Pourquoi certaines personnes conservent leur bien-être au travail et d’autres pas ? Bien souvent, nous pensons à une question de capacité d’adaptation, c’est-à-dire une compétence interne au travailleur, comme par exemple de posséder de hautes ou faibles compétences politiques. Or, une des origines possibles de la problématique se situe dans le contexte et l’organisation du travail. Nous faisons l’hypothèse que les conditions de travail influencent la capacité d’adaptation des travailleurs et ont une influence significative sur les RPS, le bien-être au travail et le maintien dans l’emploi.

Une enquête réalisée auprès de 325 professionnels nous a permis de découvrir de quelle manière les variables contextuelles influencent la mobilisation des compétences des travailleurs pour parvenir à personnaliser leur poste (job-crafting). Les variables contextuelles prises en compte dans notre étude sont la catégorie professionnelle (employés vs cadres), l’interdépendance des tâches et le secteur de travail (public vs privé).

Premièrement, les résultats démontrent la relation significative entre les compétences politiques (c’est-à-dire la capacité des travailleurs à analyser et gérer les interactions sociales de façon efficace) et la personnalisation de poste. Deuxièmement, nous constatons que cette relation est modérée par le contexte de travail et qu’il existe de fortes interactions entre variables explicatives. Dans le secteur public, les hautes compétences politiques aboutissent globalement à plus de personnalisation de poste que dans le privé, et paradoxalement, cette mobilisation des compétences politiques dans le public est d’autant plus importante qu’il y a peu d’interdépendance des tâches. À l’inverse, dans le privé, la mobilisation de hautes compétences politiques n’aboutit à une personnalisation de poste plus élevée qu’en situation d’interdépendance forte, ce qui exprime une relation non linéaire entre des compétences intrinsèques aux individus et des capacités d’adaptation à différents contextes. De plus, le même type d’interaction est observé entre catégories socio-professionnelles (cadres vs employés).

Ces résultats confirment l’importance du contexte de travail en interaction avec les compétences personnelles pour expliquer la capacité des travailleurs à personnaliser (ou non) leur poste.

La polarisation des recherches sur le bien-être au travail, focalisant tour à tour soit sur les compétences internes au travailleur, soit sur l’organisation du travail ne permet pas d’intégrer les interactions fortes entre ces deux composantes. Notre étude plaide pour la prise en compte conjointe de la capacité d’adaptation et du contexte favorisant ou non la mobilisation de cette capacité dans les futures recherches.