Annonce d’une maladie grave et interprétariat professionnel : la gestion des émotions - 06/06/18
Résumé |
Introduction |
Dans le cadre d’un projet d’une association promouvant des interprètes professionnels (IP), 3 groupes interdisciplinaires (professionnels de santé [PS], interprètes) ont échangé sur la coopération interprofessionnelle au cours de l’annonce de mauvaises nouvelles.
Patients et méthodes |
La modalité était le focus group. Pour chaque groupe, 2 réunions ont rassemblé 28 IP et 13 PS (9 médecins, 5 sages-femmes, 1 infirmière, 3 psychologues et 3 cadres). Les groupes ont concerné un service de médecine interne, un service d’oncohématologie, un service de gynécologie obstétrique et un service de réanimation néonatale. Les IP étaient les employés d’une association qui met des interprètes formés à disposition d’un hôpital universitaire. Les participants ont partagé leurs attentes et contraintes réciproques. Les résultats ont été extraits par thématique. L’une d’entre elles porte sur les aspects émotionnels dans l’annonce d’une maladie grave. Nous avons analysé dans les comptes-rendus des focus groups, tout ce qui concernait ce thème.
Résultats |
L’IP médical et social est un métier émergent en France, encadré par les principes déontologiques suivants : fidélité de la traduction, secret professionnel, impartialité et respect de l’autonomie des deux parties. Par son domaine, d’exercice, la santé et le social, l’interprète est souvent soumis à des situations fortes en émotions pour l’ensemble des interlocuteurs de la consultation.
Pour les IP, la consultation est souvent une surprise et demande de ce fait un exercice d’adaptation. L’IP n’a pas la possibilité de se préparer psychologiquement à une annonce car, en amont, il n’est pas informé de l’objet de la consultation : il la découvre en même temps qu’il doit interpréter, et cet effet de surprise chargé émotionnellement complique la traduction. L’annonce sortant de la bouche de l’IP dans leur langue fait que les patients peuvent en imputer la responsabilité à l’IP (c’est toutefois ce qu’en disent les IP). Les choses se compliquent encore lorsqu’il y a plusieurs membres de la famille qui assistent à l’entretien : la gestion des prises de parole, des émotions, des regards de chacun peut compliquer la tâche de l’IP. Les IP expliquent ce qui est mis en place au sein de l’association pour les aider à gérer leurs émotions et proposent aux PS de les aider à anticiper ces situations, par exemple en ménageant un temps d’explication avant la consultation.
Les émotions des patients et leurs mécanismes de défense devant l’annonce (déni, incompréhension, sidération…) suscitent le questionnement des interprètes quant à la qualité de leur traduction, alors que les PS leur expliquent qu’il s’agit de réactions habituelles.
Les IP réalisent aussi que les PS ont des émotions et difficultés face à ces situations : ces derniers aimeraient avoir des groupes d’analyse des pratiques, voire tous simplement avoir une formation spécifique à l’annonce d’un diagnostic grave. Un médecin qui maîtrise bien ses émotions aide l’interprète à maîtriser les siennes. Lors de la traduction au patient, les PS ne savent pas toujours où en est le discours pour interpréter ses réactions. Les PS sont en difficulté après l’annonce quand les patients ont des réactions fortes (pleurs, colère, sidération) et qu’il n’est plus possible de communiquer avec eux après le départ de l’IP.
Conclusion |
L’annonce d’un diagnostic grave est une épreuve pour les patients, les médecins, mais aussi pour les interprètes. Les émotions qui s’y attachent ajoutent encore à la complexité de l’acte de traduction (comprendre, mémoriser, transcrire dans une autre langue). Des aménagements simples comme un temps d’échange en amont de l’annonce entre IP et PS peuvent améliorer la qualité de la prise en charge du patient et le vécu professionnel de chacun.
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Vol 39 - N° S1
P. A58-A59 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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