Le bisphénol A (BPA) est l’une des substances chimiques les plus utilisées dans le monde. Il entre essentiellement dans la production de polycarbonate, de résines époxy et de papier thermique. Le BPA a la capacité d’interférer avec les hormones œstrogènes et d’initier des réponses biologiques délétères pour la santé. Le BPA est ainsi, depuis 2015, présumé toxique pour la reproduction humaine (CLP : catégorie 1B). Les expositions des populations, principalement par voie orale, sont largement documentées. Dans un contexte professionnel, les sources d’exposition par inhalation et par voie cutanée ne doivent pas être sous-estimées. Ces dernières années, l’attention s’est focalisée sur les expositions des agents de caisses lors de la manipulation de papier thermique. Les études menées ont mis en évidence des expositions au BPA qui ont conduit à une restriction de l’utilisation de BPA dans le papier thermique. Les données d’exposition pour les autres usages du BPA restent encore limitées. L’objectif de cette recherche était double : identifier par une approche biométrologique les expositions au BPA lors de l’utilisation de résines époxy dans le secteur de l’aéronautique, et évaluer la contamination des surfaces de travail.

Des salariés d’un atelier de fabrication de pièces en matière composite carbone/résine ont été suivis pendant 3jours consécutifs de travail. Le BPA libre et total a été dosé dans les urines recueillies auprès des participants ainsi qu’auprès d’un groupe témoin. Les recueils urinaires étaient accompagnés d’un questionnaire sur l’activité professionnelle, l’alimentation et les activités extraprofessionnelles. Pour estimer la contamination par le BPA des postes de travail et des pièces fabriquées, des prélèvements standardisés avec des compresses imbibées d’eau ont été effectués.

La présence de BPA résiduel sur le composite carbone/résine, les pièces et les surfaces a été confirmée et leur manipulation explique très certainement les niveaux de contamination par le BPA observés aux postes de travail. Par conséquent, l’exposition des opérateurs au BPA par voie cutanée ne peut pas être négligée. Concernant les analyses urinaires, les concentrations urinaires de BPA total se sont avérées plus élevées dans le groupe exposé que dans le groupe témoin, même si la différence n’est pas statistiquement significative. Les résultats attestent donc d’une exposition modérée au BPA dans ce secteur. En revanche, une différence significative (p=0,018) entre les 2 groupes a été mise en évidence pour le BPA libre. Compte tenu de l’importance de ces données, des mesures complémentaires de biométrologie seront menées dans d’autres entreprises pour confirmer ces résultats.