Chapitre 4Presbytie et lentilles de contact

C. Peyre

Il existe plusieurs méthodes pour corriger la presbytie. Certaines sont actives, d’autres passives. Dans tous les cas, l’objectif est de rétablir la profondeur de champ qui diminue avec l’âge. Les lentilles font partie des méthodes passives, comme les implants multifocaux, les traitements lasers de surface et intrastromaux. Le but est de créer une pseudo-accommodation en augmentant le parcours accommodatif, c’est-à-dire la distance entre le punctum remotum et le punctum proximum [44]. Selon les méthodes employées, cette pseudo-accommodation peut être monoculaire ou binoculaire : elle est binoculaire si les deux yeux sont nécessaires pour l’obtenir ; elle est monoculaire si chaque œil contient séparément un système multifocal. Avec les lentilles de contact, il existe trois méthodes de correction :

  • – la monovision ;

  • – l’hypermétropie saturée ;

  • – les lentilles multifocales.

La monovision procure une pseudo-accommodation bi-oculaire. Les deux yeux doivent être performants et corrigés différemment. Les lentilles multifocales recréent une pseudo-accommodation monoculaire.

I. Monovision
Principe

Au sens strict, la monovision est pratiquée avec des lentilles unifocales : une pour la vision de loin, l’autre pour celle de près. À tout instant, un œil reçoit une image claire, l’autre œil une image brouillée (fig. 4-1). À terme, l’image défocalisée doit être éliminée. Cependant, au-delà de 1,50 D d’addition apparaît une perturbation de la vision binoculaire avec des altérations de la vision des contrastes, de la vision stéréoscopique et de la vision nocturne (fig. 4-2[36]. La dominance oculaire joue un rôle capital. Pour une monovision réussie, la suppression du flou visuel doit facilement changer, d’un œil à l’autre, à toutes les distances [27]. La sommation binoculaire est maintenue lorsque l’addition est placée sur l’œil non dominant ou préféré de près. Mieux vaut une faible qu’une forte dominance oculaire, sous peine de créer des perturbations sensorielles. En cas de forte dominance oculaire, le passage d’un œil à l’autre se fait mal et la profondeur de champ est altérée. Si la dominance est douteuse au cours de l’examen du patient, il est recommandé de multiplier les tests moteurs et sensoriels.

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Fig. 4-1 Monovision.

En vision de loin, l’image est sur la rétine pour l’œil dominant et défocalisée pour l’œil dominé. En vision de près, l’image de l’œil dominé est située sur la rétine, celle de l’œil dominant est défocalisée.

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Fig. 4-2 Effet de l’anisométropie sur la sommation binoculaire.

Lorsque l’anisométropie est inférieure ou égale à 1,50 D, la sommation binoculaire existe. Au-delà, il y a inhibition. À partir de 3 D, la vision devient monoculaire.

Indications

La monovision dite « simple » dissocie la vision des deux yeux et altère la vision binoculaire, ainsi que la sommation binoculaire. C’est une technique de choix pour les patients qui ne disposent pas d’une vision binoculaire mais qui conservent une vision bi-oculaire avec une réelle inversion de dominance. C’est le cas de certains anisométropes. Certaines hétérophories, accompagnées ou non d’insuffisance de convergence, peuvent tirer bénéfice de ce type de correction.

L’emmétrope est un bon candidat, surtout au début de sa presbytie. Il ne porte alors qu’une seule lentille. L’astigmate aussi, lorsque les résultats avec des lentilles multifocales sont décevants. Le petit myope inférieur à 3 D, jeune presbyte, le plus souvent hypoaccommodatif et hétérophorique, est également un bon candidat.

La psychologie du patient joue un grand rôle [15]. Le patient motivé qui est attaché à une vision sans lunettes ne se pose pas de questions et son adaptation sera une réussite.

Résultats

Une revue de la littérature réalisée en 1996 retrouve un taux de succès moyen élevé (73 %), selon Jain et al[29]. Paradoxalement, les résultats après chirurgie réfractive ou chirurgie de la cataracte se situent au-dessus, entre 85 % et 98 % [15]. Cependant, malgré ces résultats « spectaculaires » après chirurgie, Nijkamp et al. (2004) constatent que si 43 % des patients sont libres de toute correction supplémentaire pour la lecture [33], 28 % portent toujours des lunettes pour lire. La différence statistique relevée entre la monovision en lentilles de contact et après chirurgie tient probablement à la constance de la correction optique chirurgicale, sans réversibilité et sans contrainte de manipulation.

Intérêt

L’intérêt réside dans la possibilité d’utiliser tous les types de lentilles rigides, souples, sphériques ou toriques, de choisir le type de port, occasionnel, journalier et même prolongé, avec un coût modeste et une période d’apprentissage courte. Toutes les amétropies sont accessibles. La vision globale est performante en ambiance photopique. La vision intermédiaire est possible en remplaçant la lentille de près par une multifocale. Pour des tâches plus pointues, l’ajout souvent nécessaire de lunettes complémentaires est simple et efficace.

Une tentative en lentilles est souvent utile pour estimer le futur après chirurgie réfractive.

Limites

Certaines sont liées au terrain, d’autres aux conséquences visuelles.

Pour le terrain, il faut citer les amblyopies qu’elles soient mono- ou binoculaires, l’absence de vision bi-oculaire, les trop fortes dominances ou l’absence d’inversion de dominances [27]. Ceci souligne l’importance de réaliser de manière systématique un test rouge/vert polarisé. Certaines anomalies de la vision binoculaire, comme les hétérophories mal compensées ou après strabisme opéré, doivent susciter la prudence, car il a été observé des diplopies irréductibles après monovision chirurgicale [28]. Ces effets délétères sont plus accentués si c’est l’œil dominant qui est corrigé pour la vision de près.

Les limites liées aux conséquences visuelles sont multiples.

L’absence de vision intermédiaire handicape sévèrement les informaticiens et tous ceux dont la profession exige une vision nette et continue entre 50 cm et 1 m. Ce souci s’exacerbe dès que l’anisométropie nécessaire dépasse 1,50 D. C’est pour pallier cet inconvénient que la monovision aménagée, la monovision « modified » et la balanced progressive technology ont vu le jour [5].

Les résultats sont plus favorables chez les myopes que chez les hypermétropes, et défavorables aux astigmates non ou mal corrigés. Plus généralement, elle est défavorable lorsque la correction optique n’est pas parfaite sur les deux yeux.

Des besoins visuels pointus en continu, comme la lecture prolongée, le travail sur écran, la conduite sur route pour de long trajet de surcroît la nuit, ne sont pas de bonnes indications, certains auteurs soulevant le problème médicolégal de la monovision pour la conduite d’un véhicule.

L’anisométropie induite a des limites : jusqu’à 1,50 D d’addition, la sommation binoculaire existe ; plus ce seuil est dépassé, plus la vision binoculaire se dégrade. Il faut atteindre une anisométropie de 3,25 D pour que la vision devienne strictement monoculaire (voir fig. 4-2). En vision des contrastes, pour les basses fréquences, il n’y a pas de différence significative entre lunettes et monovision. En revanche, pour les hautes fréquences, la réduction est significative avec la monovision. Selon Pardhan [36] et Durrie [16], c’est là aussi à partir d’une anisométropie induite de + 1,50 D que la vision des contrastes se modifie de façon significative. En éclairage photopique (250 cd/m2), la monovision, même avec une anisométropie élevée, n’a pas d’effet réel sur l’acuité binoculaire en faibles ou forts contrastes [3]. Rajagopalan et al., au cours de tests de contrastes, ont montré la supériorité évidente des lentilles rigides multifocales, à égalité avec les lunettes, sur tous les autres modes de correction, notamment la monovision [41].

La vision stéréoscopique se dégrade avec la monovision. Les modifications deviendraient perturbantes à partir d’une addition de 2 D. Une anisométropie supérieure à + 2 D peut ne pas entraîner de perte subjective de profondeur de champ mais, dans les mêmes conditions, la vision stéréoscopique peut être franchement perturbée chez certains patients. Une étude récente menée par Chapman et al[6] a conclu à un réel danger de chute par manque de vision stéréoscopique. En outre, en ambiances mésopique et scotopique, le taux de satisfaction est plus faible. Les principales plaintes sont des éblouissements, des halos autour des lumières. Le principal problème est la suppression du flou de l’œil défocalisé. Alors qu’en forte luminance, le flou disparaît, sous faible éclairage il réapparaît d’autant plus que l’objet regardé est petit. L’adaptation à une monovision prend ainsi quelques minutes, quelques jours ou même parfois trois mois, avec une moyenne de trois semaines [22]. La profondeur de champ ne semble pas être altérée. La somme des deux visions monoculaires balaye le parcours complet entre la vision de loin et celle de près, sans altérer la vision intermédiaire pour les additions inférieure ou égale à 1,50 D. Au-delà, il existe un « manque ». Des conséquences à terme existent. La vision des contrastes et la vision nocturne sont très perturbées. À la longue, la perturbation de la stéréoacuité et celle de la fusion fovéale induites sont à l’origine de perturbations sensorielles difficilement réversibles. Des conséquences non négligeables sont notées sur les performances lors de la conduite automobile [51]. Depuis l’amélioration des géométries multifocales, l’engouement pour la monovision décroît, même outre-Atlantique.

