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Psychotraumatisme, « réel de la mort » et travail psychique infantile sur la mort - 03/05/18

Psychotrauma, and psychic work with children on death

Doi : 10.1016/j.evopsy.2017.11.005 
Mireille Guittonneau-Bertholet  : psychanalyste, maître de conférences en psychanalyse et psychopathologie
 UFR études psychanalytiques, CRPMS (EA 3522), université Paris 7–Denis-Diderot, case 7058, 5, rue Thomas-Mann, 75205 Paris cedex 13, France 

Auteur correspondant.

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Résumé

Objectifs

Dans ce texte, il s’agit d’établir un lien possible entre le développement d’un psychotraumatisme chez certains sujets et la constitution, dans l’enfance, d’un savoir faisant de la mort un pur anéantissement, par lequel le sujet disparaît non seulement dans sa chair, mais aussi et surtout de la pensée de ses proches. En effet, ce savoir constitué dans l’enfance viendrait empêcher qu’advienne un processus psychique majeur : le travail sur la mort. Or, ce travail psychique, qui accompagne la découverte de la mort comme étant universelle et irréversible, constituerait une matrice fondamentale pour tout traitement psychique ultérieur des traumas, souvent envisagés comme rencontre avec le « réel de la mort », dans la mesure où il permet au sujet de s’inscrire dans une continuité qui dépasse les limites de sa seule existence. Il s’agit donc, dans ce texte, d’étudier à la fois l’importance de ce travail infantile sur la mort, les conséquences psychiques de son échec et la constitution, parfois, d’un savoir précoce sur une mort-silence, susceptible d’être actualisé lors d’un événement traumatogène ultérieur.

Méthode

Dans un premier temps, c’est à partir du travail psychothérapique avec deux enfants de 4 et 4,5 ans que sont présentées les différentes étapes du travail infantile sur la mort, et les processus inconscients qui le caractérisent. Puis, dans un second temps, l’évocation de deux patientes (préadolescente et adulte) permet d’appréhender les conséquences psychiques de l’échec de ce travail. Parallèlement, sont questionnées les formations psychiques singulières (position identificatoire, figures temporelles) qui accompagnent la constitution d’un savoir sur une mort sans parole ni mémoire.

Résultats

Face à la découverte de la mort et de ses réalités, le travail sur la mort conduit paradoxalement l’enfant à un renforcement de son sentiment de continuité d’exister. Il s’agit notamment pour lui de retraverser la position dépressive venant accompagner ce deuil par anticipation. Au final, ce processus lui permet de se situer dans une lignée générationnelle et de constituer la mémoire (la sienne et celle des autres) comme refuge narcissique par-delà la mort. Or, différentes histoires montrent que certains sujets n’ont pu se constituer un tel abri et que la mort s’est imposée à eux comme anéantissement pur, sans que rien de la vie ne puisse survivre à la mort. L’on découvre ainsi que la rencontre avec le « réel de la mort » s’impose à certains sujets comme l’actualisation de cette certitude et par conséquent comme l’assurance de leur propre anéantissement et parfois même comme la confirmation du fait qu’ils sont morts depuis toujours.

Discussion

À partir de ces différents éléments, on peut s’interroger en premier lieu sur les écueils que rencontre l’enfant dans ce travail sur la mort. En effet, certains ne sont-ils pas contraints de le suspendre face à un entourage qui refuse ou évite (d’autant plus si l’enfant est jeune) de parler de la mort, de sa mort ou qui l’élude par un discours religieux ? Quels effets produisent alors ces interruptions ? Engagent-elles, elles aussi, des scénarii ayant force de certitudes ? Produisent-elles des déformations temporelles ? Enfin, on peut se demander ce qui permet à l’enfant de reprendre ultérieurement ce travail pour le mener à terme ? Il serait également intéressant d’interroger les conditions qui permettent à ce travail de s’engager dans le cadre de la relation transférentielle et s’il ne surgit pas, parfois, dans l’ombre du travail qui accompagne la fin de certaines cures, bien après qu’aient pu être déconstruites les certitudes aliénantes de l’enfance.

