifiés : la psychiatrie et l’histoire sont l’une et l’autre basées sur l’événement singulier et non sur l’établissement de lois. La causalité en psychiatrie comme en histoire est « rétrodictive ». Les diagnostics sont des abstractions, des catégories, des hypothèses provisoires, qui ne peuvent prétendre à la valeur de fait comparable à la lésion en médecine.

La psychiatrie comme l’histoire se fondent sur les principes de la narratologie, tels qu’ils ont été établis par Paul Ricœur. La narratologie forme le point commun de toute intervention de type psychothérapeutique et elle constitue notamment les fondements de la psychothérapie institutionnelle. La clinique est inséparable de cette mise en récit partagée entre soignant et soigné, support à la fois du plaisir de penser et véhicule de la consolation des pertes.

This paper aimed to study the relationships between history and psychiatry, approaching psychiatry within its history and analysing the epistemological, clinical and methodological challenges involved.

History and psychiatry have strong relationships. Three points are considered: the relationships between the evolution of psychiatric ideas and practice and the historical context from the beginning of the 19th century to the present day, the relationships between historical epistemology and the epistemology of psychiatry, both based on single events and not on the founding of laws, and the use of narrative in psychiatric and especially institutional care.

The study of this history shows that, unlike the rest of medicine, psychiatry does not evolve according to a logic of increasing knowledge. Psychiatry accompanies social change and the history of ideas, and is subject to liberal advances and authoritarian withdrawals.

At present, psychiatry has more to gain from a rapprochement with the social sciences than with medicine and neurobiology. According to Paul Veyne's epistemology, several points in common can be identified: psychiatry and history are both based on singular events and not on the edification of laws. Causality in psychiatry as in history is “retrodictive”. Diagnoses are mere abstractions, categories, provisional hypotheses, which cannot claim to possess the value of scientific fact held by a lesion in medicine.

Psychiatry, like history, is based on narrative principles, as expounded by Paul Ricoeur. Narrative is what all psychotherapeutic interventions have in common and in particular it underpins institutional psychotherapy. Clinical practice is inseparable from the narrative shared by caregivers and receivers, which carries with it both the pleasure of thought and consolation for loss.