Perspectives

L’arrivée des lentilles multifocales a considérablement changé les habitudes et permet de faire évoluer la monovision classique. L’idée de mêler monovision et multifocalité pour obtenir une pseudo-accommodation à la fois monoculaire et bi-oculaire est devenue une voie de plus en plus explorée. C’est ainsi que sont apparues :

  • – la monovision aménagée, qui consiste à utiliser une lentille unifocale, généralement pour l’œil de loin, et une lentille multifocale pour l’autre [19]. Cette méthode permet de conserver une vision de loin intacte tout en préservant une sommation binoculaire pour certaines distances, en particulier en vision intermédiaire. Par la suite, la monovision a été pratiquée avec des lentilles multifocales : deux lentilles multifocales comprenant la correction exacte de loin sur chacun des deux yeux, mais avec des additions différentes ;

  • – la « modified monovision » décrite par les Anglo-Saxons, qui consiste à utiliser deux lentilles multifocales de même géométrie et de mêmes additions avec une surcorrection positive en vision de loin d’au moins 0,50 D à 1 D pour l’œil de près. L’avantage est d’obtenir une sommation binoculaire en vision intermédiaire. Une forme de monovision « soft » consiste à mixer des géométries optiques différentes ;

  • – la balanced progressive technology [5] (cf. infra, « Lentilles multifocales »), où l’œil de loin est corrigé avec une lentille multifocale concentrique à vision de loin centrale et l’œil de près avec une lentille de même concept mais à vision de près centrale (principe des géométries inversées).

L’avenir est à la binocularité avec multifocalité, sans renier les avantages de la monovision.

II. Hypermétropie saturée

Encore appelée « hypervision » [18], cette technique, rarement citée comme technique de compensation de la presbytie, n’en demeure pas moins une méthode simple et logique, applicable aux hypermétropes [45].

Principe

Cette méthode consiste à corriger totalement l’hypermétropie en vision de loin sur chacun des deux yeux avec des lentilles unifocales. La correction de l’hypermétrope, même en vision de loin, demande le port d’un dispositif convexe. Celui-ci grossit l’image rétinienne. Ce grossissement se fait dans les trois dimensions. Il est d’autant plus accentué que le dispositif de correction est plus éloigné de l’œil. Un hypermétrope, à l’âge de la presbytie, est plus gêné par ses lunettes qu’un myope, car le grossissement rétinien l’oblige à développer un effort accommodatif plus important, puisqu’il n’y a pratiquement plus de distance entre les deux plans de mise au point de l’image rétinienne. Ce grossissement s’effectue dans toutes les dimensions, en particulier d’avant en arrière. Le fait de ramener le dispositif au contact de l’œil réduit le grossissement. L’hypermétrope équipé de lentilles voit plus petit, accommode moins et converge moins. La qualité de l’acuité visuelle de loin comme de près est celle obtenue avec des lentilles unifocales, sans compromis visuel. Les champs visuels centraux et périphériques sont préservés. La vision des contrastes et la vision stéréoscopique ne sont pas altérées. Ce mode de correction libère ainsi des possibilités étonnantes d’aisance accommodative. Plus l’hypermétropie est forte, plus les résultats sont spectaculaires. L’hypermétropie doit être corrigée totalement, à la limite de la chute d’acuité visuelle de loin, comme pour les strabismes accommodatifs. Au test duochrome rouge/vert, une légère prévalence dans le rouge est recommandée. Cette « surcorrection » permet de soulager à la fois l’accommodation et la convergence, et procure une profondeur de champ acceptable pour les différentes tâches de la vie quotidienne, en supprimant les signes fonctionnels de fatigue associés.

Indications

Seuls les hypermétropes supérieurs à 2 D sont concernés. Ils ne peuvent pas vivre sans leur correction de loin. Cette méthode n’est pas applicable aux petits hypermétropes inférieurs à 2 D, que la correction totale risque de priver de leur « hypervision » de loin sans correction et qui tireront un meilleur bénéfice des lentilles multifocales.

C’est également une solution simple lorsqu’un équipement en lentilles multifocales ou en monovision n’est pas possible. Le risque d’amblyopie n’est pas rare lorsqu’il existe une hypermétropie bilatérale importante ou une anisométropie passées inaperçues dans l’enfance. Il existe souvent une forte dominance, voire une vision monoculaire. Cela devient alors une mauvaise indication à la monovision et aux lentilles multifocales.

Elle est indiquée également après chirurgie réfractive de surface car les lentilles multifocales actuelles ne sont pas adaptées à la nouvelle géométrie oblate de la cornée. Seules les lentilles rigides sphériques apportent de vraies solutions.

Intérêt

Le principal avantage de cette technique est son incroyable simplicité et efficacité, avec la possibilité d’utiliser tous les types de lentilles, rigides, souples, toriques, à renouvellement fréquent, ou de prescription pour les amétropies ou kératométries hors normes. Tout type de port est possible : occasionnel, journalier ou continu avec des lentilles à haut Dk. En contrepartie, le suivi strict est alors de rigueur compte tenu de l’épaisseur des lentilles.

Les lentilles suppriment le scotome annulaire périphérique provoqué par les lunettes, dont la largeur est directement proportionnelle à la puissance du verre. Elles vont également supprimer les effets dynamiques liés à la rotation du globe dans le regard décentré.

Limites

Les principales limites rencontrées sont essentiellement liées à la topographie de la cornée de l’hypermétrope et au type de lentilles disponibles. Les cornées sont souvent plates, parfois de faible diamètre ; les lentilles sont épaisses et lourdes. Les décentrements sont fréquents. Sur une cornée trop plate, la lentille rigide, souvent lourde, ne reste pas centrée. Une lentille souple restera mieux centrée mais si le rayon de courbure central est trop cambré, le clignement induira des microplissements, source d’inconfort visuel.

III. Lentilles multifocales

Il existe deux principes de correction : vision alternée et vision simultanée. Les deux yeux sont corrigés équitablement pour la vision de loin et la vision de près, en respectant l’équilibre et la sommation binoculaire. Chaque œil dispose d’une profondeur de champ, et la pseudo-accommodation est monoculaire.

Vision alternée

Encore appelée « vision à translation », c’est la première technique utilisée en contactologie pour corriger la vision de loin et la presbytie avec un seul dispositif optique. Deux ou trois surfaces bien distinctes sont définies, chacune destinée à l’une des trois visions (de loin, intermédiaire, de près). L’objectif est de faire alterner devant la pupille des zones optiques de puissances différentes. La pupille sélectionne les rayons lumineux qui la traversent. La discrimination vision de loin-vision de près est volontaire. C’est le sujet qui choisit en fonction de la direction de son regard (fig. 4-3). La vision alternée reste à ce jour le domaine des LRPG (lentilles rigides perméables aux gaz). Les lentilles souples, trop stables, trop centrées sur la cornée, avec un matériau trop souple et malléable ne translatent pas ou peu ; cependant, l’arrivée du silicone hydrogel, dont la rigidité est plus élevée, relance les recherches.

Souvent bifocales, parfois progressives, les lentilles peuvent être concentriques à vision de loin centrale ou segmentées (fig. 4-4).

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Fig. 4-3 Vision alternée.

Les deux zones optiques alternent face à la pupille : regard primaire en vision de loin ; regard en bas pour la vision de près.

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Fig. 4-4 Géométries des lentilles rigides multifocales.

LENTILLES RIGIDES CONCENTRIQUES

La vision de loin est au centre, entourée d’une zone de progression destinée à la vision intermédiaire et, plus excentrée, à la vision de près. Même si la lentille tourne sous l’effet du clignement, dans le regard en bas la zone périphérique de près se trouve face à la pupille.

LENTILLES BIFOCALES CONCENTRIQUES ANNULAIRES

Elles sont toutes à vision de loin centrale et fonctionnent en mode alterné. Ce qui les différencie est la localisation de l’addition (tableau 4-I:

  • – addition sur la face interne, avec l’image fluorescéinique caractéristique en « cocarde » et son lac de fluorescence central ;

  • – addition sur la face externe : ce sont des lentilles concentriques bifocales à vision de loin centrale sphérique entourée d’une zone de vision de près également sphérique. Le fonctionnement de ces lentilles, sous contrôle des paupières, nécessite un apprentissage. La face interne sphéro-asphérique montre une image fluorescéinique constante et alignée. Une toricité interne peut y être ajoutée.

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Tableau 4-I  Avantages et inconvénients de l’addition sur face interne ou sur face externe.

LENTILLES ASPHÉRIQUES PROGRESSIVES

La zone optique centrale peut être de loin ou de près, mais les lentilles de nouvelle génération possèdent une zone optique surtout de loin (fig. 4-5 à 4-7).

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Fig. 4-5 Lentille concentrique à vision de loin centrale et progression de puissance vers la périphérie.

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Fig. 4-6 Lentille Menicon BTC (« back toric » compensé).

Deux plots de repères indiquent le rayon de courbure le plus plat.

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Fig. 4-7 Géométries « comfort ».

Grand diamètre (supérieur à 10,2 mm) ; bords plus fins que sur une lentille standard classique ; réservoir de larmes et capteur de poussière.

