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L’hyponatrémie, les examens paracliniques et l’interniste clinicien - 22/05/17

Doi : 10.1016/j.revmed.2017.03.038 
C. Roubille 1, S. Jugant 2, G. Jeantet 3, L. Zerkowski 1, P. Fesler 1, J. Ribstein 1,
1 Département de médecine interne et hypertension artérielle, hôpital Lapeyronie, Montpellier, France 
2 Nephrologie, hôpital Lapeyronie, Montpellier cedex 5, France 
3 Médecine interne et maladies multi-organiques, hôpital Saint-Éloi, Montpellier, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

L’hyponatrémie, une anomalie hydro-électrolytique fréquente, est un prédicteur de mortalité et de morbidité ainsi que de surcoûts des soins quelle que soit son degré. Divers consensus d’experts ont été basés sur des études observationnelles et des principes physiopathologiques, mais le niveau de preuve des recommandations reste limité. Plusieurs études montrent que l’hyponatrémie reste mal diagnostiquée et mal traitée. Des données de prévalence des formes sévères et l’explicitation de la démarche diagnostique devant une forme particulière d’hyponatrémie chronique modérée nous donnent l’occasion de revenir sur les exigences de raisonnement et de décision pour l’interniste.

Résultats

Sur 71 131 hospitalisations d’adultes en une année dans un centre hospitalier universitaire, l’incidence d’hyponatrémies hypotoniques (osmolalité<275 mOsm/kg) sévères (PNa<125mmol/L) est 0,6 % (n=441, 55 % femmes, âge moyen 68±16 ans). Un quart des cas concerne les secteurs de médecine interne et gériatrie (n=110), autant que ceux d’urgences et réanimation (n=105). Seuls 7 % ont des symptômes neurologiques sévères sur le moment, sans lien avec le pronostic ultérieur (48 décès pendant l’hospitalisation, 36 dans l’année qui suit). Le diagnostic reste approximatif : une normo/hypervolémie est affirmée 1×/2, une hypovolémie 1×5, le statut volémique est imprécis dans le reste des cas. Sodium et osmolarité urinaires ne sont mesurés que 1×/5 et 1×/8 au moment de l’hyponatrémie. Une cause formelle n’est établie que dans 60 % des cas, dont syndrome œdémateux cardiaque ou hépatique 19 %, insuffisance rénale 10 %, iatrogénie 10 %, syndrome d’antidiurèse inappropriée (SIAD) par probable sécrétion d’hormone antidiurétique (HAD) 9 %, potomanie 3 %, déficit endocrinien 1 %. Le constat est sévère, mais les recommandations de diagnostic et traitement de l’hyponatrémie modérée (125–135 mmoL/L), 10 fois plus fréquente, sont encore moins bien définies et suivies. Une femme de 65 ans est référée pour hypertension artérielle et hyponatrémie modérée (125–130mmol/L) persistant depuis plusieurs années. Elle est asymptomatique, cliniquement euvolémique, sans œdèmes. Hors tout traitement, l’osmolalité urinaire (335 mOsm/kg) est inappropriée par rapport à la valeur sanguine (262 mOsm/kg). Par ailleurs, la natriurie (102mmol/L) et l’excrétion fractionnelle (EF) de sodium (1,25 %), l’uricémie (153mcmol/L) mais pas l’EF d’acide urique (9,3 %), l’EF (61 %) mais pas le taux sanguin d’urée (4,1mmol/L), ainsi que l’absence de correction de la natrémie par la restriction hydrique ou la perfusion de sérum salé physiologique confirment l’absence d’hypovolémie. Il n’y a pas d’insuffisance rénale, surrénale ou thyroïdienne. Il pourrait être conclu à ce stade à un SIAD [1], mais la caractérisation de son mécanisme [2] demande la réalisation d’épreuves dynamiques. Lors d’une charge en eau (20mL/kg de poids) rapidement éliminée, l’osmolalité urinaire baisse à 88 mOsm/kg à la 3e heure sans grande variation de l’osmolalité sanguine, démontrant la normalité de la capacité de dilution urinaire. De plus, la copeptinémie, un substitut validé du taux circulant d’HAD, baisse de 7,6 à 4,5pmol/L pendant la charge en eau, et augmente à 19,1pmol/L avec une perfusion de sérum salé hypertonique à 3 % (0,1mL/kg/min) pendant laquelle l’osmolalité atteint 283 mOsm/kg. Ces tests permettent de confirmer une relation linéaire entre osmolalité et copeptine, une pente de 1,31, et un seuil de sécrétion de copeptine à 271 mOsm/kg, tous caractères correspondant au « reset osmostat » comme défini par Fenske et al. [3]. Il est interessant de noter que la soif (évaluée par échelle analogique) est apparue avec une osmolalité de 279 mOsm/L. La stricte absence de symptôme et l’ancienneté des signes biologiques font suspecter le caractère « idiopathique » de ce syndrome de « décalage de l’osmostat ». Sa démonstration permet de réfuter toute prescription thérapeutique, et notamment de restriction hydrique.

Conclusion

Au-delà d’examens biochimiques simples (sodium, osmolalité, créatinine, urée, urique dans le sang et l’urine) insuffisamment réalisés, la réalisation d’une charge en eau et le dosage de la copeptine (ou de l’HAD) ne sont pas recommandés dans la prise en charge d’une hyponatrémie. Il n’est habituellement pas nécessaire d’identifier le syndrome de « reset osmostat », car il n’est pas spécifique d’une cause (il pourrait représenter 15 à 30 % des cas associés aux tumeurs), mais la prévalence des formes idiopathiques notamment chez le sujet âgé est inconnue. En outre, doser la copeptine et caractériser le sous-type de SIAD pourraient être utiles lorsqu’une prescription de vaptan est envisagée.

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