La migration a été corrélée à une détérioration de la qualité de l’alimentation et à l’acquisition d’habitudes alimentaires néfastes pour la santé. Cependant, très peu de données scientifiques sont aujourd’hui disponibles sur les changements de comportements alimentaires suite à une immigration en France, notamment depuis la crise migratoire initiée en 2015. Le but de notre étude était d’évaluer les changements de comportements alimentaires et leurs facteurs associés pour identifier des leviers d’action permettant d’améliorer l’équilibre alimentaire des demandeurs d’asile de l’Oise.

Soixante et un demandeurs d’asile (25 femmes et 36 hommes) âgés entre 20 et 55 ans ont été interrogés dans deux centres (A et B) caractérisés respectivement par la présence ou non d’épicerie sociale dans la ville. Les changements de comportements alimentaires ont été évalués à l’aide d’un questionnaire de fréquence alimentaire qualitatif imagé administré anonymement lors d’entretiens individuels. Un score d’équilibre alimentaire a été élaboré à partir de l’actualisation des repères du PNNS en prenant en compte les fréquences de consommation de 8 groupes d’aliments (fruits, légumes, viande, poisson, légumineuses, oléagineux, produits céréaliers et produits laitiers). Respectivement pour chaque groupe, un point a été accordé dès lors que la fréquence de consommation alimentaire était supérieure ou égale aux recommandations. Les scores obtenus, sur un barème de 8 points, ont ensuite été regroupés selon la classification suivante : médiocre (score≤3), moyen (4≤score≤5) ou bon (score≥6). L’association entre les scores d’équilibre alimentaire, leur évolution (avant et après immigration) et les données sociodémographiques ainsi que l’accessibilité alimentaire à une épicerie sociale a été étudiée grâce à une analyse multidimensionnelle.

Le score d’équilibre alimentaire a diminué après l’immigration chez 41 % des demandeurs d’asile interrogés (score moyen : 4,3 dans le pays d’origine contre 3,9 en France), ce qui s’explique par une diminution des fréquences de consommation de poisson, légumes, légumineuses et oléagineux. Selon l’analyse multidimensionnelle, avoir un score d’équilibre alimentaire médiocre en France est corrélé positivement (p<0,05) avec la diminution importante de ce dernier (baisse≥2 points), la résidence dans le centre B, le statut isolé, le sexe masculin et un approvisionnement à l’épicerie sociale inférieur à une fois par semaine. À l’inverse, avoir un bon score en France est corrélé positivement (p<0,05) avec la résidence dans le centre A, en famille, le sexe féminin et un approvisionnement à l’épicerie sociale d’une fois par semaine.

Notre étude confirme la tendance de modification des comportements alimentaires après migration particulièrement chez les jeunes hommes isolés n’ayant pas accès à une épicerie sociale dans leur ville. Ces résultats mettent en avant l’importance d’un approvisionnement hebdomadaire à l’épicerie sociale pour l’adoption d’une alimentation équilibrée.