Les facteurs cognitifs dans le désir sexuel hypoactif féminin - 13/03/13

Doi : 10.1016/j.sexol.2012.01.006 
M. Géonet 1, , P. De Sutter 1, E. Zech 1
Université catholique de Louvain, 10, place du Cardinal-Mercier, 1348 Louvain-la-Neuve, Belgique 

Auteur correspondant.

Résumé

Intérêt

Le désir sexuel hypoactif (DSH) est une difficulté largement répandue parmi les femmes. Le concept de désir sexuel ainsi que ses dysfonctionnements sont difficiles à définir en raison de la dimension subjective importante. À cause de cette composante subjective, les facteurs psychologiques, et en particulier les dimensions cognitives, sont susceptibles de jouer un rôle important dans le développement et le maintien des dysfonctions sexuelles. Les processus à l’œuvre apparaissent complexes et des positions contradictoires existent. Elles seront passées en revue avec comme objectif de clarifier les différentes propositions liées au rôle des processus cognitifs en jeu dans les dysfonctions sexuelles féminines, particulièrement dans le DSH. Les futures cibles des interventions thérapeutiques seront également proposées.

Méthode

Une revue de la littérature des facteurs cognitifs dans les dysfonctions sexuelles et le DSH sera présentée. Ce tour de la littérature s’est effectué essentiellement à partir des moteurs de recherche PsycInfo et Medline, en s’intéressant aux études parues dès la fin des années 1970 jusqu’à 2011. La plupart des recherches recensées utilisent les critères du DSM-IV-TR (2000) pour établir le diagnostique de DSH. Les études empiriques relatées utilisent essentiellement sur des échantillons cliniques et contrôles. Les principaux mots-clés étaient : sexual, desire, sexuality, cognitive, beliefs and thoughts.

Résultats

Dans la population féminine générale, la prévalence du DSH se situe entre 24 et 43 %. Les facteurs à l’origine de cette problématique peuvent être biologiques, environnementaux ou psychologiques. Parmi les facteurs psychologiques, la littérature montre que les cognitions négatives jouent un rôle important dans les dysfonctions sexuelles féminines. Ces facteurs cognitifs sont composés de trois niveaux principaux qui vont permettre le traitement de l’information dans la sexualité mais aussi dans tous les domaines de la vie. Les cliniciens et les chercheurs s’accordent pour dire que les femmes souffrant de dysfonctions sexuelles présentent davantage des croyances négatives (par exemple, il n’est pas correct qu’une personne âgée ait des rapports sexuels, la sexualité ne peut servir qu’à la reproduction), en comparaison aux femmes sans difficulté sexuelle particulière. Ces croyances négatives les rendent plus vulnérables à des autoschémas critiques (par exemple, « Je suis incompétente ») quand elles font l’expérience d’un échec dans une situation sexuelle. Ces autoschémas négatifs, quand ils sont activés, entraînent des pensées automatiques négatives qui les empêchent de se focaliser sur le contexte érotique. Ces cognitions négatives peuvent être en lien avec leur propre image (par exemple, « Je ne suis pas assez belle », « Je dois être à la hauteur »), avec leur partenaire (par exemple, « Il me dégoûte ») ou en lien avec la relation de couple (par exemple, « Il va me quitter », « Il ne m’aime plus »). Ces pensées négatives activent alors des émotions comme l’anxiété, la honte ou la culpabilité. De plus, ces cognitions vont avoir un impact négatif sur la réponse sexuelle. En effet, plus les pensées négatives seront présentes, moins l’excitation sexuelle ressentie sera importante. En conséquence, au cours du rapport sexuel, les femmes vont être davantage centrées sur ces pensées plutôt que sur toutes les stimulations sexuelles (par exemple, caresses, contexte érotique…). Ce processus de distraction est présent également chez les hommes qui se concentrent sur des pensées négatives portant sur la performance sexuelle.

