De nombreuses recherches ont été consacrées à la décision médicale. Nous souhaitons poursuivre ces travaux en étudiant plus particulièrement les décisions médicales lors des phases palliatives des maladies létales. Notre approche se veut plus descriptive que normative. Nous formulons deux hypothèses, l’une négative, l’autre positive.

La première hypothèse est que les conceptions habituelles des médecins relatives aux décisions médicales sont loin de contenir l’essentiel de ce qui est mis en œuvre lorsqu’ils sont amenés à décider. La décision est pensée essentiellement en termes de possibilité d’action sur le réel. Elle serait le fruit d’un processus logique, déductif, chronologique avec une phase d’analyse scientifique des données du problème, une phase de délibération assimilable à une recension des enjeux et des options, puis de décision, comprise comme une pondération des options. Ce qui serait engendré par ce parcours concernerait plutôt le patient, et non pas le décideur ou les équipes soignantes. Ces représentations, plus ou moins conscientisées, de la décision lui assignent certaines caractéristiques qui ne recouvrent que partiellement ce qu’elle est.

La seconde hypothèse est que le processus décisionnel est aussi une action sur des représentations plutôt que sur le cours des événements. Elle s’appuie ainsi sur une construction, le plus souvent collective, qui consiste en une élaboration de repères, pratiques et théoriques, communs. Elle engendre une certaine manière de percevoir et comprendre la situation. Elle permet l’instauration d’une sorte de ponctuation du temps dans lequel les évènements se déploient. Une dimension importante et inséparable de cette conception de la décision est que ses effets se produisent principalement sur les acteurs de la décision. Elle constitue ainsi pour eux un temps de modification active de leurs représentations cognitives, mais aussi de leurs émotions et de leurs dispositions. La prise en compte, par les responsables médicaux, de ces diverses fonctions de la décision médicale pourrait influer les dynamiques d’équipe. Au niveau universitaire, elle pourrait modifier les objectifs et méthodes pour former les étudiants à l’apprentissage de la décision médicale.

Lots of research have been dedicated to the medical decision making process. Our objective is to pursue these researches while focusing them more specifically on decisions taken during palliative phases of lethal illnesses. The first assumption is that medical doctor’s traditional views regarding (medical) decisions are far from containing the essence from which they draw their decisions when they have to make such decisions. In essence, the decision is viewed in terms of possibility to act upon reality. It would result from a logical and deductive process, following a chronology starting with a scientific analysis of the problem’s data, followed by a deliberation reviewing stakes and options leading to a decision consisting of striking a balance between available options. The second assumption is that the decision making process is also an action on representations more than on the course of events. The foundation of this action is a construction, very often collective, resulting from an elaboration of common practical and theoretical milestones. It induces a certain way of perceiving and understanding a situation. It allows establishing a sort of time punctuation into which events can unfold. One important feature, very much part of this decision process conceptualisation is that the decision impacts essentially its actors. Hence it becomes for them a time during which their cognitive representations are actively modified, as well as their emotions and attitudes. Having decision makers in the medical field taking into consideration these different roles of medical decision would influence team dynamics. From an academic standpoint, it should modify the objectives and methods used to train students to familiarise themselves with medical decision.