Rapporter un cas d’intoxication familiale avec syndrome anticholinergique après ingestion de galettes préparées à partir de farine de sarrasin biologique et présenter l’intérêt du dosage de l’atropine et de la scopolamine dans la farine pour objectiver l’importance de la contamination.

Le Centre antipoison est contacté par le médecin traitant d’une famille de 2 adultes et 3 enfants âgés de 5, 6 et 9 ans (20,5–21,7 et 28,6kg) qui ont consommé des galettes de sarrasin confectionnées « maison » avec une farine de blé noir bio achetée dans un magasin d’alimentation biologique (ingestion de 6 galettes pour chacun des parents et de 5 pour les enfants). Les parents ont présenté à H1 du repas une mydriase et une sécheresse des muqueuses rapidement résolutives alors que les 3 enfants ont présenté à H7 un tableau d’hallucinations visuelles (insectes), confusion, mydriase, sensation vertigineuse et sécheresse des muqueuses. Les 3 enfants ont été adressés aux urgences pédiatriques où des urines ont été recueillies sur chaque enfant (à H19 du repas) pour analyse toxicologique. Par ailleurs, un échantillon de farine a été récupéré pour recherche et dosage de l’atropine et la scopolamine. L’évolution était favorable pour les 3 enfants avec amendement complet des symptômes 3 jours après le repas.

Les dosages d’atropine et de scopolamine ont été réalisés par HPLC couplée à un spectromètre de masse en tandem (Qtrap 4000 en mode ESI+) et extraction-purification en ligne après prétraitement par le méthanol pour les urines ou par un mélange eau/méthanol/acide formique pour la farine.

La concentration d’atropine retrouvée dans les urines des 3 enfants de 5, 6 et 9 ans est respectivement inférieure à 0,5ng/mL, 3,4ng/mL et de 6ng/mL. Seules les urines de l’enfant de 9 ans contenaient de la scopolamine à la concentration de 0,5ng/mL. La teneur en atropine et en scopolamine retrouvée dans la farine est respectivement de 0,001 % et 0,0014 %.

La présence d’atropine dans les urines des trois enfants confirme l’origine de l’intoxication. Compte tenu du nombre de galettes ingérées, il est probable que chaque enfant ait absorbé une quantité proche de 2mg d’atropine et 3,5mg de scopolamine. Une telle quantité d’alcaloïdes tropaniques explique le tableau clinique observé. Certaines denrées comme le sarrasin font l’objet depuis juin 2015 de plans de surveillance suite aux recommandations de la Commission européenne (recommandation [UE] 2015/976) sur la recherche analytique d’alcaloïdes tropaniques dans les denrées alimentaires (principalement les céréales). Ce cas montre que cette surveillance devrait être renforcée et que des teneurs maximales en alcaloïdes tropaniques devraient être fixées comme c’est déjà le cas pour les préparations infantiles à base de certaines céréales (règlement [UE] 2016/239).