Un cas de maladie du pool plaquettaire vide associé à un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif - 06/06/18
Résumé |
Introduction |
La maladie du pool vide plaquettaire (ou Delta-Storage Pool Disease, δ-SPD) est une thrombopathie principalement héréditaire, caractérisée par un déficit quantitatif et/ou qualitatif en granules δ et de leur contenu (adénosine diphosphate (ADP) et sérotonine), entraînant des syndromes hémorragiques d’intensité variable. De rares cas de δ-SPD acquis ont été décrit, principalement associés à des hémopathies ou un lupus érythémateux systémique [1 ]. Nous rapportons ici le premier cas à notre connaissance de δ-SPD associé à un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif (SSp) et réversible sous glucocorticoïdes et immunoglobulines intraveineuses (IgIV)
Observation |
Une femme de 74 ans a été hospitalisée pour rupture splénique spontanée. Elle avait bénéficié 7 ans auparavant d’un remplacement valvulaire mécanique pour sténose aortique, sans complication, et était depuis sous anticoagulant oral (fluindione). Depuis 4 ans, elle présentait des épisodes hémorragiques survenant hors contexte de surdosage en fluindione ou de thrombopénie. À l’admission, le taux plaquettaire, les temps de prothrombine, de céphaline activée et d’occlusion plaquettaire étaient normaux, de même que le facteur von Willebrand et l’activité cofacteur de la ristocétine. La recherche d’anticorps anti-plaquettes était négative. Les tests spécifiques ont révélé une diminution de l’agrégation plaquettaire induite par l’ADP, associée à une faible concentration en ADP et en sérotonine plaquettaires, ainsi qu’une réduction de moitié du nombre de granules denses plaquettaire comparativement aux contrôles, sans aucun signe de déficit en granules alpha ou d’activation plaquettaire. Le diagnostic de δ-SPD avec déficit en ADP a été retenu. La biopsie ostéomédullaire et le scanner thoraco-abdomino-pelvien n’ont pas montré d’arguments pour une hémopathie sous-jacente. L’association d’un syndrome sec occulo-buccal ancien avec test de Shirmer positif, et d’anticorps anti-SSA au 1/1280e antinucléaires positifs a permis d’identifier un SSp associé. Il n’existait aucun passé hémorragique chez les apparentés au 1er et 2e degrés et le dépistage systématique des anomalies plaquettaires chez les 3 enfants de la patiente est revenu négatif. La mise en contact de plaquettes contrôle avec du plasma de notre patiente n’a pas apporté d’arguments pour l’hypothèse d’une thrombopathie induite par un facteur sérique. Devant des épisodes hémorragiques spontanés itératifs et le contexte auto-immun associé, des glucocorticoïdes probabilistes ont été instaurés (méthylprednisolone 500mg/j durant 3jours, puis prednisone 1mg/kg/j avec décroissance lente), suivie par des IgIV (1g/kg) durant 4 mois. Sous ce traitement, et avec un recul de 36 mois depuis leur arrêt, la patiente n’a pas présenté de récidive hémorragique malgré la poursuite nécessaire de la fluindione avec INR cible 2–2,5. Les tests fonctionnels et le dosage de la sérotonine plaquettaire ne se sont toutefois normalisés que 9 mois et 12 mois après l’arrêt des IgIV et de la corticothérapie respectivement, mais restent stables depuis.
Discussion |
La physiopathologie du δ-SPD acquise est inconnue à ce jour. L’activation plaquettaire et endothéliale est augmentée dans les cas d’inflammation et d’activation immunitaire chroniques, tels que le SSp [2 ]. D’autre part, la sérotonine plaquettaire, qui joue un rôle crucial dans l’agrégation, a été récemment rapportée à des taux plus faibles dans le SSp sans que son rôle soit clairement défini [3 ]. Ainsi, il est possible que chez notre patiente, les glucocorticoïdes et les IgIV aient initialement réduit un état d’immuno-inflammation au niveau cellulaire et rétablit la régulation sérotoninergique plaquettaire, expliquant la normalisation plus tardive des tests d’hémostase. La prise en charge du δ-SPD reste actuellement principalement préventive, ou symptomatique par transfusions plaquettaire, desmopressine ou facteur VIIa recombinant en cas de saignement.
Conclusion |
Nous rapportons ici le 1er cas de δ-SPD acquis associé à un SSp et réversible sous glucocorticoïdes et IvIg et souligne l’importance de savoir évoquer cette pathologie en cas de syndrome hémorragique hors contexte de thrombopénie, de maladie de von Willebrand et des troubles de l’hémostase secondaire.
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Vol 39 - N° S1
P. A155-A156 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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