Ce travail expose quelques aspects de la psychopathologie telle qu’elle a été évoquée dans la littérature monastique chrétienne des iv^e–v^e siècles. Trois auteurs sont abordés en particulier : Évagre le Pontique (345–399) ; Jean Cassien (360–435) ; Théodore de Pétra ( ?−530). Plus largement, l’étude renvoie aux Apophtegmata Patrum, collection de textes qui recueille les « paroles » ou « déclarations » (c’est le sens grec du mot apophtegme) que des moines expérimentés adressaient à leurs disciples. Trois dimensions de la psychopathologie sont retenues : le rôle de la parole, en particulier dans l’expression spécifique curatio verbi ; l’intérêt psychique de la vie onirique ; la mise en place originale dans le monachisme byzantin du v^e siècle d’une structure sociale appropriée d’accueil et de soin de moines présentant des troubles mentaux. Observées à l’aune d’un genre de vie inédit relativement, ces notions de psychologie et de maladie de l’âme, (morbus animae) selon l’expression classique, ne sont pas dépourvues d’intérêt scientifique, d’autant qu’elles sont adossées à une conception de l’homme psychique et des ses difficultés qui laisse présager l’humanisme d’Hegel et des aliénistes. À ce titre, pour le moins, le monachisme chrétien ancien tel qu’il apparaît dans ses écrits, acquiert un droit de cité à explorer dans le cadre d’une histoire de la psychopathologie.

This work sets out some aspects of psychopathology as it was brought up in the christian monasticism literature during 4–5th centuries. Three authors are approached, in particular, Évagre le Pontique (345–399); Jean Cassien (360–435); Théodore de Pétra (?−530). More widely, this study refers to Apophtegmata Patrum, collection of texts which collects the “words” or the “statements” (it is the greek sens of the word “apophtgeme”) that experimented monks addressed to their followers. Three dimensions of the psychopathology are held: the role of the speech, in particular in the specific “curatio verbi” expression; the psychic interest of the dreamlike life; the original implementation in the Byzantine monasticism of the 5th century of an appropriate social order of reception and care of monks presenting mental confusions. Observed in the light of unpublished way of life relatively, these notions of psychology and disease of the soul, (morbus animae) according to the classic expression, do not lack scientific interest, as far as they are leaned in a conception of the psychic man and of his difficulties which lets augur the humanism of Hegel and the psychiatrists. As such, at least, the ancient Christian monasticism such as it appears in its papers, acquires a legitimate place to be investigated within the framework of a history of the psychopathology.