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L’œuvre de Jules et Augusta Dejerine dans son contexte historique - 28/01/17

Doi : 10.1016/j.neurol.2016.12.027 
Laura Bossi
 Laboratoire SPHERE, université Paris VII, 1, rue du Mail, 75002 Paris, France 

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Résumé

Jules Dejerine (1849–1917) figure chez Haymaker parmi les 133 « Fondateurs de la neurologie » de 18 nationalités (26 Français, 29 Allemands, 17 Britanniques, 14 Nord-Américains, 9 Italiens). Augusta Klumpke-Dejerine (1859–1927) est mentionnée dans la biographie de son mari comme l’un des rares exemples de la « collaboration de deux géants intellectuels », comparable seulement aux couples formés par Pierre et Marie Curie et, dans le domaine de la neurologie, par Oskar et Cécile Vogt à Berlin (Figure 1).

Les Dejerine sont actifs dans la période où la neurologie s’individualise comme discipline, s’organise avec des institutions hospitalières et universitaires séparées de la médecine interne et de la psychiatrie, et commence à produire des sous-spécialités comme l’anatomie, la physiologie, la pathologie, la chirurgie du système nerveux.

En France, l’école anatomo-clinique inaugurée en 1862 par Jean-Martin Charcot (1825–1893) et son ami Alfred Vulpian (1826–1887) à la Salpêtrière fera de Paris le centre de la neurologie française, et l’un des plus importants du monde. Vulpian quittera cinq ans plus tard la Salpêtrière pour une brillante carrière universitaire qui le conduira jusqu’à la responsabilité de Doyen (1875); Charcot y restera jusqu’à sa mort. Il fondera la première chaire de Clinique des maladies nerveuses (1882), et s’entourera d’élèves qui seront appelés à diriger la plupart des départements de neurologie de Paris: la Pitié (Joseph Babinski), Bicêtre (Pierre Marie, Achille Soucques, Désiré Bourneville pour la psychiatrie), Ivry (Achille Gombault puis Soucques). Après sa mort, ses deux premiers successeurs à la chaire de neurologie seront ses anciens élèves Édouard Brissaud et Fulgence Raymond.

Dans une scène dominée par l’école de Charcot, Jules et Augusta Dejerine, élèves de Vulpian, occuperont une place éminente et singulière. Pendant leurs années à Bicêtre (1887–1894), ils entreprennent une étude de l’« Anatomie du système nerveux » (1895) fondée sur la méthode des coupes sériées; celle-ci permet une reconstruction précise des structures tridimensionnelles, surtout des régions sous-corticales, ainsi qu’une cartographie détaillée des faisceaux reliant les différentes régions cérébrales. À la Salpêtrière, où Déjerine dirigera le département Jacquart entre 1895 et 1910 avant d’être finalement élu à la chaire de Charcot, ils complèteront ce travail par une « topographie » corrélant les sièges des lésions des centres et des voies nerveuses sensitives et motrices avec les zones cutanées et les groupes musculaires affectés. Leur « Sémiologie des affections du système nerveux » (1914) sera l’accomplissement de la méthode anatomo-clinique du XIXe siècle.

En Grande Bretagne, Londres jouera un rôle analogue à celui de Paris, avec la fondation du National Hospital for the paralysed and epileptics à Queen Square en 1860. John Hughlings Jackson (1835–1911), le « père de la neurologie » britannique, y travaillera pendant 45 ans. Il sera l’éditeur du journal Brain depuis sa fondation en 1878, et sera le premier président de la Neurological Society of London en 1886. Ses travaux sur l’épilepsie restent exemplaires. Son modèle évolutionniste du cerveau postulant l’existence de trois niveaux hiérarchiques et sa distinction entre symptômes « négatifs » et « positifs » inspireront Sigmund Freud et la psychiatrie française (Henri Ey) puis américaine (DSM). Queen Square a compté d’autres personnalités éminentes comme David Ferrier (1843–1928), qui établira chez l’animal une cartographie de la localisation des fonctions motrices; le pionnier de la neurochirurgie Victor Horsley (1857–1916); William Gowers (1845–1915), auteur de la « bible » de la neurologie anglaise, le Manual of Diseases of the Nervous System (1886, 1888); et Gordon Holmes (1876–1965), auteur de travaux sur le cervelet et sur les troubles visuels.

Toutefois, le National Hospital n’aura de liens avec le système universitaire que très tardivement: un Institute for the Teaching and Study of Neurology sera créé à Queen Square en 1938, et sera intégré à l’Université de Londres en 1950, deux ans après la fondation du National health Service. En 1958 encore, il n’y avait que 73 neurologues en Grande Bretagne, et trois chaires de Neurologie: Londres, Oxford et Édimbourg.

