Devant une pancytopénie atypique, il faut garder la fibre lupique - 22/05/17
Résumé |
Introduction |
L’atteinte hématologique est fréquente au cours du lupus érythémateux systémique (LES). Elle se manifeste le plus souvent par des cytopénies périphériques, en particulier des lymphopénies et anémies hémolytiques auto-immunes. L’atteinte médullaire est rare et mal connue. Nous rapportons le cas d’une patiente chez laquelle des infections répétées ont conduit au diagnostic de myélofibrose (MF) auto-immune lupique.
Observation |
Il s’agit d’une patiente âgée de 33ans, suivie pour un syndrome primaire des anti-phospholipides, qui a été hospitalisé pour une altération de l’état général avec perte de 5kg sur 3mois. Elle signalait des infections ORL, pulmonaires et digestives répétées récentes. Elle était apyrétique et l’examen clinique ne retrouvait pas de syndrome tumoral. Le bilan biologique documentait une pancytopénie ; taux d’hémoglobine à 8,5g/dL avec réticulocytes à 7G/L, plaquettes à 64G/L et leucocytes à 0,8G/L. Il n’y avait pas de syndrome inflammatoire biologique. Les sérologies virales et parasitaires étaient négatives tout comme la recherche d’hémoglobinurie paroxystique nocturne. Le bilan immunologique montrait la présence d’anticorps anti-nucléaires à 1/2560 de type anti-histones avec des anti-ADN natifs>1/600. Les fractions C3 et C4 du complément étaient effondrées. Les examens morphologiques ne trouvaient pas d’argument pour une hémopathie maligne. Les 2 myélogrammes réalisés étaient pauci-cellulaires et non représentatifs. La biopsie ostéo-médullaire documentait des troubles de la maturation des 3 lignées avec fibrose réticulinique et infiltration lymphoïde CD3+. Il n’y avait pas de nécrose. La recherche de la mutation V617F de JAK2 était négative. Le diagnostic de MF auto-immune secondaire à un LES était posé. Trois bolus d’1 gramme de méthylprednisolone intraveineux, relayés par une corticothérapie orale à la dose d’1mg/kg/j associés à 400mg d’hydroxychloroquine par jour ont permis une normalisation de la NFS à 3 semaines. Un traitement d’entretien par azathioprine à visée d’épargne cortisonique a été débuté dès l’initiation des corticoïdes. À 4 mois du diagnostic et sous 15mg de prednisolone, 150mg d’azathioprine et 400mg d’hydroxychloroquine par jour, la patiente était asymptomatique et la NFS normale.
Discussion |
L’incidence de la MF est d’environ 5 cas/million d’habitant/an et est dans 90 % des cas primitive. L’absence de splénomégalie, d’hyperleucocytose, le jeune âge des patients et la négativité de la mutation V617F de JAK2 doivent faire rechercher une MF secondaire. Parmi les étiologies imputables, les maladies dysimmunitaires sont rares et sont dominées par le LES et la maladie de Gougerot-Sjögren. Avec la MF auto-immune, 2 autres types d’atteinte hématologique centrale sont décrites au cours du LES : l’aplasie médullaire et l’érythroblastopénie. Lorsqu’elle est présente, l’atteinte médullaire est dans la majorité des cas le mode d’entrée dans la maladie dysimmuntaire. La présence d’une fibrose réticulinique médullaire et la documentation des critères diagnostics ACR du LES sont indispensables pour établir le diagnostic de MF associée au LES. Peu d’études sont disponibles dans la littérature sur les atteintes hématologiques centrales au cours du LES. En 1998, Pereira et al. suggérèrent, après étude de 21 biopsies osseuses de patients lupiques avec anomalie de la NFS, que la moelle osseuse est un organe cible au cours du LES. Aucun protocole thérapeutique codifié n’est disponible à ce jour. Cependant, la corticothérapie forte dose semble être efficace permettant la régression des cytopénies dans plus de 50 % des cas. Une efficacité des traitements immunosuppresseurs et des immunoglobulines intraveineuses a également été rapportée. En cas de réponse au traitement, une diminution de la fibrose médullaire peut être constatée. Ainsi, le pronostic de la MF auto-immune associée au LES est meilleur que celui de la MF primitive.
Conclusion |
Le LES est une pathologie dysimmunitaire systémique bien connue des praticiens. L’atteinte médullaire est cependant peu décrite dans la littérature. Compte tenu de leur « bon » pronostic, les atteintes hématologiques centrales doivent être dépistées, surtout en présence de cytopénies multi-lignées arégénératives. L’introduction d’un traitement immunosuppresseur est à discuter au cas par cas, mais a permis une épargne cortisonique rapide et sans rechute chez notre patiente.
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Vol 38 - N° S1
P. A175-A176 - juin 2017 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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