Les données publiées d’incidence du mélanome dans les îles Caraïbes (51 millions d’habitants) sont rares (Jamaïque 2014, Porto-Rico 2009, Cuba 2009, Aruba 2001). En Martinique, l’incidence avait été estimée sur la période 1976–1995 à 1,48/100 000/an chez les femmes et 0,9 chez les hommes (Garsaud, Am J Epidemiol 1998). Cependant, une analyse prospective des pratiques des dermatologues sur 3 mois montrait des chiffres plus importants (BolacC et al. Ann Dermatol Venereol 2011). L’objectif de ce travail était d’estimer l’incidence du mélanome en Martinique de 1996 à 2015 et d’en décrire les principales caractéristiques, ainsi que les tendances épidémiologiques en fonction du phototype des patients.

La méthode de recueil des données des registres de cancer a été utilisée. Les taux d’incidence ont été standardisés sur la population mondiale. Le phototype a été classé à partir des groupes de Fitzpatrick en clair (phototype I, II, III) et foncé (IV à VI).

Au total, 281 nouveaux cas de mélanomes ont été inclus, survenus chez 268 patients (133 femmes et 135 hommes, d’âge médian 64,5 ans). Trente-huit pour cent des patients étaient de phototype foncé (n=249). Les taux d’incidence standardisés sur l’âge étaient de 2,56 (2,25–2,88) pour 100 000 personnes–années, respectivement de 2,95 (2,45–3,46) et 2,17 (1,78–2,56) chez les hommes et les femmes. Les mélanomes chez les patients à peau foncée se caractérisaient par un âge médian de survenue plus élevé (73 [37,0–97,0] vs 61 [20–98] ans), un indice de Breslow moyen très significativement plus élevé (5,0mm vs 1,8mm), et un type prédominant acrolentigineux (62 %, n=59), le plus souvent sur les membres inférieurs.

Il s’agit à notre connaissance de la seule étude d’incidence du mélanome sur base populationnelle dans une population d’ascendance afro-caribéenne sur ces 20 dernières années, avec l’étude menée en Jamaïque. Elle montre qu’en Martinique, l’incidence du mélanome a globalement plus que doublé sur la période 1996–2015 par comparaison à la période 1976–1995. Par ailleurs, l’importance de l’épaisseur du mélanome au diagnostic chez les patients à peau foncée (en particulier les hommes âgés) par comparaison à ceux à peau claire dans une même zone géographique et un même accès aux soins est un résultat original, comparable aux patients afro-américains de la base SEER, très récemment publiée (Mahendraraj et al. Medicine 2017).

Nos résultats incitent à une analyse du parcours de soin des patients à peau foncée avant le diagnostic de mélanome et à renforcer les actions de formations des professionnels de santé sur le dépistage des cancers cutanés sur peau noire.