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Psychose post-traumatique: contribution à une théorisation dynamique du traumatisme aigu post-immédiat : Post-traumatic psychosis: the contribution of an acute post-immediate trauma to a dynamic theorization - 04/04/08

Doi : 10.1016/S0013-7006(06)76225-X 
P. Bessoles
Docteur en Psychopathologie Clinique, Maître de Conférences des Universités, habilité à diriger des recherches, Directeur du Master Clinique-Victimologie et Criminologie, Laboratoire de Psychologie Clinique et Pathologique, Université P.M. France-Grenoble II, 1251, avenue Centrale, Domaine Universitaire de Saint-Martin d'Hères, BP 47, 38040 Grenoble cedex 9 

Tirés à part : P. Bessoles (à l'adresse ci-dessus).

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Résumé

Dans un ouvrage récent (2004), M. Bertrand souligne, en privilégiant l'approche psychodynamique, combien la question traumatique est au centre des nouveaux défis cliniques, méthodologiques et épistémologiques de la psychopathologie. Notre contribution de « psychose post-traumatique» s'inscrit dans cette perspective, en référence aux sémiologies des traumatismes issus de situations extrêmes comme les victimes du tsunami en Asie du Sud (décembre2004), des attentats de Madrid (mars 2004) ou les prises d'otages en Ossétie du nord (septembre 2004). Quatre grandes thématiques principales nous conduisent à la proposition de psychose traumatique alors que la personne présente une structure psychique névrotique : 1. il n'y a aucune représentation traumatique et pas d'inscription psychique de l'événement, la sidération (et sa sémiologie confuso-stuporeuse) ou la fuite panique (accompagnée d'hallucinations ou de bouffées délirantes aiguës) illustre souvent ce premier aspect clinique ; 2. les processus psychiques ignorent, dans le référentiel psychodynamique, le principe plaisir/déplaisir, ils sont régis par la compulsion de répétition et l'«envahissement » d'affect de douleur ; 3. le modèle de la névrose et du conflit psychique ne sont pas opératoires pour gérer, sur le plan économique, les « quanta d'affect » et l'emprise pulsionnelle ; 4. il serait nécessaire d'ajouter, d'un point de vue psychopathologique, l'éclosion de délires transitoires, des conduites auto-vulnérantes et des comportements d'autolyse. Le référentiel d'une psychopathologie «descriptive» de type DSM IV (Acute Stress Disorder par exemple) nous paraît insuffisant pour rendre compte des enjeux post-traumatiques à l'œuvre. Si s'attacher à la sédation des symptômes est important, on ne peut ignorer les désorganisations psychiques qui génèrent une sémiologie que l'on rencontre essentiellement dans la symptomatologie des psychoses. Une première approche clinique permet de préciser l'argumentation de notre proposition de «psychose post-traumatique ». Elle s'étaye sur cinq grandes classes syndromiques : 1) la sémiologie est souvent celle d'épisodes délirants plus ou moins transitoires (idées et perceptions délirantes à thématiques persécutoires, cénesthésiques ou hypocondriaques), des confusions mentales (confuso-oniroïdes, anxieuses ou stuporeuses), des phases de déréalisation et dépersonnalisation, des vécus agoniques sévères, des troubles graves de l'unité corporelle, des clivages proches des dédoublements de type schizophrénique… ; 2) l'adhésivité marque l'impossibilité de mise à distance des victimes avec le traumatisme, les objets sont agglutinés, persécuteurs et adhésifs ; 3) la temporalité traumatique impose une omniprésence factuelle et actuelle du traumatisme, elle annihile les projections temporelles du patient ainsi qu'une reconstruction anamnestique; 4) le « corps traumatique » n'est pas celui des conversions de la psycho-névrose hystérique, la sémiologie somatique marque des fonctionnement de type opératoire (P. Marty) ; 5) la complaisance traumatique ne fonctionne pas au niveau des frayages conduisant à la formation de symptômes, la structure identitaire apparaît désorganisée par le démantèlement des enveloppements psychiques primaires. Une deuxième approche théorique permet d'argumenter cette psychopathologie post-traumatique immédiate de type psychotique. Quatre considérations de psychopathologie fondamentale étayent notre contribution : 1) l'inscription pictogrammique. Le traumatisme sévère ne produit pas la polarité nécessaire au processus d' «auto-engendrement» décrit par P. Aulagnier à propos des processus originaires. L'adhésivité traumatique ne sépare pas victime et trauma. Elle délite les espaces de médiation et de distanciation nécessaires à l'émergence des processus représentationnels. 2) L'affect de douleur. La douleur générée rappelle les expériences premières de détresse du nourrisson, les agonies primitives et les effondrements anaclitiques. Le « contrat narcissique» est rompu et le patient vit sans «base secure » ni contenant psychique suffisamment bon et étayant (D.W. Winnicott). 3) Le statut de l'angoisse. L'angoisse n'est pas de nature névrotique mais « proprement » néantisante. Elle est souvent analogique des angoisses catastrophiques des psychoses mélancoliques (H. Ey) ou des angoisses plus « archaïques » observées dans les pathologies hébéphréniques. 4) Le démantèlement corporel. Les effets du traumatisme se traduisent par des somatisations « muettes non symbolisables » (M. Bertrand). Elles se manifestent par des éprouvés sensoriels et sensitifs « envahissants » de type dermatoses, prurits, diarrhées, règles hémorragiques ou céphalées rebelles par exemple. Ces deux aspects cliniques et théoriques des formes sévères du traumatisme corroborent la visée traumatolytique inconsciente de l'anéantissement victimaire. Les formes sémiologiques les plus rebelles aux processus thérapeutiques semblent être celles où, si on se réfère aux prises d'otage ou aux actes terroristes, le patient a été mis en face d'un traumatisme « non exécuté » comme les pantomimes d'exécution ou les simulacres de pendaison. La dimension suicidaire apparaît comme l'ultime recours à ne pas sombrer dans la folie et à garder une position subjective face aux figures de la barbarie.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Summary

