Le diagnostic de cancer s’accompagne pour environ 30 % des patients de l’utilisation de plantes médicinales. Le problème principal posé par le recours à ces plantes ou herbes aux propriétés médicinales supposées est leurs interactions pharmacologiques avec d’autres médicaments, en particulier les agents anti-néoplasiques oraux.

Nous rapportons le cas d’une patiente atteinte d’un cancer pulmonaire non à petites cellules et traitée depuis plus de 5 ans par erlotinib, avec très bonnes tolérance et efficacité. Elle a brutalement développé une éruption cutanée sévère caractéristique d’un effet indésirable de l’erlotinib, mais résistante aux anti-fongiques topiques et aux dermocorticoïdes. L’interrogatoire précis de la patiente nous apprenait finalement l’introduction récente et quotidienne de thé à l’hibiscus fourni par son pharmacien. Les lésions se sont rapidement améliorées après arrêt du breuvage et traitements topiques (Annexe A).

Le thé à l’hibiscus (Hibiscus sabdariffa) est une boisson populaire très consommée à travers le monde, et appréciée pour ses qualités anti-oxydantes, anti-inflammatoires et anti-tumorales démontrées in vitro. Ses propriétés d’inhibition enzymatique effectives sur 9 isochromes du cytochrome P450 sont par contre moins connues. De façon similaire au pamplemousse, l’inhibition du métabolisme de l’erlotinib suite à la consommation de thé à l’hibiscus explique son accumulation tissulaire et la toxicité cutanée engendrée. À l’opposé, le millepertuis et le tabac sont des inducteurs du cytochrome P450 et diminuent la biodisponibilité de l’erlotinib.

Il est important pour les patients, médecins, infirmiers et pharmaciens de connaître et de rechercher ces interactions entre agents anti-néoplasiques oraux et plantes médicinales, afin de prévenir leurs effets indésirables sévères.