LENTILLES RIGIDES SEGMENTÉES

Ce design est le plus ancien et le plus dessiné par de nombreux professionnels depuis près de soixante-dix ans. Le regard droit devant, le sujet regarde à travers la zone optique de loin (fig. 4-8). Dans le regard vers le bas, la lentille « translate » sur la cornée et le sujet regarde à travers celle de près. Chacune des deux zones optiques juxtaposées est sphérique et la qualité des deux visions est celle de surface sphérique. Au niveau de la zone de transition, les centres optiques sont confondus pour éviter des sauts d’images.

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Fig. 4-8 Lentille segmentée bifocale.

GÉOMÉTRIES

Le design est le plus souvent bifocal, rarement trifocal. Deux plages symétriques se succèdent verticalement à la manière d’un verre à double foyer. En haut, la vision de loin, en bas celle de près et, parfois, intercalée entre les deux, une vision intermédiaire. Les différentes zones optiques bien différenciées vont alterner face à la pupille grâce à un mouvement de translation. Leur bon fonctionnement dépend de plusieurs paramètres. Ce qui les distingue les unes des autres est la forme du segment inférieur de près. Il peut être totalement segmenté, surmonté par une ou deux lignes de jonction horizontale et linéaire, selon que la lentille est bi- ou trifocale. Il peut être en forme de croissant : lentille monobloc, elle translate doucement sans le moindre saut d’image ; si la lentille tourne, la forme en croissant du segment suit le bord inférieur de la pupille et, même pour une rotation jusqu’à 30°, aucune fluctuation ou baisse de vision de près ne survient contrairement aux autres designs[5, 38]. Il peut présenter un design original avec une zone optique sphérique pour la vision de loin, un segment en forme de croissant encoché au centre. Surplombant l’encoche, une petite zone asphérique triangulaire procure une vision intermédiaire.

SYSTÈMES DE STABILISATION

Ils sont au nombre de deux, un prisme ballast et une troncature. Ils sont chargés d’assurer le bon fonctionnement de la translation et de lutter contre toute rotation intempestive (fig. 4-9).

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Fig. 4-9 Systèmes de stabilisation.

a. et b. Prismes et troncatures. c. Prisme de 1,50 D. d. Prisme de 2,00 D.

Prisme ballast

Il est constant pour toutes les lentilles à translation et situé à 270°. Son rôle est triple :

  • – faire descendre la lentille vers le bas, grâce à son poids, afin qu’en regard primaire le patient regarde à travers la zone de vision de loin ;

  • – contribuer à l’orientation correcte de la lentille, surtout verticalement, et stabiliser la lentille en s’opposant à toute rotation intempestive ;

  • – faciliter l’appui sur la paupière inférieure grâce à sa surépaisseur et jouer un rôle fondamental au cours de la translation en permettant l’ascension de la lentille sur la cornée dans le regard vers le bas.

Sa puissance est variable, entre 1 D et 3 D maximum. Les puissances les plus courantes sont 1,50 et 2 D. Sa puissance est modulée en fonction de l’amétropie et des mouvements constatés : si une lentille tarde à redescendre, sa puissance est augmentée ; si elle a du mal à remonter, sa puissance est diminuée.

L’absence de rotation nasale de 10° à 20° au clignement et en convergence produit un inconfort en vision de près. Ce phénomène est dû à la différence d’épaisseur entre la partie supérieure fine et la partie inférieure prismatique épaisse. Il est possible de modifier l’orientation du prisme de 15° sur chacune des deux lentilles pour créer une rotation nasale.

Troncature

Il s’agit du retrait d’une partie de la lentille, empruntant la corde d’un arc, à la partie inférieure du prisme ballast. Cette partie enlevée peut aller jusqu’à 0,50 mm. La lentille n’est plus ronde. Son rôle est multiple : favoriser un bon contact entre lentille et paupière, stabiliser une lentille qui tourne, diminuer son diamètre vertical, diminuer son poids, stopper une lentille fine qui glisse[5, 42].

Profil « slab off »

La troncature tend à disparaître, remplacée par un profil « slab off » (fig. 4-10).

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Fig. 4-10 Systèmes de stabilisation.

Prisme sans troncature : profil « slab off ».

(Dessin reproduit avec l’aimable autorisation de Precilens.)

ADAPTATION

Il existe cinq facteurs principaux à prendre en compte dans l’adaptation : la taille de l’ouverture palpébrale, la tonicité des paupières supérieure et inférieure, le diamètre cornéen, la distance du bord inférieur de la pupille au bord de la paupière inférieure.

Vision simultanée

La méthode est fondée sur la discrimination cérébrale et consiste à placer devant l’œil un système optique comportant plusieurs distances focales qui contribuent simultanément à la formation des images. L’ensemble de ces zones de distances focales différentes sont présentées en même temps face à la pupille, de telle sorte que plusieurs images sont produites simultanément sur la rétine (fig. 4-11). L’une nette, produite par la focale utile et les autres floues, causées par les autres focales. L’exemple caractéristique est celui de la mouche placée sur la vitre : l’œil fixe la mouche et le cerveau perçoit en même temps, en arrière-plan, le paysage ; à l’inverse, si l’œil fixe le paysage, le cerveau perçoit la mouche dans son champ de vision. Le cerveau perçoit les deux images mais s’il se concentre sur l’une d’elle, il peut ignorer l’autre. Ce « tri » cortical nécessite une période d’apprentissage dont la longueur est variable selon les individus. Ce mode de fonctionnement a pour but de restituer la profondeur de champ perdue avec la presbytie. Il réalise une pseudo-accommodation. La pseudo-accommodation d’une lentille représente donc le parcours d’accommodation apporté artificiellement et de manière passive au presbyte. Une aberration optique est créée volontairement dans la lentille de manière à augmenter la profondeur de champ (fig. 4-12). La forme exacte de l’aberration induite est critique parce qu’elle conditionne un compromis entre la longueur du parcours de pseudo-accommodation et les autres performances de la lentille. Pour être efficace, la conception de ce type de lentilles doit tenir compte de l’ensemble des paramètres qui influent sur le résultat visuel : le degré d’addition, la dynamique pupillaire, le centrage et le mouvement des lentilles. Le myosis accommodatif est mis à profit pour la vision de près. Les lentilles progressives à vision simultanée vont donc rétablir un parcours d’accommodation continu qui permet de voir net à toutes les distances. Le fonctionnement de la vision simultanée est pupillodépendant. La zone optique de la vision de près est au centre. La totalité de la zone optique ne doit pas excéder 4 mm, pour que toutes les zones de vision de loin et de près se trouvent face à la pupille. Pour un bon fonctionnement, il faut des lentilles bien centrées sur la cornée et peu mobiles. Rares sont les lentilles rigides qui répondent à ces critères, alors que toutes les lentilles souples remplissent ces conditions.

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Fig. 4-11 Vision simultanée.

La totalité de la zone optique se trouve devant la pupille qui sélectionne les rayons qui la traversent. La rétine perçoit des images à toutes les distances, transmet au cerveau qui sélectionne.

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Fig. 4-12 Aberration optique créée volontairement dans la lentille, de manière à augmenter la profondeur de champ et la pseudo-accommodation.

LENTILLES RIGIDES

Peu fonctionnent en mode simultané : trop mobiles sur la cornée, leurs zones optiques ont tendance à translater.

LENTILLES SOUPLES

Les lentilles souples se distinguent entre elles selon leur design, qui peut être bifocal, multizone, sphéro-asphérique ou asphérique progressif, selon la répartition de leurs zones optiques et selon leur degré de pupillodépendance.

LENTILLES PUPILLO-INDÉPENDANTES

Une seule répond à ce critère : la lentille bifocale diffractive. Son fonctionnement repose sur la nature ondulatoire de la lumière et utilise le principe de la diffraction. Elle comporte un réseau diffractif placé sur la face interne, composé d’une succession de prismes, ou échelettes concentriques, et l’énergie lumineuse est répartie en trois parties inégales : 40 % pour la vision de loin en mode réfractif, 40 % pour la vision de près en mode diffractif, 20 % dispersée entre toutes les focales destructives. Ce concept optique original qui a eu, dans les années quatre-vingt-dix, un énorme succès, n’est plus disponible actuellement, mais pourrait bien resurgir un jour sous un mode nouveau.

LENTILLE INDÉPENDANTE DU CENTRAGE

Ce sont les lentilles multizones, faites de cercles concentriques, alternant des zones optiques de puissances différentes. La face externe est sphérique ou légèrement asphérique. La face interne est multisphérique. La combinaison des deux dioptres crée une multitude de focales de puissances différentes, correspondant à la vision de loin et à la vision de près. La différence entre ces puissances réalise la puissance d’addition. Cette puissance est obtenue en faisant varier le nombre, la largeur et la courbure de chaque anneau. Selon l’intensité lumineuse, le nombre et la nature des surfaces optiques utiles varient. La plus connue, dite « pupil intelligent », alterne sur une zone optique de 8 mm, trois zones de vision de loin et deux de près. Ces variations de puissance sont obtenues par des variations de l’ordre du micromètre de l’épaisseur de la lentille. Cette géométrie multizone n’est pas sensible au décentrement. En revanche, les variations du diamètre pupillaire, fonction de l’intensité lumineuse et de la distance du stimulus, privilégient l’une ou l’autre vision. Utilisant ce concept, une nouvelle lentille en silicone hydrogel vient de voir le jour. Les deux faces sont asphériques. La face avant est faite d’anneaux asphériques, ce qui facilite la vision intermédiaire. Ces anneaux, au nombre de cinq, varient en fonction de l’addition dans leur forme, leur largeur et leur positionnement. Le centrage est optimisé par la face interne asphérique, ce qui permet de réduire les « glares », halos et images en échos, parfois rencontrés avec ces géométries en anneaux concentriques (fig. 4-13). Ce concept peut se décliner différemment : selon la répartition des anneaux, la vision de loin ou celle de près peuvent être dominantes.

