Association polychondrite atrophiante, maladie de Crohn, spondylarthropathie B27, syndrome de Sweet et vascularite à ANCA - 06/06/18
Résumé |
Introduction |
La nosologie des maladies inflammatoires est un défi permanent. Certains patients échappent ainsi à toute classification et déduction physiopathologique. Nous l’illustrons par une observation exceptionnelle.
Observation |
Un homme de 58 ans débutait en 2003 une rectocolite hémorragique, contrôlée par des traitements locaux et les dérivés salicylés. En 2007, arthralgies axiales et périphériques inflammatoires révélaient une spondylarthropathie HLA B27 positive, partiellement soulagée par la sulfasalazine. En 2008, survenait une surdité brusque avec inflammation auriculaire, laryngée, nasale, épisclérite puis uvéite antérieure bilatérale sévère, attribuées à une polychondrite atrophiante, prouvée histologiquement. Il était mis en rémission par corticothérapie et adalimumab pendant 3 années mais avec une corticodépendance, conduisant à l’ajout du méthotrexate, peu efficace. En 2012, survenait une poussée digestive avec lésions périnéales permettant un « reclassement » en maladie de Crohn. Traitement par infliximab et corticothérapie, poursuivis malgré une efficacité modérée (arthrites et uvéites). Fin 2013, survenait une ischémie aiguë du membre inférieur droit sur thrombose artérielle poplitée, sans cause décelée, ayant conduit à une amputation transtibiale droite après échec de revascularisation chirurgicale et des bolus de corticoïdes. L’artère était fibrosée, sans histologie spécifique. Début 2014, rechute d’uvéite sévère nécessitant la reprise de l’infliximab, inefficace et arrêté suite à des infections sévères. Survenaient ensuite des poussées articulaires invalidantes traitées sans efficacité par immunoglobulines intraveineuses, puis anakinra, avant une stabilisation sous ciclosporine. Fin 2014, nouvelle poussée articulaire associée à un syndrome de Sweet, confirmé à l’histologie. Essai de tocilizumab puis d’abatacept, inefficaces (épisodes oculaires, articulaires et cutanés). En mai 2015, survenait aussi une vascularite leucocytoclasique cutanée, et détection d’ANCA anti-PR3, justifiant du cyclophosphamide, efficace sur les atteintes cutanéoarticulaires et ophtalmologiques. Relais par azathioprine. En août 2015, survenaient une thrombose cave et une embolie pulmonaire spontanées, sans thrombophilie. En mars 2016, nouvel échappement cutanéoarticulaire et oculaire. Essai de mycophénolate mofétil, inefficace. En parallèle, traitements locaux ophtalmologiques avec implants de dexaméthasone, chirurgie de cataracte. Finalement, il est mis sous rituximab en 2016 avec une bonne réponse clinique mais un effet « fin de dose » pour l’uvéite. Le patient est resté inflammatoire (protéine C réactive autour de 20mg/L) et corticodépendant autour de 20mg de prednisone tout au long de l’évolution. Seul le rituximab a permis une baisse de cette dépendance autour de 15mg, avec un recul actuel de 2 ans. Hormis des anticorps antinucléaires aspécifiques et les ANCA inconstamment retrouvés, l’immunologie était normale. Il n’y a jamais eu d’atteinte rénale, pulmonaire, sinusienne, cardiaque ou neurologique, pas de myélodysplasie. Le patient a un handicap sensoriel majeur (auditif, ophtalmologique) et moteur (amputation, tassements vertébraux).
Discussion |
L’association Crohn, spondylarthropathie et dermatose neutrophilique est assez connue. La maladie digestive peut aussi expliquer la thrombose artérielle puisque ce risque a été récemment estimé plus élevé avec un hazard ratio de 1,77. La coexistence de la polychondrite atrophiante et du syndrome de Sweet a été rapportée, souvent en association avec un syndrome myélodysplasique dans 16/23 cas dans une étude. D’autres associations sont encore plus rarement rapportées : polychondrite atrophiante et maladie de Crohn, avec une bonne réponse initiale rapportée sous cyclophosphamide puis anti-TNF alpha ; vascularite à ANCA et maladies inflammatoires digestives (11 cas) ; vascularite à ANCA et dermatose neutrophilique (50 cas). À notre connaissance, cette observation est la seule associant l’ensemble de ces « maladies » chez un même individu. Le pronostic à ce jour a été surtout fonctionnel, sans doute influencé imparfaitement par nos multiples thérapeutiques, qui ont aussi bien ciblé l’immunité innée qu’adaptative, rituximab en dernier lieu.
Conclusion |
L’association polychondrite atrophiante, Crohn, spondylarthrite B27, Sweet et vascularite avec ANCA survenue chez un même patient pose la question de la physiopathologie voire, peut être, de l’influence de nos thérapeutiques sur l’expression phénotypique des maladies immunes et inflammatoires.
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Vol 39 - N° S1
P. A168 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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