Henry Head (1861–1940) à Cambridge, et Charles Scott Sherrington (1857–1952) à Cambridge puis à Oxford, donneront à la neurologie britannique une forte orientation neurophysiologique. En 1932 Sherrington sera lauréat du prix Nobel avec Edgar Adrian (1889–1977), pour leurs travaux sur la fonction des neurones; ce sera le deuxième Prix Nobel attribué dans le domaine des neurosciences, après celui que le grand anatomiste espagnol Santiago Ramon y Cajal (1852–1934), le « découvreur » du neurone, partagea en 1906 avec l’Italien Camillo Golgi (1843–1926), l’inventeur de l’imprégnation argentique.

Dans les pays de langue allemande l’évolution de la neurologie suivra un chemin différent, sans la centralisation dans la capitale qui caractérise la France et l’Angleterre.

Lorsque Johannes Müller (1801–1858), le fondateur de la physiologie allemande, rassemble dans l’Université de Berlin fondée en 1809 par Wilhelm von Humboldt (1767–1835) un groupe exceptionnel de jeunes chercheurs, on assiste à une floraison des sciences naturelles et médicales aussi rapide que remarquable (anatomie avec Henle, Schwann, Koelliker; pathologie cellulaire avec Rudolf Virchow; physiologie avec du Bois Reymond, Brücke, Helmholtz…). En même temps, l’interniste Moritz Heinrich Romberg (1795–1873), nommé en 1840 directeur du Königliches Poliklinisches Institut à Berlin, sera l’un des fondateurs de la neurologie clinique; son Lehrbuch der Nervenkrankheiten (1853) aura une grande influence. Pourtant, Berlin n’arrivera pas à constituer un véritable pôle. Le successeur de Romberg en 1865 sera le psychiatre Wilhelm Griesinger (1817–1868), surtout orienté vers la réforme du système asilaire. Par la suite, le grand clinicien Hermann Oppenheim (1858–1919) ne sera pas nommé, à cause de ses origines juives. Une deuxième opportunité se présenta en 1912, lorsque Emil Kraepelin (1856–1926), le fondateur de la nosologie psychiatrique moderne à Munich, fut appelé à Berlin. Kraepelin était prêt à accepter, mais demanda la séparation de la psychiatrie de la neurologie; ce qui fut refusé par le Ministère.

Des contributions importantes à la neurologie clinique viendront toutefois par des internistes, comme Wilhelm Heinrich Erb (1840–1921) à Heidelberg, qui introduira l’enseignement de la neurologie dans le cursus des études médicales et fondera la Deutsche Zeitschrift für Nervenheilkunde en 1891.

Dans la génération suivante on rappellera le rôle pionnier de Oskar Vogt (1870–1959); avec sa femme, la neurologue française Cécile Mugnier, rencontrée à Paris en 1898 lors d’un séjour d’études chez Dejerine, il fondera le Kaiser-Wilhelm Institut für Hirnforschung à Berlin-Buch, qui sera une véritable pépinière de chercheurs; Korbinian Brodman y réalisera ses travaux de cytoarchitectonie du cortex. Ottfried Förster (1873–1941) à Breslau, un élève de Dejerine, sera l’un des neurologues le plus actifs de la première moitié du vingtième siècle.

Mais c’est dans le domaine de l’anatomie pathologique que l’Allemagne aura un rôle capital. Citons Rudolf Virchow (1821–1894) à Berlin, fondateur de la pathologie cellulaire et auteur d’observations importantes sur la glie; Albert Koelliker (1817–1905) à Würzburg, dont le Handbuch der Gewebelehre (1850) reste un classique au même titre que les œuvres de Cajal; Theodor Meynert (1833–1892) à Vienne, où ses travaux ont contribué au rayonnement scientifique de la faculté, qui aspirait à rivaliser avec la Salpêtrière et Queen Square; ou Carl Wernicke (1848–1905), anatomiste et psychiatre à Berlin, Breslau, puis Halle, auteur d’un Lehrbuch der Gehirnkrankheiten (1881–1883) qui résume les connaissances de l’époque sur les localisations cérébrales. Enfin rappelons l’équipe autour de Kraepelin à Munich: Franz Nissl (1860–1919), connu surtout pour ses colorations, et Aloys Alzheimer (1864–1915), célèbre pour sa première description des caractéristiques anatomopathologiques de la maladie qui porte son nom.

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 Abstract de colloque Jules Dejerine: publication bilingue (version française).


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Vol 173 - N° S1

P. S28-S29 - février 2017 Retour au numéro
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