Conclusion

Au fil de ces rencontres cliniques, on voit que le travail infantile sur la mort est avant tout un travail de liaison entre la vie et la mort qui participe de façon majeure au sentiment de continuité d’exister. Se constitue ainsi une matrice qui, par la suite, permettra la remise en route d’un travail de symbolisation, capable de réinscrire la temporalité dans le corps du langage, et conduisant le sujet à retrouver les limites que le trauma avait disloquées. À l’inverse, quand ce travail n’a pas pu avoir lieu, le plus souvent en lien avec une histoire familiale traumatique, se crée la certitude d’une mort qui coïncide avec une chute hors de l’espace psychique de l’autre et donc avec une pure néantisation. C’est l’actualisation de telles certitudes lors de la rencontre du « réel de la mort » qui entraînerait alors le développement d’un psychotraumatisme ; le sujet ayant subi un processus identificatoire intolérable puisqu’il se voit confirmer sa non-existence ou sa mort advenue depuis toujours, qu’elle prenne la forme d’un désinvestissement par l’autre ou, autre exemple, celle d’un meurtre.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Abstract

Aims

This paper sets out to explore the possible link between the development of psychotrauma in certain subjects and the formation, during childhood, of a “knowledge” staging death as a complete annihilation, whereby the subject not only disappears in the flesh, but also and above all in the thoughts of those close to him. This “knowledge” formed in childhood could prevent the advent of an essential psychic process, which is work on death. This psychic process, which often accompanies the discovery that death is universal and irreversible, can be seen as a fundamental matrix for all future processing of trauma, often envisaged as being encounters with the “reality of death”, since they enables the subject to position him or herself in a continuity that extends beyond his or her own existence. Thus we set out to study the importance of this work on death in childhood, the psychic consequences of failure in this area, and the possible early birth of a knowledge of death that is “silenced”, but liable to re-emerge at the time of a later traumatic event.

Methods

First, on the basis of psychic work with two children aged four and four and a half we present the different stages in work with children on death, and the unconscious processes arising. Second, the cases of two female patients, one adolescent and one adult, make it possible to apprehend the psychic consequences when the above process fails. Alongside, we also explore particular psychic configurations (positions of identification, temporal figures) that accompany the formation of knowledge about death that is neither put into words nor remembered.

Results

In the context of the discovery of death and its realities, paradoxically, work on death gives the child a stronger feeling of continuing existence. The task for the child is to return through the depressive phase that will accompany this mourning by anticipation. Ultimately, this process enables the child to position him or herself in the generational lineage, and to form a memory (his and that of others) as a narcissistic refuge beyond death. Different personal narratives show that certain subjects are unable to build themselves a refuge of this sort, and that death appears to them as sheer annihilation, with nothing of life surviving death. Thus the encounter with the reality of death takes the form, for some subjects, of a reinstatement of this certainty, and thus the assurance of their own annihilation, and sometimes the confirmation that they have always been dead.

Discussion

On the basis of these different elements, we can first of all consider the setbacks that the child will encounter in work on death. Indeed, some are required to renounce, under pressure from those around him or her, who refuse or avoid (especially if the child is young) talking about death, or who elude it via religious discourse. What are the effects of interruptions of this sort ? Do they also lead to scenarios that stage certainties ? Do they produce temporal distortions ? And what can later enable the child to return to this work, to see it out ? It would also be worthwhile exploring the conditions enabling this work to be undertaken in a transference relationship. It possible that sometimes, within the scope of the work accompanying the end of certain cures, it will re-emerge, well after the deconstruction of the alienating certainties of childhood has occurred.

Conclusion

In these clinical encounters, we can see that work on death with children is above all work on the links between life and death, which make a major contribution to the feeling of continuity of existence. Thus a matrix forms, and it will later enable the triggering of a process of symbolization, restoring the temporality to language, and enabling the subject to redefine the boundaries that the trauma has upset. Conversely, when this work cannot occur, most often as a result of a traumatic family history, we see the formation of the certainty of a death coinciding with the fall from the psychic space of the other, and thus with sheer annihilation. It is the re-emergence of these certainties at the time of an encounter with the reality of death that can lead to psychotrauma. The subject has undergone an intolerable identification process – since his or her non-existence, or the notion that he or she has always been dead, is confirmed – whether it takes the form of withdrawal of the other, or even the form of murder.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Traumatisme psychique, Mort, Réel, Temporalité psychique, Enfance, Transfert, Cas clinique

Keywords : Psychic trauma, Death, Reality, Psychic temporality, Childhood, Transference, Clinical case


Plan


 Toute référence à cet article doit porter mention. Guittonneau-Bertholet M. