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Des nodules inflammatoires compliquant les injections d’acide hyaluronique sur un terrain auto-immun : à propos de 2 observations - 28/11/18

Doi : 10.1016/j.revmed.2018.10.188 
N. Ghariani Fetoui 1, L. Boussofara 1, D. Ammar 2, W. Saidi 1, S. Derbal 1, R. Gammoudi 1, C. Belajouza 1, M. Denguezli 1, N. Ghariani 1, , R. Nouira 1
1 Dermatologie, CHU Farhat Hached, Sousse, Tunisie 
2 Dermatologie, Cabinet privé, Tunis, Tunisie 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

L’acide hyaluronique (AH) est un produit de comblement injectable de plus en plus répandu pour ses qualités exceptionnelles de volumétrie. Il peut rarement induire la formation de nodules inflammatoires, souvent de mécanismes immunologiques complexes et mal élucidés. Nous en rapportons 2 observations, survenant dans un contexte d’auto-immunité.

Observation

Observation 1 : Une femme de 47 ans, ayant une hypothyroïdie auto-immune depuis plus de 20 ans, bien équilibrée sous traitement, se présentait avec un œdème aigu et persistant des lèvres et des sillons nasogéniens. Elle avait eu 4 mois auparavant pour la première fois une séance d’injection d’AH moyennement réticulé d’origine non animale, au niveau de ces mêmes sites. L’interrogatoire ne relevait pas de prise médicamenteuse particulière précédant la symptomatologie. L’examen clinique révélait la présence d’un œdème non inflammatoire des lèvres et des sillons nasogéniens associé à des lésions nodulaires infracentimétriques palpables non douloureuses au niveau de la lèvre blanche supérieure. Le reste de l’examen somatique était sans anomalie, ne montrant pas en particulier de signes infectieux ni de signes de dysthyroïdie ou d’autres maladies auto-immunes. La biopsie cutanée étant refusée par la patiente, une corticothérapie générale était entamée, sans preuve histologique, à la dose de 1mg/kg/jour de prednisone avec une dégression de 5mg tous les 5jours. L’évolution était favorable avec une régression complète de l’œdème et affaissement partiel des nodules sous-cutanés, sans phénomène de rebond à l’arrêt du traitement.

Observation 2 : Une femme de 45 ans, sans antécédents connus, ayant eu 3jours auparavant une injection faciale d’AH fortement réticulé, reconsultait pour l’apparition de nodules rouges, chauds, très douloureux et labiles le long des sites injectés. L’examen clinique objectivait 2 formations nodulaires sous-cutanées, oblongues, d’aspect inflammatoire, de consistance ferme, sensibles à la palpation, situées au niveau du sillon nasogénien gauche. Le reste de l’examen était sans anomalie. À la biologie, elle avait un syndrome inflammatoire modéré avec des anticorps antinucléaires (AAN) fortement positifs (1/1600, d’aspect homogène) et des anticorps (Ac) antithyroïdiens positifs sans anomalie du bilan hormonal thyroïdien. Plusieurs cures prolongées d’antibiotiques à des doses efficaces (céfixime, acide fusidique, ciprofloxacine et clarithromycine) étaient inefficaces. L’étiologie inflammatoire des nodules était vraisemblable, motivant la mise de la patiente sous corticothérapie générale (1mg/kg/jour de prednisone), après échec des injections locales répétées d’hyaluronidase et de corticoïdes retard. L’évolution était marquée par une régression complète des nodules avec toutefois des rebonds inflammatoires fréquents lors de la dégression, qui s’est étalée sur 14 mois.

Discussion

Les nodules inflammatoires compliquent rarement les injections dermiques d’AH, mais sont classiquement d’apparition retardée (1 à 12 mois). Le rôle des biofilms bactériens semble peu probable dans les 2 cas, étant donné l’échec des antibiothérapies prolongées, l’évolution favorable sous corticothérapie générale et surtout le délai très précoce de la survenue des nodules chez la 2e patiente. Il s’agirait plutôt d’un mécanisme immunologique, à travers une réaction d’hypersensibilité a minima au produit injecté. Quoique l’AH est théoriquement non immunogène, certains produits biosynthétiques peuvent contenir des traces de contaminants protéiques liés au processus de fermentation bactérienne. Cette hypothèse immunitaire expliquerait la survenue plus fréquente de ces nodules inflammatoires sur un terrain d’auto-immunité, comme le cas de nos 2 patientes. La positivité des auto-Ac fait également suspecter un syndrome auto-inflammatoire/immun déclenché par l’injection d’AH. Il s’agit d’une nouvelle entité récemment décrite, dont certains cas rapportés se sont d’abord manifestés par des nodules puis auraient évolué des mois plus tard vers une maladie systémique. Toutefois, l’apparition précoce des nodules et des signes biologiques, surtout chez la 2e patiente, est contre ce diagnostic (délai moyen de 13,7 mois), de même que la fréquence de positivité des AAN et des Ac antithyroïdiens chez la population générale. Un suivi prolongé serait tout de même justifié.

Conclusion

Nos observations incitent à la prudence quant aux injections d’AH sur un terrain auto-immun.

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Vol 39 - N° S2

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