Cet article présente une étude approfondie du fonctionnement psychique de sujets ayant reçu un diagnostic d’hébéphrénie (ou schizophrénie désorganisée) à partir d’une compréhension psychanalytique du fonctionnement psychique des schizophrènes.

Neuf protocoles de Rorschach et de TAT (Thematic Aperception Test) ont été étudiés selon la méthode de l’École de Paris. Les participants avaient de 19 à 26 ans. Cinq protocoles étaient issus d’une recherche de thèse, les quatre autres étaient ceux de patients rencontrés lors d’une hospitalisation en service de psychiatrie. Il s’agit de sept hommes et deux femmes, âgés de 18 à 25 ans, avec un diagnostic d’hébéphrénie ou de schizophrénie désorganisée.

Chez tous les participants, nous observons un rétrécissement dramatique de la vie psychique dans toutes ses dimensions. Ce dénuement de la psyché apparaît comme un système défensif qui tend à éjecter la pensée, à dénier la réalité externe et désavouer la réalité interne. Cette défense extrême vient prendre le relais des autres défenses psychotiques classiques (déni, clivage, projection…) inefficaces. Le conformisme et l’hyperréalisme des protocoles ne permettent cependant pas de dissimuler la désorganisation profonde de la pensée. Les limites entre le dedans et le dehors, soi/non-soi, nécessaires au maintien d’une identité solide et différenciée, semblent inconsistantes. Les processus d’identification sexuelle et les affects sont absents des protocoles. La représentation de soi, en tant qu’individu séparé, est impensable.

Nous avons été frappés par la ressemblance entre le fonctionnement psychique des participants de ce groupe et le fonctionnement opératoire décrit par l’École de psychosomatique de Paris. La pauvreté psychique apparaît comme le produit d’une lutte défensive intense contre la pensée dont les défaillances cognitives pourraient être la conséquence.

Cette étude souhaite contribuer, par les résultats psychopathologiques qu’elle présente, à une meilleure compréhension de l’hébéphrénie ainsi qu’au débat sur l’unité ou la diversité des formes de schizophrénies.

This paper presents a comprehensive study of the psychological functioning of subjects with a diagnosis of hebephrenia (or disorganised schizophrenia) based on a psychoanalytic understanding of the psychic functioning of schizophrenics.

Nine Rorschach and TAT (Thematic Apperception Test) protocols were studied according to the Paris School method. Participants ranged from 19 to 26 years of age. Five protocols were from a research thesis, the other four were those of patients encountered through hospitalisation in a psychiatric department. These seven young men and two women aged 18 to 25 years had a diagnosis of hebephrenia or disorganised schizophrenia.

For all these participants, we observed a dramatic narrowing of psychic life in all its dimensions. The stripping of the psyche appears to be a defensive system that tends to eject thought, deny external reality and renounce internal reality. This extreme defence system takes over from other, ineffective, classic psychotic defences (denial, splitting, projection, etc.). The conformism and hyperrealism of the protocols do not however conceal the profound disorganisation in thought. The boundaries between internal and external, self and non-self, which are necessary to maintain a strong and differentiated identity, seem to lack consistency. The processes of sexual identification and emotions are absent from the protocols. Self-representation as a separate individual is unthinkable.

We were struck by the resemblance between the psychic functioning of the participants in this group and the operational functioning described by the Paris Psychosomatic School. Psychic impoverishment appears as the product of an intense defensive struggle against thought, leading to cognitive collapse.

This study aims to use its psychopathological results to make a contribution to the debate on the unicity or the diversity of the different forms of schizophrenia.