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Une hépatite inhabituelle chez un patient traité par obinutuzumab et ibrutinib - 06/06/18

Doi : 10.1016/j.revmed.2018.03.174 
S. Giorgiutti 1, , M.P. Ledoux 1, E. Toussaint 1, Q. Maestraggi 2, C. Besch 3, M. Solis 4, R. Herbrecht 1, L.M. Fornecker 1
1 Service d’oncologie et d’hématologie, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France 
2 Service de réanimation médicale et centre régional d’oxygénothérapie hyperbare, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France 
3 Service d’hépato-gastro-entérologie et assistance nutritive, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France 
4 Laboratoire de virologie, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

L’obinutuzumab est un anticorps monoclonal anti-CD20 d’utilisation récente dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique (LLC). Le recul sur les complications liées à ce traitement est faible. Nous rapportons une observation de complication infectieuse sévère engageant le pronostic vital sous cette thérapeutique.

Observation

Nous rapportons le cas d’un homme de 53 ans suivi pour une LLC stade Binet B traité initialement par 6 cures d’obinutuzumab associées à l’ibrutinib en continu dans le cadre d’un essai clinique multicentrique national. Devant l’existence d’une maladie résiduelle, le traitement était complété par 4 cures d’obinutuzumab, fludarabine et cyclophosphamide toujours en association avec l’ibrutinib en continu. Quarante jours après la dernière cure, le patient était hospitalisé pour pancytopénie fébrile (hémoglobine : 11,1g/dL, polynucléaires neutrophiles : 421/μL, plaquettes : 83,10/mL. Cet état clinique s’inscrivait dans un contexte d’immunodépression cellulaire profonde (lymphocytes sanguins totaux : 996/μL dont 0 lymphocytes CD19+, 51 CD4+, 905 CD8+, 28 NK). Il n’y avait pas d’hypogammaglobulinémie. Le tableau évoluait en quelques jours vers une hépatite aiguë fébrile cholestatique et surtout cytolytique (TGO 3700U/L, TGP 3000U/L) sans signe d’insuffisance hépato-cellulaire mais motivant un séjour en réanimation. Les causes classiques d’hépatites aiguës virales étaient éliminées (A, B, C, E, CMV, EBV, HSV, VZV, HHV8). Seul HHV6 était faiblement positif à 2,7 log en PCR sur sang. Les causes toxiques, métaboliques, vasculaires, auto-immunes étaient éliminées. Un traitement anti-infectieux était mis en route par tazocilline, vancomycine, caspofungine et ganciclovir sans évolution favorable. Une IRM hépatique retrouvait un épaississement des parois vésiculaires raison pour laquelle un drainage biliaire avec biopsie hépatique était réalisé. La biopsie retrouvait des remaniements inflammatoires polymorphes des espaces-portes sans spécificité. Les cultures du liquide biliaire restaient stériles et l’état clinique du patient ne s’améliorait pas. La cytolyse hépatique fluctuait de manière simultanée avec la courbe de température. Lors d’une récidive de pic fébrile associée à des céphalées inhabituelles selon le patient, une ponction lombaire était réalisée retrouvant une méningite lymphocytaire. La PCR entérovirus revenait positive sur le liquide céphalo-rachidien mais également sur sang et dans les selles. Le génotypage du virus mettait en évidence un échovirus de type 5. L’évolution était rapidement favorable après administration d’immunoglobulines polyvalentes avec normalisation du bilan hépatique sans récidive ultérieure.

Discussion

Les entérovirus sont des virus à ARN appartenant à la famille des Picornaviridae. Ils présentent un tropisme essentiellement neuro-méningé et sont responsables des épidémies estivales de méningite virale. L’existence de formes sévères de l’immunodéprimé et du nouveau-né est relativement bien connue. Néanmoins, l’atteinte hépatique prédominante et l’absence d’hypogammaglobulinémie chez notre patient rend cette observation originale. Les infections à entérovirus sont généralement de résolution spontanément favorable du fait de l’existence d’anticorps neutralisants. Néanmoins, compte tenu de l’évolution lente, grave et de l’immunodépression du patient, il était décidé d’administrer sur la base d’observations rapportées dans la littérature des immunoglobulines polyvalentes à la dose de 1g/kg permettant une évolution favorable et une négativation des PCR. La revue de la littérature ne retrouve que trois autres cas d’infections sévères à entérovirus sous obinutuzumab dont un seul présentait une atteinte hépatique [1]. De manière similaire, des cas sont décrits sous rituximab mais il s’agit généralement de méningo-encéphalites sévères [2]. Le rôle de l’ibrutinib est plus difficile à préciser. Si un cas de réactivation d’une hépatite B et un cas de leucoencéphalite multifocale progressive ont été rapportés, nous n’avons pas trouvé de cas d’infection à entérovirus lié à un traitement par ibrutinib [3].

Conclusion

Il s’agit à notre connaissance du premier cas français rapporté d’infection systémique grave à entérovirus chez un patient sous obinutuzumab associé à l’ibrutinib. Les infections à entérovirus doivent faire partie du bilan virologique à réaliser lors de complications infectieuses chez les patients sous anticorps anti-CD20.

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