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Fig. 4-13 Anneaux concentriques, asphériques sur les deux faces : lentille Acuvue® Oasys® for presbyopia (Johnson & Johnson).

Structure et répartition des anneaux différentes en fonction de l’addition.

LENTILLES PUPILLODÉPENDANTES

Leur fonctionnement est directement en rapport avec la taille et le centrage de la zone optique face à la pupille, dont le diamètre varie en fonction de la luminosité et de la proximité du stimulus.

Lentilles bifocales concentriques

Moins utilisées, leur système optique forme sur la rétine concomitamment une image de loin et une de près bien distinctes, et le cerveau choisit. La vision de loin peut se trouver au centre ou en périphérie. Placée au centre, elle entraîne halos, images fantômes, diplopie et saut d’images, sans possibilité de vision intermédiaire. La plupart sont à vision de près au centre.

Plus intéressante, une autre lentille propose des géométries concentriques différentes pour chacun des deux yeux. Cette géométrie présente deux avantages : une forte sommation binoculaire en vision intermédiaire et un moyen idéal pour sortir d’une monovision mal supportée[5, 42].

Lentilles asphériques progressives

L’asphéricité induit une variation de focalisation point par point de la puissance et une complexité des trajets lumineux. Elle peut être sur la face externe ou interne, et la vision de près le plus souvent au centre. Pour une même lentille, les variations d’addition sont obtenues en faisant varier son profil. L’efficacité lumineuse sur la rétine se répartit de manière harmonieuse en fonction du diamètre pupillaire et de la vergence (fig. 4-14). Le profil peut être unique, quelle que soit l’addition, ou multiple. C’est ainsi que ces lentilles peuvent être classées selon différents critères : la localisation de l’addition, leurs géométries sphériques et asphériques, les profils d’addition uniques ou multiples.

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Fig. 4-14 Lentilles asphériques progressives : selon la taille de la pupille, sous la dépendance de l’éclairage, le pic d’efficacité lumineuse va se décaler de manière harmonieuse de la vision de près jusqu’à la vision de loin.

(D’après Château et Baude (1997) [7].)

Lentilles à profil d’addition unique et zone de loin sphérique

La vision de près est centrale et sa face externe asphérique. Elle combine un pic central d’addition de 2 mm de rayon, 1,8 µm de hauteur et 5 D de puissance dioptrique, une petite zone intermédiaire et une large zone de vision de loin stabilisée1. La zone d’utilisation physiologique de la progression, qui correspond en réalité aux pentes du pic central, procure une addition maximum de + 2,75 D (fig. 4-15).

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Fig. 4-15 Profil d’addition unique : lentilles Focus dailies® progressives (Ciba Vision).

Lentilles à profils identiques, d’addition multiples, entièrement asphériques

Elles sont toutes fondées sur le même concept : vision de près centrale et asphéricité sur les deux faces. Il peut exister plusieurs profils (deux ou trois selon la lentille), chacun responsable d’une puissance d’addition (fig. 4-16 et 4-17).

Dans les deux cas, la progression douce garantit une vision intermédiaire stable et la taille de la zone optique centrale de près se trouve en conformité avec la taille de la pupille. Grâce aux progrès de fabrication et à la nanotechnologie, il est possible de mélanger zones optiques stabilisées et asphéricité (fig. 4-18) : ces designs à microzones stabilisées assurent un meilleur confort en vision de loin.

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Fig. 4-16 Deux profils d’addition asphériques : lentille Ophtalmic HR progressive® (Ophtalmic).

Optimisation de la sensibilité aux contrastes en limitant les aberrations optiques d’ordre supérieur.

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Fig. 4-17 Profils d’addition entièrement asphériques : lentille Air Optix® aqua MF (Ciba Vision).

La surface des zones optiques reste identique, quelle que soit l’addition. La transition entre les différentes zones se fait de manière très douce sans ressaut.

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Fig. 4-18 Lentilles entièrement asphériques avec microzones stabilisées : lentille C2NVS® (Precilens).

Lentilles à profils différents pour des additions multiples

Elles sont sphéro-asphériques : asphérique sur la face externe, sphérique sur la face interne. Ces deux profils mélangés entraînent parfois une sensation de décalage, généralement réversible (fig. 4-19).

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Fig. 4-19 Profils d’addition différents correspondant à deux additions différentes : deux zones sphériques séparées par une zone asphérique.

La transition entre les zones optiques est plus rude.

Géométries inversées

C’est le concept balanced progressive technology (BPT), qui combine les principes de la monovision, des designs concentriques sphériques et asphériques, tout en mixant des géométries inversées [5] (fig. 4-20).

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Fig. 4-20 Balanced progressive technology. Vision binoculaire modifiée avec maîtrise des aberrations sur toute la surface de la lentille et géométries inversées : lentille Biofinity® MF (Coopervision).

a. Lentille « D » à vision de loin centrale. b. Lentille « N » à vision de près centrale.

LENTILLES MULTIFOCALES ET TORIQUES

Elles peuvent être rigides ou souples.

LENTILLES RIGIDES MULTIFOCALES TORIQUES

Toutes les géométries multifocales de lentilles rigides peuvent accueillir une toricité sur leur face libre de toute addition. Si l’addition est sur la face interne, il est possible de corriger une toricité externe. En revanche, si l’addition est sur la face externe, la lentille sera torique interne et permettra de corriger des astigmatismes cornéens au-delà de 6 D. Pour faciliter la stabilisation d’une lentille concentrique un peu mobile sur une cornée torique et faciliter ainsi la part simultanée du principe optique, il est recommandé d’employer des surfaces toriques dès 1,75 D d’astigmatisme cornéen.

LENTILLES SOUPLES MULTIFOCALES TORIQUES

Ces lentilles s’adressent à des astigmatismes supérieurs à 1 D. Un astigmatisme inverse de faible puissance non corrigé peut favoriser la vision de près en améliorant la stéréoscopie. Plusieurs designs de lentilles souples multifocales toriques existent. À la base, le concept est celui d’une lentille MF de géométrie décrite plus haut, auquel est ajoutée une toricité sur la face libre d’addition (le plus souvent la face interne). Elles sont munies de systèmes de stabilisation dynamique (allégements, prisme ballast, bossage). Elles prennent en charge tous les astigmatismes, cornéens, internes et mixtes, pratiquement sans limite de puissance cylindrique ni sphérique associée. Elles sont fabriquées sur mesure. Leur renouvellement peut être mensuel, trimestriel, annuel.

Pour les concentriques bifocales, nous retiendrons le couple lentille « D » (vision de loin + 0,50) et lentille « N » (vision de près – 1,25 D), qui combine les avantages de la monovision et de la bifocalité. La toricité est sur la face interne. Avec les asphériques progressives, le choix est plus grand. Toutes ces lentilles ont la vision de près centrale et disposent de la même géométrie multifocale que les lentilles vues précédemment. Il existe ainsi des lentilles de profil d’addition unique, avec une seule addition autour de 2,50 D, un peu pénalisante en vision de loin pour les jeunes presbytes, et d’autres disposant de plusieurs profils donc de plusieurs additions disponibles. La toricité se trouve le plus souvent sur la face interne libre de progression et le système de stabilisation peut être dynamique avec des zones d’allégement supérieure et inférieure ou sous forme de prisme ballast (fig. 4-21 et 4-22).

Avec les géométries inversées, c’est l’alliance du confort visuel de la balanced progressive technology et d’une toricité sur la face postérieure (fig. 4-23).

La lentille hybride, ou « Duo », associe une lentille rigide au centre en matériau HDS 100 perméable à l’oxygène, disposant de multiples rayons de courbure, cerclée d’une « jupe » périphérique souple, de différentes courbures. La vision de près est centrale et permet de corriger astigmatisme et presbytie chez les patients intolérants aux LRPG (fig. 4-24).

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Fig. 4-21 Lentille torique à profil d’addition unique : lentille Ophtalmic Rx toric MF® (Ophtalmic).

Toricité sur la face interne ; asphérique externe ; prisme ballast et allégements périphériques.

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Fig. 4-22 Lentille torique à deux profils d’addition : lentille C2TT® Precilens.

Toricité interne ; stabilisation dynamique (zones d’allégements périphériques, bossage).

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Fig. 4-23 Lentille torique à géométries inversées, vision binoculaire modifiée : lentille Proclear® MF torique (Coopervision).

Toricité sur la face interne ; zones d’allégements supérieur et inférieur.

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Fig. 4-24 Lentille hybride.

LRPG enchâssée dans une lentille souple. Elle améliore le confort et la stabilité. Le Dk de la « jupe » souple est faible et il existe un risque de néovascularisation limbique.

