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Jules et Augusta Dejerine : biographies croisées - 28/01/17

Doi : 10.1016/j.neurol.2016.12.003 
Michel Fardeau, Pr
 24, rue du Dr-Roux, 92330 Sceaux, France 

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Résumé

Deux jeunes gens venus des deux bouts du monde se rencontrer à Paris, avec le même désir de faire leur médecine, la même ambition de réussir, puis la même vocation pour la Neurologie. Deux jeunes gens qui vont travailler ensemble, s’aimer, et ne plus jamais se quitter. Dix ans séparent les dates de naissance de Jules et d’Augusta, dix ans sépareront leurs dates de disparition. Il y a quelque chose de presque trop beau, de trop clair dans cette brève synthèse de leur biographie : ce n’est pourtant que la réalité.

Jules Dejerine est né dans une famille modeste de paysans savoyards, venus à Genève pour que leur enfant ait la meilleure éducation possible ; il laissera au Collège Calvin le souvenir d’un enfant très robuste et un peu batailleur, mais il y obtiendra ses Certificats de maturité et ses Baccalauréats, il demandera alors à ses parents s’ils accepteraient de le laisser faire sa médecine à Paris.

Augusta Klumpke est née, elle, dans une famille très aisée de San Francisco, où son père a fait fortune au moment de la ruée vers l’Ouest. Elle y a reçu une très bonne éducation, et laissé entendre très jeune qu’elle aimerait devenir médecin. Elle découvre l’Europe à sept ans, sa sœur aînée, Anna, ayant contracté une ostéomyélite dont les seuls spécialistes sont alors en France et en Allemagne. Après un retour de quelques années aux États-Unis et le divorce de ses parents, elle reviendra en Europe à douze ans avec sa mère, ses quatre sœurs et son frère, en Allemagne d’abord, puis en Suisse. Elle réussit brillamment dans ses études secondaires à Lausanne ; la famille Klumpke s’installera finalement à Paris pour que chaque enfant trouve le meilleur endroit pour sa formation ou ses études supérieures.

Le hasard les fera se rencontrer rue Jacob, à l’hôpital de la Vieille Charité, dans le service du professeur Hardy. Lui est déjà chef de clinique et travaille assidûment au laboratoire ; elle y arrive comme simple stagiaire, très vite appréciée pour son énergie et pour ses talents linguistiques. Ils vont travailler ensemble. Jules initiera Augusta à l’usage du microscope et aux techniques histologiques, sous la direction de leur maître commun et vénéré, Alfred Vulpian. Bientôt va s’ébaucher entre eux une vraie passion amoureuse, mais Jules ne peut se déclarer, sa situation « n’étant pas faite ». Ils vont tous les deux rencontrer de gros obstacles dans leur carrière. Elle, parce que les femmes ne sont admises qu’à contre-cœur à la faculté de médecine, et qu’il leur faudra se battre très dur pour accéder aux concours hospitaliers : Lui, parce que son goût pour la pathologie du système nerveux se développe en dehors de l’École dominante en neurologie, celle de Jean-Martin Charcot. Augusta réussira tout de même à être nommée Interne des hôpitaux de Paris – elle sera la première femme nommée à ce concours – Jules sera enfin nommé à l’Agrégation la même année, en 1886. Ils uniront leurs vies en 1888 : il a trente-neuf ans, elle en a vingt-neuf.

Ils vont désormais se consacrer à leur passion commune, la neurologie. Lui essentiellement comme clinicien et neuropathologiste, elle, d’abord comme neuroanatomiste : elle arrêtera son internat en seconde année pour se consacrer entièrement à ses travaux anatomiques. Les résultats qu’ils obtiennent leur valent très vite de prestigieuses visites dans leur petit laboratoire de Bicêtre, et une grande réputation internationale. Ils publient ensemble une Anatomie du Système Nerveux, et Jules Dejerine, un peu plus tard, une Sémiologie des Affections du Système Nerveux : véritables monuments d’érudition emplis d’une quantité de faits nouveaux. Dans certains domaines ceux-ci s’opposent aux enseignements de l’École Charcot, en particulier sur la physiopathologie des aphasies. L’apport des données anatomiques d’Augusta joue dans cette querelle un rôle majeur. Jules et Augusta (Figure 1) sont désormais entourés d’élèves très fidèles, avec lesquels les liens sont pratiquement familiaux, et s’opposent en cela à l’atmosphère très hiérarchisée propre à l’école créée par Jean-Martin Charcot.

Après être passé par une Chaire d’Histoire de la Médecine, puis de Pathologie Interne, Jules Dejerine est finalement nommé en 1910 dans la Chaire de Clinique des Maladies du Système Nerveux. Augusta, en vraie « patronne » y dirige le laboratoire. La déclaration de la Guerre de 1914 va briser cet élan. Jules est mobilisé comme médecin chef du Centre neurologique de la Salpêtrière, il s’y donne corps et âme alors même qu’il est malade depuis quelques années, atteint d’un mal de Bright (une néphrite). Elle va le seconder avec tous leurs élèves auprès des blessés, et en particulier affiner la sémiologie des blessures du système du nerveux périphérique et central ; Augusta est devenue Présidente de la Société de Neurologie.

Jules meurt le 26 février 1917. Pierre Marie qui lui succède dans la Chaire de Charcot, donne quinze jours à Augusta pour quitter la Salpêtrière avec toutes ses pièces et ses documents. Ceux-ci ne devront jamais, par obligation testamentaire, y revenir : ils sont envoyés à la Faculté de Médecine, où est créé un Fond Dejerine, et à leur domicile privé.

Dans les années qui suivent le décès de Jules, Augusta est appelée à diriger le Centre des Grands Infirmes du Système Nerveux à l’Institution Nationale des Invalides, auquel elle donne une impulsion très novatrice. Elle reçoit à son tour de nombreuses distinctions. Atteinte d’un cancer du sein, elle décède en 1927 – dix ans après son mari.

Sans doute, avec le recul, peut-on mieux analyser aujourd’hui ce que fut la contribution de chacun, d’abord médicale et sémiologique pour Jules, essentiellement scientifique et neuroanatomique pour Augusta [1]. Mais il ne faut jamais oublier le lien très fort et inaltérable qui les a unis dans cette œuvre comme dans leur vie.

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 Abstract de colloque Jules Dejerine : publication bilingue (version française).


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Vol 173 - N° S1

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