MALADIE DE TANGIER ET GROSSESSE : À PROPOS D’UN CAS - 09/03/08
Gertych Witold,
Lantheaume Stéphane,
Lebail Carval Karine,
Battie Catherine,
Audra Philippe,
Gaucherand Pascal
Voir les affiliationsIntroduction. La maladie de Tangier est une affection héréditaire qui s’exprime par un déficit en apolipoprotéine A1, une hypocholestérolémie et des dépôts d’ester de cholestérol dans divers tissus. La maladie est extrêmement rare et se transmet sur un mode autosomique récessif. Les sujets homozygotes sont malades et le mode de découverte est le plus souvent une hypertrophie amygdalienne caractéristique. Les formes hétérozygotes présentent aucune manifestation clinique ni anomalie histologique. Nous relatons le premier cas dans la littérature de l’association maladie de Tangier et grossesse et discutons le pronostic obstétrical.
Cas clinique. Une patiente de 20 ans, 1re grossesse, présente une maladie de Tangier asymptomatique, découverte à l’âge de 5 ans par une amydgalectomie, réalisée du fait d’un cas dans la fratrie et en raison d’une très forte consanguinité dans la famille. Elle présente des anomalies mineures se traduisant par une hypoapolipoprotéine A1 et une hypocholestérolémie, caractéristiques pour son génotype. Un conseil génétique a permis d’exclure le risque d’atteinte de l’enfant par la maladie de Tangier. Sur le plan obstétrical, la grossesse s’est déroulée normalement hormis une intolérance au sucre découverte lors du test OMS à 75 g. Un traitement préventif par antiagrégant plaquettaire a été instauré, de même qu’une surveillance de la numération de formule sanguine. Sur le plan fœtal, nous avons réalisé une surveillance échographique rapprochée dès 22 SA pour évaluer les biométries et la morphologie cérébrale. L’accouchement est déclenché à 38 SA pour ERCF pathologique et diminution des mouvements fœtaux, donnant naissance à une petite fille pesant 3 460 g et d’Apgar 9/10/10. L’évolution post-natale a été favorable. L’examen anatomo-pathologique du placenta était strictement normal.
Discussion. Les anomalies observées dans la maladie de Tangier sont le reflet d’une part de l’accumulation des esters de cholestérol au niveau des cellules du système réticulo-endothélial de nombreux organes, d’autre part des dépôts dans la cornée et les cellules de Schwann. Ces cellules ainsi que les cellules placentaires ont un métabolisme lipidique important. Il existe donc un risque théorique que sa détérioration puisse altérer le développement de ces tissus, et secondairement, compromettre l’évolution de la grossesse. C’est dans cette optique qu’une surveillance échographique rapprochée a été instaurée, couplée à un traitement par aspirine. Le fœtus est capable de réaliser sa propre synthèse endogène de cholestérol mais le terme de cette synthèse reste incertain. Il n’a pas été observé de retentissement de la maladie maternelle sur le développement fœtal. Pourtant des atteintes à, type d’adénopathies diffuses, de splénomégalie avec thrombopénie, de dépôts d’ester dans la muqueuse colique et rectale, d’une atteinte neurologique à type de polynévrite, sont observées dans la littérature (forme homozygote). C’est donc une pathologie complexe, souvent d’allure anodine, mais qui peut rendre la grossesse à haut risque. Un registre central devrait être mis en place.
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© 2005 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Vol 34 - N° 3-C1
P. 308-309 - mai 2005 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.