Indications

Les indications des lentilles souples et lentilles rigides multifocales sont fonction de nombreux paramètres. Il n’existe pas une lentille « préférée » qui puisse corriger tous les presbytes. Tout un panel de lentilles multifocales, de géométrie et de matériau différents est à notre disposition. Le choix va se faire en fonction de deux critères :

  • – le patient, avec sa personnalité, sa motivation, ses besoins visuels et son examen clinique ;

  • – les lentilles, avec leurs géométries et leurs matériaux : il existe des indications précises, permettant d’éviter le choix du hasard, très souvent source d’échec.

INDICATIONS EN FONCTION DU PATIENT

Deux groupes de facteurs interviennent : des facteurs subjectifs liés à la personnalité du porteur et à sa motivation, et des facteurs objectifs comme ses besoins visuels et son examen clinique.

FACTEURS SUBJECTIFS
Motivation et la psychologie

C’est une des clefs de la réussite. Cerner la psychologie du patient permet d’éviter des erreurs de méthode. Comme cela a été expliqué dans le rapport de F. Malet de 2009 [31], la process communication est un outil pragmatique et rationnel qui permet d’identifier les besoins psychologiques du patient, permettant au médecin d’adapter son langage à chaque type de patient. Six types de personnalité possédant chacun des points forts et des points faibles ont été décrits. À chaque type de personnalité correspondent des caractéristiques comportementales multiples qu’il importe d’identifier pour établir une bonne communication. Les différents « types purs » sont :

  • – le type « travaillomane » : 25 % de la population, dont 75 % d’hommes. Logique, responsable, organisé, il veut toutes les informations et un échéancier clair et précis, faute de quoi il ne prend pas le médecin au sérieux ;

  • – le type « persévérant » : 10 % de la population dont 70 % d’hommes. Dévoué, observateur, consciencieux, il attend la même chose de son médecin. Son point faible, c’est l’écoute. En cas de stress, il devient négatif et ne voit plus que ce qui ne va pas : « Je vais voir moins bien avec des lentilles, alors ce n’est pas la peine ! » ;

  • – le type « empathique » : 30 % de la population dont 70 % de femmes. Souriante et enveloppante, elle attache beaucoup d’importance aux sensations et à la qualité des relations humaines. Son confort dépend beaucoup de la qualité et de la gentillesse de l’accompagnement du professionnel. En cas de stress, elle perd ses moyens si les conseils donnés ne sont pas intégrés ;

  • – le type « rebelle » : 20 % de la population dont 60 % de femmes. Regard vif, visage expressif, elle exprime spontanément ce qui ne va pas. Elle aime, elle n’aime pas ! Sa motivation est pour une grande part liée à la qualité de la relation. Les lentilles pour elle, c’est aussi le « jeu », le moins de contrainte possible, le plus de plaisir. Elle a ses propres idées sur la manière de faire. En cas de stress, c’est l’incompréhension et elle rejette la faute sur l’autre. Si elle a mal compris, c’est qu’« on lui a mal expliqué ! » ;

  • – le type « rêveur » : 10 % de la population dont 60 % de femmes. Attitude réservée, elle s’exprime peu. Le regard absent, elle attend son tour. Calme, introspective et réfléchie, elle a besoin de directives claires, brèves et précises. Sans ces informations, elle risque d’abandonner son équipement, sans oser exposer ses inquiétudes et ses difficultés. En cas de stress, elle devient transparente et inexistante ;

  • – le type « promoteur » : 5 % de la population dont 60 % d’hommes. Il agit en fonction de ses intuitions et s’adapte ensuite. Il possède de grandes facultés d’adaptation, aime le défi et les nouveautés, mais une fois la bataille gagnée, se désintéresse rapidement. Il faut prendre en compte son côté fonceur, mais il a besoin d’avis fermes et directs sans compassion. Il méprise la dépendance et sous stress est prêt à prendre des risques.

Chaque individu possède en lui une part plus ou moins importante de chacun des types précités qu’il faudra analyser pour que les lentilles soient acceptées. À la différence de la chirurgie réfractive, méthode irréversible, à tout moment le patient équipé de lentilles de contact peut abandonner. Le médecin doit éviter des termes réducteurs comme « compromis visuel » perçu de façon négative. Mieux vaut parler d’équilibre bi-oculaire, de relief, de confort de vie, d’apprentissage, et dédramatiser la manipulation qui reste un point crucial.

Type de port souhaité

Le port occasionnel est souvent souhaité par les presbytes nouveaux porteurs, mais il présente des inconvénients. Le manque d’entraînement ralentit l’acquisition de la manipulation et du « tri cortical ». Le patient ne trouve pas de réel confort visuel. La monovision occasionnelle est, dans ce cas, plus simple et plus efficace.

Le port régulier est le plus efficace. La constance de la correction portée accélère et améliore à terme les résultats et le confort visuel — comme si le cerveau n’avait pas le choix !

Le port continu, pour les presbytes peu enclins à manipuler leurs lentilles, est une solution. Le matériau devient l’élément clé du choix : matériau à haut Dk pour les LRPG, en silicone hydrogel pour les lentilles souples. Seules ces lentilles ont obtenu l’accord de la FDA et le label CE, pour un port six nuits sept jours, parfois davantage. Le port continu présente un intérêt durant les premières semaines d’un nouvel équipement. Il permet d’accélérer l’apprentissage cérébral et de finaliser plus rapidement l’équipement.

Antécédents contactologiques

Parmi les adaptations, 70 % concernent des néophytes en lentilles (Euromcontact, 2010). Les anciens porteurs, majoritairement myopes et astigmates, posent peu de problèmes d’adaptation s’ils sont équipés avec le même type de lentilles. Les porteurs de lentilles souples sont rééquipés en silicone hydrogel, choix le plus sûr [49]. Le respect de l’oxygénation cornéenne, associé à un moindre dessèchement de la lentille et une réduction des dépôts protéiques sont des éléments innovants. Seuls des signes annonciateurs de conjonctivite gigantopapillaire doivent orienter vers des rigides à haut Dk. Les anciens porteurs de rigides restent en rigides et s’adaptent sans difficulté.

Environnement

Ne pas tenir compte de l’environnement du patient conduit à des erreurs de jugement. Le choix du matériau est crucial. Il en est ainsi lorsque l’air conditionné, de plus en plus répandu, réduit l’hygrométrie, dessèche les lentilles qui se troublent et deviennent moins confortables. L’éclairage est aussi un facteur important, car il est responsable de situations critiques avec les lentilles à vision simultanée. Les problèmes se posent aussi bien à la grande lumière que dans la pénombre. Le jeu pupillaire est à l’origine de ces perturbations.

Travail sur écran

Même si le confort global est surtout fonction de la qualité de la correction optique [39], l’écran entraîne des phénomènes de dessèchement, avec intolérance et flou visuel, et encore plus, on l’a vu, s’il est pratiqué en air conditionné. Les souples multifocales corrigent parfaitement l’hypermétropie mais pas l’astigmatisme et elles révèlent les hétérophories. Une asthénopie est fréquente. Des lentilles favorisant la vision intermédiaire, comme les asphériques progressives, sont préférées et les bifocales déconseillées. Les LRPG prennent en compte l’astigmatisme cornéen, ne se dessèchent pas ; les asphériques progressives ou trifocales segmentées sont préférées [5].

Éclairage et vision nocturne

Mauvais éclairage, vision nocturne, conduite de nuit ne font pas bon ménage avec « vision simultanée ». C’est le principal reproche qui est fait aux lentilles souples multifocales. Sous lumière tamisée, la perte de sensibilité aux contrastes induite par la vision simultanée, ajoutée au manque de luminosité, entraîne une incompatibilité à la lecture de près. Seules les lentilles segmentées à vision alternée conservent leur qualité optique. Pour la conduite de nuit, toutes les lentilles souples multifocales testées ont montré des résultats moins performants que pour la conduite de jour [47]. Deux problèmes se posent : l’acuité visuelle après adaptation à l’obscurité et la récupération de la vision après éblouissement central et latéral.

Avec les lentilles à vision de loin centrale, la pupille en mydriase, les rayons principaux sont périphériques et traversent la zone de vision de près, ce qui entraîne une augmentation des aberrations sphériques positives de l’œil. Le phénomène est inverse avec les lentilles à vision de près centrale et à réseaux alternatifs, car la zone optique contient en périphérie une large plage de vision de loin qui corrige en partie les aberrations sphériques positives de l’œil et lutte efficacement contre le scotome central de vision de près.

Les LRPG segmentées restent les seules géométries non pénalisantes pour la vision nocturne, puisque la zone optique de vision de loin est unifocale.

FACTEURS OBJECTIFS
Besoins visuels

Toute activité professionnelle et de loisir est à prendre en compte. La distance préférée et les priorités sont notées. Une adaptation est réussie si les tâches qui motivent le patient à porter des lentilles sont réalisables ; si 80 % de son temps, il est libéré de ses lunettes ; si pour les 20 % restants, une solution efficace est proposée (ajout de lunettes de loin ou de près).

Examen clinique
Surface oculaire

Un quart des candidats aux lentilles, tous âges confondus, signalent des signes de sécheresse oculaire [14]. À l’âge de la presbytie, ce phénomène s’aggrave. Démangeaisons, picotements et troubles visuels sont plus fréquents après un travail prolongé sur écran ; ils concernent davantage les femmes [26]. Les matériaux à faible hydrophilie (38 %), en silicone hydrogel, ou à faible déshydratation sont préconisés, mais les matériaux rigides restent les plus adaptés.

