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Effet Warburg au cours d’une dermatomyosite - 06/06/18

Doi : 10.1016/j.revmed.2018.03.231 
C. Gheux 1, , C. Brault 2, A. Henry 2, M. Drucbert 3, J. Schmidt 4, P. Duhaut 5
1 Médecine interne, hôpital Nord, CHU d’Amiens, Amiens cedex, France 
2 Médecine interne, CHU d’Amiens, Amiens cedex, France 
3 Pneumologie, CHU d’Amiens, Amiens cedex, France 
4 Médecine interne, CHU d’Amiens-Picardie, site Nord, Amiens, France 
5 Médecine interne, CHU d’Amiens Nord, Amiens, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

La dermatomyosite (DM) de l’adulte est associée aux cancers dans près de 15 % des cas [1]. Nous rapportons le cas d’une patiente atteinte d’une DM et présentant un effet Warburg, une cause rare d’acidose lactique (AL) de type B associée aux cancers [2].

Observation

Mme K., 46 ans est hospitalisée pour l’exploration d’une altération de l’état général. Ses antécédents sont marqués par un diabète de type II traité par régime simple et une dermatomyosite (DM) avec présence d’anticorps anti-SAE et anti-MDA-5 découverte en 2016. Le scanner thoracique montrait la présence d’une pneumopathie interstitielle non spécifique justifiant un traitement par cyclophosphamide puis mycophénolate mofétil. L’évolution sous traitement est favorable avec une disparition des signes musculaires, une normalisation du taux de créatine kinase et une stabilité de l’état respiratoire.

La patiente présente en décembre 2017 des troubles digestifs responsables d’un amaigrissement de 7kg en 1 mois. Une hospitalisation est programmée pour la réalisation du bilan étiologique comprenant un scanner thoraco-abdomino-pelvien, une fibroscopie œsogastroduodénale ainsi qu’un transit gastrique. Celle-ci est marquée par des hypoglycémies répétées, profondes, asymptomatiques et non corrigées par l’administration de glucose. Il n’existait pas d’argument pour une cause médicamenteuse, une insuffisance hépatique ou une sécrétion anormale d’insuline, de facteur apparenté (insuline-like growth factor 2) ou d’anticorps anti-insuline. La patiente présente aussi une acidose métabolique hyperlactique (lactatémie artérielle à 4,6mmol/L) sans instabilité hémodynamique, confirmant le diagnostic d’acidose lactique (AL) de type B. Après exclusion des autres causes d’AL de type B, il est suspecté un effet Warburg, ou hyperwarburgisme.

Dans ce contexte, une tomographie par émission de positons (TEP-scan) a été réalisée à la recherche d’un cancer associé à la DM. Celle-ci montre l’absence de fixation physiologique du traceur au niveau cérébral (SUVmax 1), apportant un argument supplémentaire pour le diagnostic d’effet Warburg. En revanche, il n’a pas été retrouvé d’argument pour une néoplasie mais un hypermétabolisme musculaire diffus dans le contexte de DM.

Discussion

L’effet Warburg est une anomalie du métabolisme, propre aux cellules tumorales, qui se caractérise par une diminution de la phosphorylation oxydative au profit de la fermentation lactique, alors que l’aérobiose est maintenue [3]. Ce diagnostic peut être évoqué devant la présence d’une AL de type B, c’est-à-dire sans signe d’hypoperfusion tissulaire ou de dysfonction d’organe. Il convient ensuite d’éliminer les autres causes d’AL type B comme un déséquilibre du diabète, une carence en thiamine ou encore une iatrogénie médicamenteuse (dont metformine, inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, agonistes bêta-adrénergiques et linézolide) [2].

L’examen clinique est souvent pauvre et retrouve simplement une dyspnée de Kussmaul en rapport avec l’acidose. La présence d’hypoglycémies réfractaires au traitement par glucose est très évocatrice de l’effet Warburg. Ces hypoglycémies, bien que souvent profondes, restent asymptomatiques en raison de l’utilisation du lactate comme substrat énergétique par les cellules neuronales. Cette caractéristique des cellules neuronales explique aussi l’absence de fixation cérébrale du 18-fluoro-déoxy-glucose au TEP-scan [3, 2].

L’apparition d’un effet Warburg au cours de l’évolution d’une DM doit faire rechercher une néoplasie, d’autant plus qu’il existe des auto-anticorps associés aux cancers (anti-TIF1γ, anti-SAE…) [1]. Pour le moment, aucun cancer n’a été retrouvé chez notre patiente dont la surveillance sera renforcée.

Conclusion

L’effet Warburg est une cause rare d’AL type B associée aux cancers. Sa présence au cours d’une DM doit faire suspecter l’apparition d’une néoplasie. À ce jour, aucun cas d’effet Warburg directement lié à une maladie de système n’a été rapporté.

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Vol 39 - N° S1

P. A230-A231 - juin 2018 Retour au numéro
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