Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ont considérablement évolué ces dernières années, au point de bouleverser notre vie quotidienne.

Généralisées dans le monde du travail, les TIC sont utilisées au quotidien par un nombre toujours croissant de salariés. Leur puissance et la variété de leurs fonctions leur confèrent une importance stratégique qui dépasse de très loin celle de simples outils. Leur impact est quasi-systématique sur les organisations du travail que bien souvent elles modèlent et structurent. Ces innovations ont suscité un débat permanent dans la société. Pourtant, leur rôle dans les transformations du travail reste peu connu, alors même que près de deux actifs sur trois utilisent régulièrement les TIC dans leur activité professionnelle [1Klein T., Ratier D. L’impact des TIC sur les conditions de travail  Paris: La documentation française (2012). 

Cliquez ici pour aller à la section Références]. La question de leur impact devrait correspondre à des enjeux toujours plus prégnants. Le sujet est complexe et soulève de nombreuses difficultés. Les conséquences de l’emploi des TIC ne peuvent être isolées de celles que peuvent avoir d’autres facteurs, en particulier l’organisation avec laquelle elles se conjuguent très étroitement.

Selon une idée assez répandue, les TIC seraient à l’origine de cloisonnements importants des échanges et des collectifs de travail [2Lachmann H., Larose C., et Pénicaud M. Bien-être et efficacité au travail – 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail, rapport au Premier ministre  Paris: La Documentation française (2010). 

Cliquez ici pour aller à la section Références]. Les professionnels auraient moins tendance à discuter avec leurs collègues, réduisant ainsi les échanges directs. Par exemple, dans le domaine de la Santé, plusieurs études portant sur les outils de support à l’activité de prescription thérapeutique ont montré l’impact négatif des technologies sur les communications directes entre médecins et infirmiers mettant ainsi en danger la sécurité des patients [3Beuscart-Zéphir M.C., Pelayo S., Anceaux F., et al. Impact of CPOE on doctor-nurse cooperation for the medication ordering and administration process Int J Med Inform 2005 ;  74 : 629-641

Cliquez ici pour aller à la section Références, 4Wright M.J., Frey K., Scherer J., et al. Maintaining excellence in physician nurse communication with CPOE: a nursing informatics team approach J Healthc Inf Manag 2006 ;  20 (2) : 65-70

Cliquez ici pour aller à la section Références, 5Carpenter J.D., Gorman P.N. What's so special about medications: a pharmacist's observations from the POE study AMIA Annu Symp Proc 2001 ; 95-99 [cross-ref]

Cliquez ici pour aller à la section Références, 6Pirnejad H., Niazkhani Z., Van der Sijs H., et al. Impact of a computerized physician order entry system on nurse–physician collaboration in the medication process Int J Med Inform 2008 ;  77 : 735-744 [cross-ref]

Cliquez ici pour aller à la section Références]. Cependant, de nombreux facteurs peuvent associer les TIC à la réduction des échanges directs entre médecins et infirmiers. En effet, certains déterminants organisationnels peuvent agir telles des variables de confusion et expliquer une partie de l’impact négatif observé [7Pelayo S., Anceaux F., Rogalski J., et al. A comparison of the impact of CPOE implementation and organizational determinants on doctor-nurse communications and cooperation Int J Med Inform 2013 ;  82 (12) : e321-e33010.1016/j.ijmedinf.2012.09.001[Epub Sep 21 2012].

Cliquez ici pour aller à la section Références]. L’impact de la technologie ne serait alors que la conséquence d’un changement organisationnel non anticipé–maîtrisé et pourrait être contrôlé en partie sur la base d’une analyse fine des organisations de travail et des usages avant implémentation des nouveaux outils.

Une étude de cas menée dans le cadre de l’informatisation du circuit du médicament hospitalier viendra illustrer le propos. L’étude a été réalisée en deux temps afin (i) d’identifier les déterminants organisationnels des communications médecins–infirmiers et (ii) d’évaluer l’impact de ces déterminants organisationnels sur les activités collectives entre médecins et infirmiers au regard de l’impact d’un LAP (Logiciel d’Aide à la Prescription). Des analyses systématiques quantitatives et qualitatives ont été menées dans huit services hospitaliers.

Les résultats montrent que le LAP n’a pas d’impact significatif sur les activités collectives au sein d’une même organisation. Lorsque les déterminants organisationnels sont contrôlés, la technologie ne provoque aucune différence significative dans les dialogues médecins–infirmiers (durées et contenus) et ne semble donc pas avoir un impact négatif sur les communications.

Une des explications, en comparaison avec les résultats de la littérature, est que les variables organisationnelles sont souvent cachées, et agissent comme des variables de confusion. Il semblerait que l’introduction d’un LAP provoque d’importants changements dans les organisations de travail, changements qui peuvent être anticipés et maîtrisés avec une analyse fine des usages et une attention toute particulière portée aux activités collectives et aux déterminants organisationnels.