Dans le tableau 4-II sont résumées les indications des lentilles souples ou des lentilles rigides en fonction de l’examen clinique.

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Tableau 4-II  Choix entre lentilles rigides et lentilles souples en fonction de l’examen clinique

Système visuel

Une diminution de la transparence des milieux, quelle qu’en soit la cause, entraîne une diminution de la sensibilité aux contrastes : la vision simultanée est déconseillée. La vision alternée en lentilles rigides est moins pénalisante. L’état de la pupille est important : lorsqu’elle est de taille normale (3,5 mm en lumière photopique) et bien mobile, toutes les géométries multifocales fonctionnent. Mais lorsqu’elle présente une anomalie de taille, de mobilité ou d’asymétrie, le choix ira vers des géométries concentriques à réseaux alternatifs ou des géométries inversées.

Amétropie
Emmétrope

L’emmétrope doit être pris en charge le plus tôt possible [21] :

  • – deux lentilles souples MF de même géométrie et faible addition ;

  • – deux lentilles rigides, concentriques bifocales, à vision alternée ;

  • – monovision, avec une seule lentille ; c’est simple, mais limité dans le temps.

Emmétrope presbyte confirmé

Il est plus difficile à équiper. Aucune méthode n’est satisfaisante et le résultat est fonction de sa motivation. Il n’existe pas de règle en lentilles souples. Plusieurs possibilités existent, toujours combinées à un certain degré de monovision. Avec les LRPG, les concentriques progressives respectent la vision de loin et le confort, mais sont limitées pour les fortes additions. Les segmentées sont plus performantes mais le confort est un frein pour ces nouveaux porteurs.

Myope

Le petit myope, inférieur ou égal à 3 D, porteur de lentilles souples ne portera plus qu’une lentille [5]. Rien ne remplace sa vision de près sans correction et son accommodation passive. Corrigé avec des lunettes ou des lentilles, son accommodation est lente et difficile[11, 34]. Il est hypoaccommodatif et présente souvent une insuffisance de convergence. Les myopes de plus de 3 D sont majoritairement déjà porteurs. Leur accommodation est restée plus dynamique. Les porteurs de rigides, parfois depuis plus de trente ans, vont bénéficier en priorité de lentilles à translation. Le besoin de vision intermédiaire ou la protrusion du globe feront préférer les lentilles asphériques progressives, sans garantie pour les fortes additions [25]. Les porteurs de souples seront équipés en priorité avec des géométries inversées qui leur conservent une très bonne vision de près.

Hypermétrope

C’est le plus facile à corriger. Petit hypermétrope (moins de 2 D), sa vision de loin est son point fort. Corriger totalement sa vue de loin le gêne les premiers jours mais lui procure un vrai soulagement accommodatif en vision de près et un équilibre accommodation/convergence. Fort hypermétrope > à 2 D : tout est possible. Il est parfois porteur de lentilles. En lentilles souples comme en rigides, l’hypermétropie saturée ou la vision simultanée sont choisies en fonction de l’importance de l’hypermétropie et de l’équilibre de la réfraction. La vision alternée avec des rigides sera plutôt réalisée avec des concentriques plutôt que des segmentées qui ne sont pas fabriquées au-delà de + 6 D parce que trop lourdes.

Astigmate

  • – Astigmatisme n’excédant pas 1 D : s’il est inverse et les axes orthogonaux, il peut être négligé et favoriser la stéréoscopie en vision de près [46]. C’est la défocalisation bi-oculaire[45, 50] (fig. 4-25).

  • – Astigmatisme supérieur à 1,25 D : il doit être corrigé. Le choix des lentilles est fonction de ses caractéristiques : cornéen, interne ou mixte.

  • – Astigmatismes cornéens : supérieurs à 2 D, ils seront corrigés en priorité avec des LRPG toriques internes. S’il persiste un astigmatisme interne résiduel supérieur à 1,25 D, une bitorique sera adaptée.

  • – Fort astigmatisme interne ou mixte : il va être plutôt corrigé avec des lentilles souples toriques multifocales. La monovision est possible avec des lentilles toriques unifocales mais elle exige deux yeux parfaitement corrigés sans fluctuations de vision. L’astigmate fort hypermétrope est très confortable avec une hypermétropie saturée.

  • – Astigmatisme unilatéral : faible, il est négligé et les lentilles à renouvellement fréquent (LRF) multifocales peuvent être utilisées, l’œil astigmate étant choisi pour la vision de près. Plus important, si la vision binoculaire est perturbée, il doit être corrigé.

  • – Astigmatisme irrégulier : qu’il soit lié à un traumatisme, un kératocône, une greffe, une chirurgie réfractive, seules les LRPG permettent de reconstituer un dioptre cornéen antérieur correct. En cas d’intolérance, un piggyback peut être proposé. Cela reste des adaptations au cas par cas.

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Fig. 4-25 Défocalisation bi-oculaire.

OD + 1,25 (– 0,75 à 110°) et OG – 0,50 (– 075 à 70°) : pseudo-accommodation de 1,25 D.

Anisométrope

La stratégie repose sur deux critères : importance de l’anisométropie et présence ou non d’une vision bi-oculaire. L’anisométrope faible ou modéré de moins de 2 D a généralement une vision binoculaire et le choix de géométries inversées est le plus judicieux. Il respecte le décalage anisométropique sans l’accentuer et préserve une sommation binoculaire. L’anisométrope supérieur à 2 D ne dispose pas toujours d’une vision bi-oculaire de qualité. C’est le cas du myope, dont l’œil le plus myope est utilisé pour la vision de près. Chez l’hypermétrope anisométrope, l’œil le plus hypermétrope est souvent amblyope. Il est nécessaire de le corriger complètement. En l’absence d’alternance, le même œil est utilisé pour toutes les distances. Seules, les LRPG segmentées donnent un bon résultat visuel.

Amétropies fortes

Fort myope, fort hypermétrope, fort astigmate sont un vrai défi quand l’épaisseur et le poids des lentilles entraînent des mouvements incompatibles avec une acuité stable. « Happage » des lentilles vers le haut avec les myopes, chute des lentilles qui glissent sous la paupière inférieure chez les hypermétropes, rotation des toriques chez l’astigmate. Pour ces fortes amétropies, les lentilles rigides à hyper-Dk sont conseillées. Le choix d’un grand diamètre permet de mieux les stabiliser. Les lentilles toriques internes multifocales seront volontiers utilisées dès que l’astigmatisme est notable ; cette toricité de la lentille est du reste un bon moyen de stabilisation.

INDICATIONS EN FONCTION DES GÉOMÉTRIES ET MATÉRIAUX DES LENTILLES

Elles sont résumées dans les tableaux suivants :

  • – lentilles souples versus lentilles rigides : tableau 4-II ;

  • – lentilles concentriques versus lentilles segmentées : tableau 4-III ;

  • – indications des lentilles rigides multifocales : tableau 4-IV ;

  • – indications des lentilles souples multifocales : tableaux 4-V et 4-VI.

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Tableau 4-III Choix entre lentilles concentriques et lentilles segmentées.

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Tableau 4-IV  Indications des LRPG multifocales.

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Tableau 4-V  Indications des lentilles souples multifocales.

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Tableau 4-VI  Indications des lentilles souples en fonction de l’amétropie et des critères cliniques.

Résultats

Des nombreuses études comparatives ont été menées par le passé et plus récemment par différentes équipes sur les performances visuelles avec les lentilles rigides multifocales, les lentilles souples multifocales, la monovision et les lunettes. Différentes lentilles à vision centrale de près et à géométries inversées ont été utilisées et les travaux ont été conduits de manière similaire à partir de tests objectifs, comme l’acuité visuelle de loin et de près sous différents contrastes, sous éclairage constant ou pas, la stéréoscopie, la résistance à l’éblouissement, la vision nocturne [41]. Aux tests objectifs, toutes les études récentes ont ajouté une batterie de tests plus subjectifs permettant d’évaluer le confort global du porteur et la cohérence des performances visuelles avec les besoins.

TESTS OBJECTIFS
ACUITÉ VISUELLE BINOCULAIRE EN FAIBLE ET FORT CONTRASTES

En fort contraste, les résultats ont été pratiquement équivalents pour l’ensemble des principes optiques, avec une légère prévalence pour les LRPG multifocales et les lunettes. En faible contraste, les meilleurs résultats ont été obtenus avec les lunettes et les LRPG multifocales. Les lentilles souples multifocales et la monovision montrent des résultats inférieurs. Sous éclairage mésopique bas, quelle que soit la méthode de correction, il existe une baisse de toutes les performances, plus accentuée pour les lentilles souples et la monovision.

SENSIBILITÉ AUX CONTRASTES

Les courbes obtenues avec les LRPG multifocales et les lunettes sont superposables. Les lentilles souples multifocales et la monovision accusent une baisse pour toutes les fréquences, mais les résultats restent acceptables [47].