In his recent publication (2004), in which he favors the psycho-dynamic approach, M. Bertrand underlines the importance of traumatic matter at the heart of new clinical, methodological and epistemological challenges of psychopathology.

Traumatic psychosis concept

Our contribution (« post-traumatic psychosis ») comes within that prospect in reference to the semiology of traumas generated by extreme situations, such as the tsunami in South Asia (December 2004), the terrorist attacks in Madrid (March 2004) or the hostage taking in North Ossetia (September 2004). Four principle sets of themes lead us to suggest a traumatic psychosis when the person shows symptoms of a neurotic psychic structure : 1. Thereʼs no traumatic representation or psychic inscription of the event. Sideration (and its stupor-like confusion symptoms) or panic flight (together with hallucinations or acute delirious fits) often illustrate this first clinical aspect. 2. According to the psychodynamic frame of reference, psychic processes tend to ignore the pleasure/displeasure principle. They are governed by the « invasion » of affects of pain and compulsion to repeat. 3. The models of neurosis and psychic conflict are not efficient in the management of the « quota of affect » and the drive influence. 4. It would be necessary to add, from a psychopathological point of view, the appearance of temporary fits of mental confusion, self-destructive and autolysis behavior.

Clinical features

The frame of reference of a DSM IV type « descriptive » psychopathology (ie acute Stress Disorder) seems to de inade-quate to convey the implemented post traumatic stakes. If trying to soothe the symptoms is undeniably important, psychic disorganizations that generate a semiology that is essentially present in the symptomatology of the psychoses cannot be ignored. A first clinical approach makes it possible to specify the argumentation of our proposal : « a post-traumatic psychosis ». It is supported by five main syndromic classes : 1) the symptoms are often more or less temporary delirious fits (delirious ideas or perceptions of a persecutory, cenesthetic or hypochondriac nature), mental confusion (oneiroid state, anxiety and stupor), phases of depersonalization and derealization, severe death pangs, serious physical disorders, divides close to schizophrenic-type dual personalities ; 2) the adhesiveness marks the impossibility for the victims to keep away from a trauma. The objects are bound, persecuting and adhesive ; 3) traumatic temporality imposes a factual and current omnipresence of the trauma. It destroys the temporal projections of the patient as well as an anamnesic reconstruction ; 4) the « traumatic body » is not that of hysterical neurosis conversions. The somatic semiology marks operational-type functioning (P. Marty) ; 5) traumatic compliance doesn't work on the level of facilitations that lead to the formation of symptoms. The identity structure appears disorganized by the dismantling of the primary psychic envelopments.

Psychopathological aspects

A second theoretical approach makes it possible to promote this immediate psychotic-type post-traumatic psychopathology. Four considerations of fundamental psychopathology support our contribution : 1) Pictogramic inscription. The severe traumatism does not produce the polarity required for the process of « self-fathering » described by P. Aulagnier in connecting with original processes. Traumatic adhesiveness does not separate the victim from the trauma. It splits the necessary mediation spaces and distance for the emergence of representation processes. 2) Pain affect. The pain affect generated recalls the first experiences of the newborn, primitive agony and anaclitical collapse ; the « narcissistic contract » is broken and the patient lives without a secure base or a sufficiently good and supporting psychic container (D.W. Winnicott). 3) Anxiety status. The anxiety is not of neurotic nature but truly annihilating. It is often similar to anxieties caused by disasters, psychoses due melancholy (H. Ey) or more « archaic » anxieties that have been observed in hebephrenic pathologies. 4) Body dismantling. The trauma results in « mute somatizations that cannot be symbolized » (M. Bertrand). They appear in sensory outward signs such as dermatosis, pruritus, diarrhea, hemorrhagic periods or persistent headaches for example. These two clinical and theoretical aspects of the severe forms of trauma confirm the unconscious traumatolytic aim of the victimʼs psychological destruction. The semiological forms most impervious to thera-peutic processes seem to be, in reference to hostage-takings or terrorists acts, those where the patient was conformed with a trauma « that was not carried out » like mock hangings or executions. Suicidal dimension seems to be the ultimate recourse so as not to sink into insanity and to keep a subjective position when faced with barbarian figures.

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Mots clés : Douleur psychique, Pictogramme, Psychose post-traumatique, Représentation, Traumatisme

Key words : Pictograms, Post-traumatic psychosis, Psychic pain, Representation, Trauma


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Vol 32 - N° 5P1

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