Contexte : Les dispositifs de lutte contre l’exclusion ont permis une meilleure couverture maladie. Cependant, le recours aux soins dentaires reste limité et l’état bucco-dentaire des personnes en situation de précarité problématique. L’analyse de la clientèle d’une consultation hospitalière en odontologie du Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière a semblé pertinente pour apporter des éclairages sur les besoins de soins de ces populations et les modalités de prise en charge. Cette étude avait pour objectifs d’estimer l’état dentaire et de décrire les caractéristiques sociodémographiques et les besoins de soins dentaires d’une population de consultants à l’hôpital et d’analyser les liens entre précarité et état dentaire.

Méthodes : Une enquête transversale a été conduite de février à juin 2003. Un auto-questionnaire et un dossier de prise en charge bucco-dentaire ont été utilisés. Toute personne accueillie prise en charge par le service d’odontologie et suivie pour soins conservateurs et prothétiques était incluse. Nous avons, d’une part, comparé les patients définis comme précaires aux patients non précaires et, d’autre part, les sujets ayant un état dentaire déficient aux sujets sains sur le plan dentaire.

Résultats : Un ensemble de 336 questionnaires a été exploité. La population ainsi analysée comportait 2/3 d’hommes et 45 % d’étrangers. Plus de la moitié des sujets relevait soit de la couverture maladie universelle (22,8 %), soit de l’aide médicale d’État (24,4 %), soit était sans couverture sociale (4,3 %). La comparaison du groupe « patients précaires » au groupe « patients non précaires » a montré des différences significatives sur le plan bucco-dentaire : plus de dents manquantes et non remplacées, plus de problèmes gingivaux, et moins de recours aux soins chez les personnes en situation de précarité. L’analyse multivariée des facteurs liés à l’état dentaire a montré que les principaux facteurs de risque d’un mauvais état dentaire étaient la précarité, l’avancée en âge et la nationalité étrangère.

Conclusion : Cette étude souligne l’importance des besoins en soins dentaires dans un contexte de faible prise en charge de leurs coûts par l’Assurance-Maladie et d’insuffisance de structures de soins susceptibles d’accueillir des patients en situation sociale difficile. Elle pose la question de l’organisation de l’offre de soins bucco-dentaires en France.

Background: The oral status of people living in precarious conditions is problematic. Although the public universal health insurance should allow better access to care, access to dental care remains a critical issue. The analysis of the patient population of a hospital dental consultation (Groupe Pitié-Salpêtrière, Paris) seemed relevant to evaluate the needs of care and the means to provide it. The principal objectives are: to estimate dental health and needs of this population, to describe their sociodemographic characteristics and to compare them with patients living in common social conditions.

Methods: A cross sectional study was conducted from February to June 2003. A medical questionnaire and a dental file record were used. All outpatients coming to the dental consultation, in need of conservative or prosthetic treatment, were included. We analysed the risk factors associated with poor dental health.

Results: Three hundred and thirty three questionnaires were analysed: two third were men, 45% were foreigners. More than half of them benefited from a special social health insurance for disadvantaged people or didn’t have any health insurance. The comparative analysis of this precarious group vs regular insured people showed significant differences for sociodemographic and oral characteristics. Namely, in the precarious group, a poor dental status was generally observed: more cavities (3.6 versus 2), more absent teeth not replaced (6.8 versus 3.5) and less treated teeth (1.9 versus 3.9) — p≪0.0001. Multivariate analysis showed that main risk factors of poor dental status were to be aged and to be a foreigner.

Conclusion: This study stresses the importance of the dental care needs in a context of poor insurance refunding for the costs of dental treatments and the lack of structures able to provide dental care for patients living in difficult social condition. These findings question the organization of the dental care system in France.