ABERROMÉTRIE

Si la sensibilité aux contrastes valide la perte de sensibilité, l’aberrométrie permet d’en évaluer la cause. Fujikado et al., dans une étude réalisée en 2004  [20], ont montré que les aberrations de type coma et l’aberration sphérique augmentent significativement dès cinquante ans. Selon Amano et Fujikado [1], les aberrations de type coma liées à l’âge seraient dues aux aberrations de la surface antérieure de la cornée, alors que les aberrations sphériques seraient dues aux modifications du cristallin, notamment au cours de l’accommodation, et aux aberrations de la face postérieure de la cornée[1, 2, 20, 24, 39].

Une étude personnelle réalisée avec la collaboration de Damien Gatinel [37] a porté sur trente yeux de vingt-trois patients différents, de tous âges. La taille de la pupille a été un des éléments de l’étude, car l’amplitude des aberrations dépend de la taille de la pupille. Plus la pupille est grande, plus les aberrations de type coma et l’aberration sphérique sont importantes et vont entraîner une dégradation de l’image rétinienne. Des géométries multifocales à vision simultanée, à vision centrale de loin ou de près, utilisées en pratique courante, ont été testées sur chacun des trente yeux. Les résultats ont montré une augmentation systématique de la magnitude des aberrations optiques de haut degré. Les lentilles à vision de loin centrale vont accentuer les aberrations de sphéricité positives, les rayons périphériques étant plus convergents que les centraux. Ceci explique les halos importants ressentis en vision nocturne avec ces lentilles. À l’inverse, celles à vision de près centrale réduisent les aberrations positives. La genèse des aberrations impaires de type coma serait vraisemblablement en rapport avec un décentrement de la zone optique multifocale par rapport à la pupille d’entrée. Ceci corrobore l’étude de Château et al[8] montrant un décentrement temporal inférieur dans plus de 70 % des cas.

STÉRÉOSCOPIE

Richdale et al. (2006) [43] ont comparé la vision stéréoscopique chez trente-huit presbytes astigmates (de moins de 1 D) équipés de lentilles de contact selon deux modalités, des lentilles multifocales à vision de près centrale d’une part et une monovision de l’autre : 76 % ont préféré les lentilles multifocales et 24 % la monovision. Ce résultat a été en partie attribué à la préservation de la vision stéréoscopique avec les lentilles multifocales. Le résultat est comparable à celui obtenu avec des lentilles unifocales de vision de loin. Cependant, l’étude de Du Toit et al[15] avait conclu que la perte de stéréoscopie était la cause majeure d’échec d’une monovision.

RÉSISTANCE À L’ÉBLOUISSEMENT

C’est en monovision qu’il existe le plus de réduction de l’acuité en faible contraste, quel que soit le niveau d’éblouissement. Ces résultats médiocres sont probablement dus à la difficulté de supprimer l’image floue de l’œil défocalisé.

VISION NOCTURNE

Selon une étude réalisée en 2002 auprès de deux cent cinquante presbytes équipés de lentilles, 70 % des porteurs de lentilles multifocales se plaignent de leur vision nocturne [17]. Toutes les lentilles souples multifocales et les lentilles rigides concentriques testées pour la conduite de nuit ont montré des résultats moins performants que pour la conduite de jour [51].

Les LRPG segmentées restent les seules géométries non pénalisantes pour la vision nocturne, puisque la zone optique de vision de loin est unifocale et qu’elles se comportent comme des verres à double foyer.

TESTS SUBJECTIFS

Ces tests sont le reflet de la « vraie vie ». Tout se fait sous forme de questionnaires et le patient doit, pour chaque tâche exécutée, donner une note sur une échelle de 0 à 10 ou de 0 à 100. Ces tests sont très variés. Cela va de la facilité à se déplacer dans un endroit public et à trouver une information sur une affiche, à reconnaître son chemin, à lire un menu, envoyer et recevoir un courriel sur son Blackberry, remplir un questionnaire, lire dans le métro, regarder la télévision et, globalement, changer de focus rapidement. Les différentes lentilles multifocales testées ont été préférées à la monovision dans plus de 70 % des cas. Pourtant, au cours de ces mêmes études, les tests objectifs d’acuité en fort et faible contrastes et fort et faible éclairages ont montré des scores bien souvent équivalents ou meilleurs avec la monovision. Si le confort subjectif ressenti avec une correction en lentilles multifocales, respectant la binocularité et la stéréoscopie, est en contradiction avec certains résultats objectifs, cela est dû à l’amélioration des technologies, des nouveaux designs multifocaux, des nouveaux matériaux et au maintien d’un équilibre binoculaire physiologique. Il en est pour preuve que les taux de succès avec les lentilles multifocales, souples et rigides, se situaient dans les années quatre-vingt-dix entre 40 % et 60 % selon les auteurs et que les résultats actuellement publiés avoisinent les 90 % pour les adaptateurs confirmés[35, 43, 52]. Ces résultats sont plus nuancés pour les astigmates. La plupart des lentilles multifocales toriques corrigent jusqu’à 6 D d’astigmatisme et les puissances sphériques de ± 20 D. Ces fortes amétropies nécessitent des géométries complexes. Les bons résultats oscillent entre 35 % et 60 % selon les études. Ils sont fonction du choix de la géométrie multifocale appropriée et de la stabilité de la correction torique. Les lentilles rigides multifocales et toriques sont celles qui donnent les meilleurs résultats En ce qui concerne les cornées pathologiques, comme le kératocône, les greffes de cornée, la post-chirurgie réfractive et, plus généralement, les cornées irrégulières, les résultats restent plus aléatoires. Ces cornées doivent être adaptées avec des lentilles de géométries spécifiques, à dégagements rapides, voire inverses, et, à ce jour, elles ne bénéficient pas encore d’une géométrie multifocale.

Limites et complications

Les limites et complications sont de deux ordres :

  • – l’état de la surface oculaire et des annexes chez le presbyte ;

  • – les incidents et complications en rapport avec tous les types de lentilles.

ÉTAT DE LA SURFACE OCULAIRE ET DES ANNEXES

Les différentes structures de l’œil et de ses annexes se modifient avec l’âge et avec les conditions environnementales. Les affections de la surface oculaire liées à l’apparition d’une sécheresse sont évaluées à moins de 6 % avant cinquante ans et entre 10 et 14 % selon les auteurs au-delà. Le vieillissement des tissus entraîne une incapacité progressive de la surface oculaire à remplir ses fonctions principales que sont la fonction optique et la fonction de défense à l’égard des agressions physiologiques et pathologiques [9].

INCIDENTS ET COMPLICATIONS SOUS LENTILLES

Selon F. Malet [31], le port de lentilles de contact peut être un facteur de risque pour plusieurs raisons :

  • – effet mécanique des lentilles ;

  • – modifications du métabolisme cornéen, variables selon les matériaux ;

  • – qualité de l’adaptation ;

  • – port continu (vingt-cinq kératites infectieuses par an pour 10 000 porteurs continus selon Stapleton [48]) ;

  • – surinfection bactérienne après réaction allergique aux produits d’entretien ;

  • – baignade en piscine, lac, rivière, mer ;

  • – projection d’eau sale ou de poussière ;

  • – problèmes d’hygiène et mauvaise observance.

Pour cette cause, les exemples d’infections sont nombreux : deux enquêtes intéressantes ont permis de mieux cerner les habitudes des porteurs de lentilles de contact. La première, menée à l’initiative du laboratoire Johnson & Johnson et publiée en 2011 dans Contact Lens and Anterior Eye [32], a montré les points suivants : la moitié des patients interrogés ont admis ne pas se laver les mains avec ou même sans savon avant la pose (44 %) et à la dépose (49 %) ; seulement 27 % frottent leurs lentilles le matin et 25 % lorsqu’ils les retirent ; un grand nombre avouent ne pas remplacer leurs lentilles à la fréquence recommandée par les professionnels ; 75 % disent vider leur étui le matin, mais seulement 46 % remplacent leur solution d’entretien tous les jours ; un sur trois nettoie son étui une fois par semaine et 33 % ne le nettoient jamais ; la plupart le nettoient sous l’eau du robinet ; la moyenne de fréquence de remplacement de l’étui est de quatre à six mois et 48 % ne le remplacent jamais. Une autre enquête, à l’initiative de la SFOALC d’Ile-de-France, a été réalisée en 2008 à Paris dans les services des urgences des Quinze-Vingts et de l’Hôtel-Dieu [10]. La pathologie liée aux lentilles a représenté 7 % des urgences ophtalmologiques. Les deux tiers étaient infectieuses et il y avait un abcès de cornée dans la moitié des cas. Tous les patients, sans exception, étaient mal adaptés, sans prescription médicale, et ne bénéficiaient d’aucun suivi. Une étude du même type menée par Dart en 1993 [13] montrait déjà des chiffres de 3 % à 10 %. Ceci montre que, malgré les progrès des matériaux de plus en plus perméables à l’oxygène et des solutions d’entretien de plus en plus sophistiquées, le nombre des complications reste stable.

Des incidents et accidents de gravité variables peuvent survenir lors du port de lentilles de contact.

INCIDENTS MINEURS

Ce sont les plus fréquents, que ce soit avec les lentilles rigides ou les souples : lentille perdue, cassée, luxée ou déchirée ; petit traumatisme avec hémorragie sous-conjonctivale en rapport avec une manipulation non maîtrisée ; corps étranger sous lentille, irritation ou kératite superficielle liée à un mauvais entretien ; produit non adapté ou erreur d’utilisation. Tous ces incidents mineurs n’entraînent pas de conséquence à long terme, mais peuvent conduire, s’ils sont récurrents, à une démotivation.