Conclusion

Les futures études empiriques devraient investiguer le contenu des croyances sexuelles, des autoschémas négatifs ainsi que des pensées automatiques, chez les femmes fonctionnelles et dysfonctionnelles. En outre, la plupart des études utilisent une méthode par questionnaires afin d’explorer les processus cognitifs. Cette méthode ne permet pas d’accéder aux processus inconscients. Pour réaliser une évaluation fiable de ces processus, les méthodes utilisées devraient inclure des tâches implicites. Au regard des interventions thérapeutiques concernant les facteurs psychologiques/cognitifs, nous proposons que les pensées automatiques négatives, les schémas sexuels ainsi que les croyances deviennent la cible thérapeutique, par la méthode de la restructuration cognitive. Une seconde stratégie concernant l’intervention thérapeutique pourrait cibler la distraction cognitive. Un entraînement à la pleine conscience pourrait être utilisé comme un outil permettant à la fois de moins se focaliser sur les pensées non érotiques et de porter davantage son attention sur les stimuli sexuels.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Summary

Interest

Hypoactive desire disorder is a widespread difficulty among women. The concept of sexual desire and its dysfunctions are difficult to define because they involve an important subjective dimension. Due to this subjective component, psychological factors, and in particular cognitive dimensions, are hypothesized to play an important role in the development and maintenance of sexual dysfunctions. The processes at hand seem complex and conflicting positions exist. They will be reviewed with the aim to clarify the different propositions related to the role of cognitive processes in play in women sexual dysfunctions, especially hypoactive sexual desire. Future targets of therapeutic interventions will accordingly be proposed.

Method

A review of the literature about cognitive factors in women sexual dysfunctions and hypoactive desire disorder will be presented. This review has been completed mostly from PsycInfo and Medline research engines, focusing on studies from last 1970s to 2011. Most of the inventoried researches used the DSM-IV-TR (2000) criteria’s to establish the diagnosis of hypoactive sexual desire disorder. Empirical studies reported used principally clinical and control samples. The main keywords were: sexual desire, sexuality, cognitive, beliefs and thoughts.

Results

In general female population, prevalence of hypoactive sexual desire ranges from 24 to 43%. Causal factors of this problematic could be biological, environmental or psychological. Among psychological factors, literature shows that negative cognitions play an important function in women sexual dysfunctions. These cognitive factors are composed of three main levels that allow information processing in sexuality and also in all domains of life. Clinicians and researchers are agree to say that women suffering from sexual dysfunctions present more negative beliefs (e.g., older people cannot have sexual intercourses, sexuality can only be used for reproduction) compared to women without sexual difficulties. These negative beliefs make them more vulnerable to critical self-schemas (e.g., I am incompetent) when they experience an unsuccessful sexual situation. These negative self-schemas, when activated, elicit negative automatic thoughts that prevent them from focusing on the erotic context. These negative cognitions can be linked to their own self-image (e.g., “I am not beautiful enough”, “I must be performant”), their partner (e.g., “He is disgusting me”) or linked to the marital relationship (e.g., “He is going to leave me”, “He doesn’t love me anymore”). These negative thoughts trigger emotions like anxiety, shame or guilty. Moreover, these cognitions will have negative impact on sexual response. Indeed, the more negative thoughts will be present; the less will be the subjective sexual arousal. Consequently, during sexual intercourse, women will focus on this thoughts rather than sexual excitements (e.g., kissing, erotic context…). This distraction process is also present in men who concentrate on negative thoughts dealing with sexual performance.

Conclusions

Future empirical studies should investigate the content of sexual beliefs, sexual self-schemas, and automatic thoughts in functional and dysfunctional women. Most studies have used a questionnaire method to explore the cognitive process. This method does not allow to access unconscious processes. To make a reliable evaluation of these processes, methodologies using implicit tasks should be used. With regard to therapeutic interventions addressing psychological/cognitive factors, we propose that automatic negative thoughts, sexual schemas and beliefs should be targeted and worked on using a cognitive restructuring method. A second strategy in the therapeutic intervention could be to address cognitive distraction. A mindfulness training could be used as a tool to implement both: less focus on non erotic thoughts and more attention to sexual stimuli.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Dysfonction sexuelle féminine, Désir sexuel hypoactif, Pensées automatiques, Croyances sexuelles, Schémas sexuels, Distraction cognitive

Keywords : Women sexual dysfunctions, Hypoactive sexual desire disorder, Automatic thoughts, Sexual beliefs, Sexual schemas, Cognitive distraction


Plan


 An English version of this article is available on line, at doi:10.1016/j.sexol.2012.01.011.


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