PHÉNOMÈNES INFLAMMATOIRES

Plus sérieux sont les phénomènes inflammatoires rencontrés plus fréquemment avec le silicone hydrogel : conjonctivite gigantopapillaire (GPC), infiltrat cornéen stérile, Clare (Contact Lens-Induced Acute Red Eye), CLPU (Contact Lens Peripheric Ulcer), SEALS (Superior Epithelial Arcuate Lesions). Le plus souvent symptomatiques, ils imposent un arrêt momentané du port des lentilles.

COMPLICATIONS INFECTIEUSES

Parmi les complications infectieuses, 30 % nécessitent une hospitalisation. Le port de lentilles de contact est la première cause de kératite bactérienne dans les pays industrialisés[4, 12]. L’incidence annuelle des complications infectieuses est d’un cas pour 2 500 porteurs de lentilles souples en port journalier ; ce nombre serait multiplié par cinq à quinze en port continu. Plus généralement rencontrées avec les lentilles souples, elles sont redoutées et redoutables par leurs conséquences. Les presbytes sont concernés parce qu’équipés à 89 % avec des lentilles souples. Ce sont des kératites bactériennes, fongiques ou amibiennes.

Kératites bactériennes

Pour les LRPG, leur incidence annuelle est évaluée à 1,2 pour 10 000 en port journalier[13, 48]. Pour les lentilles souples en silicone hydrogel, elle est en moyenne de 11,9 pour 10 000 en port journalier, de 5,5 pour 10 000 en port nocturne occasionnel et de 25,4 pour 10 000 en port continu. Curieusement, les chiffres relevés avec les lentilles souples hydrogels sont inférieurs à ceux relevés avec le silicone hydrogel, ce qui confirme la propension du silicone à l’adhérence des bactéries. L’étude de la flore bactérienne chez les porteurs de lentilles est atypique : il existe une prépondérance de bacilles à gram négatif (73 %), Pseudomonas et entérobactéries. Les bactéries à gram positif représentent 27 % des bactéries isolées. L’essentiel de la flore conjonctivale est retrouvé dans les boîtiers, pour l’essentiel des bactéries qui aiment l’eau comme Pseudomonas, Serratia, et les bactéries des « mains sales » [31] ; 90 % des bactéries isolées dans les kératites bactériennes sous lentilles sont des staphylocoques, des Pseudomonas, des entérobactéries, des streptocoques. Selon les pays, une prévalence de l’une ou de l’autre a pu être notée. Si l’effet mécanique de la lentille sur la cornée, une mauvaise adaptation, un port nocturne systématique, une allergie au produit de rinçage, une hypoxie due à un matériau peu perméable sont des facteurs de risques indiscutables, toutes les études s’accordent sur le fait que le manque d’hygiène, le mésusage des lentilles, des étuis et des produits d’entretien sont toujours impliqués dans la genèse de ces kératites.

Kératites fongiques

Les kératomycoses sont des infections de la surface oculaire par des champignons. Elles sont graves et le pronostic visuel est engagé. Cette flore, présente dans les boîtiers, est associée également à l’eau, aux mains sales et au manque d’hygiène. Les champignons sont des opportunistes qui n’infectent pas les cornées saines mais plutôt les effractions traumatiques par un corps végétal ou tellurique. Elles représenteraient 4 % des kératites infectieuses.

Kératites amibiennes

L’agent le plus connu est Acanthamoeba, protozoaire saprophyte vivant dans le sol, l’eau courante, les égouts, la vase, l’eau de mer et l’air. En France, l’eau potable peut contenir jusqu’à 10 000 amibes par litre d’eau malgré les traitements. Le nombre d’infections à protozoaires est en constante augmentation dans le monde — et elles sont de mieux en mieux diagnostiquées. Très souvent liées au port de lentilles de contact, elles contamineraient une lésion préexistante de la cornée. Elles représenteraient un cas pour 30 000 par an au Royaume-Uni, moins de 1 % des kératites infectieuses en France (centre hospitalier des Quinze-Vingts) [4]. Leur dangerosité est due à un diagnostic souvent tardif et donc à un traitement également retardé. Une greffe transfixiante de la cornée est finalement souvent nécessaire.

IV. Perspectives

Compte tenu de la demande sans cesse croissante des presbytes désireux de se débarrasser de leurs lunettes, contactologues et chirurgiens sont sollicités. Cette quête du jeunisme est nourrie par nombre d’articles dans les médias et, à en croire certains, porter des lunettes sur le nez n’est plus qu’un mauvais souvenir. La presbytie est une amétropie évolutive. Il semble légitime de répondre à un phénomène évolutif par une solution adaptable dans le temps. Les lentilles de contact répondent à ce critère. L’œil reste non modifié, ce qui permet d’affronter plus sereinement les éventuelles pathologies liées à l’âge. On a vu que l’offre est vaste et de qualité, que le recul est conséquent, et pourtant beaucoup de nos concitoyens en ignorent toujours l’existence. Beaucoup d’idées fausses sont véhiculées sur les lentilles. C’est vrai que trop de négligence conduit à des complications parfois sérieuses. Ces complications sont toujours liées à un mésusage ou une mauvaise adaptation.

Ne confions qu’aux spécialistes contactologues le soin de prendre en charge ces adaptations et leur suivi, et le taux de complication sera minimisé. Bien sûr, beaucoup d’améliorations sont attendues, et ce, dans trois axes principaux :

  • – amélioration des géométries multifocales ;

  • – amélioration des matériaux et du confort ;

  • – amélioration de la lutte contre les risques et complications.

AMÉLIORATION DES GÉOMÉTRIES MULTIFOCALES

Beaucoup d’efforts dans ce sens ont été réalisés ces dernières années, avec des résultats très encourageants puisque toutes les enquêtes comparatives récentes plébiscitent les lentilles multifocales au détriment de la monovision. Des recherches sont en cours pour encore améliorer ces résultats. Les lentilles rigides segmentées, qui sont les plus performantes en termes de qualité visuelle, sont bifocales et se heurtent à l’absence de vision intermédiaire. Des lentilles segmentées progressives représentent une voie de recherche intéressante. Des études sont en cours, en passe d’aboutir. Trouver le moyen d’appliquer ce type de géométrie à des lentilles souples permettrait de gagner en confort de port. L’arrivée du silicone hydrogel, au module de rigidité plus élevé, ouvre cette voie de recherche. Le matériau plus « rigide » qu’est le silicone hydrogel permettrait d’obtenir ces quelques millimètres de translation sur la cornée nécessaires à la vision alternée. Grâce à l’aberrométrie, des avancées sont faites avec la maîtrise des aberrations d’ordre supérieur induites par la vision simultanée. L’utilisation de géométries asphériques sur les deux faces permet d’améliorer la qualité visuelle et la stabilité de la lentille. L’idée de lentilles « customisées » fait son chemin et est en passe, elle aussi, d’aboutir. L’orthokératologie pour les presbytes est une voie de recherche très active. Remodeler la cornée en portant, seulement la nuit, une lentille multifocale pourrait résoudre à terme tous les inconforts du port diurne [28].

AMÉLIORATION DES MATÉRIAUX ET DU CONFORT

Les matériaux nouveaux, qu’ils soient rigides ou souples, ont une transmissibilité à l’oxygène très élevée, qui met à l’abri d’une hypoxie cornéenne. La cause principale des abandons de lentilles est la sensation de sécheresse ressentie en fin de journée. Les presbytes y sont particulièrement confrontés. Le temps de port est amélioré avec le silicone hydrogel [42]. Cependant, beaucoup de progrès sont à faire dans ce domaine.

Les produits d’entretien sont également mis en cause dans la genèse des phénomènes de sécheresse. Beaucoup de travaux de recherches sont orientés dans cette direction. Les géométries des lentilles rigides se sont largement améliorées grâce aux technologies d’usinage. Les bords sont plus fins, les zones de transition plus douces, les dégagements sont repensés, inversés, afin d’améliorer le bord et ainsi l’harmonie du contact lentille/cornée et créer une sorte de réservoir périphérique capteur de poussière.

AMÉLIORATION DE LA LUTTE CONTRE LES COMPLICATIONS

Ce problème touche tous les porteurs de lentilles. Le défi à relever est de faire diminuer de manière significative le taux de complications. Le rôle de l’éducation est essentiel. La distribution en vente libre des lentilles dans les grandes surfaces ou sur Internet favorise les dérives et complications. Vis-à-vis des complications infectieuses, les plus redoutées, deux pistes existent. Tout d’abord, les efforts portent sur l’augmentation d’efficacité des solutions d’entretien. L’objectif est de trouver un juste équilibre entre efficacité anti-infectieuse renforcée et tolérance oculaire locale. Mais s’il existe un mésusage des solutions, de l’entretien ou du remplacement des lentilles, aucun produit ne garantira la sécurité de port. D’autre part, un traitement anti-infectieux intégré dans le matériau des lentilles de contact est une autre piste innovante. L’objectif est de créer des « surfaces antimicrobiennes » sur les lentilles. Les étuis étant eux aussi très souvent contaminés, le même type de traitement leur serait appliqué.

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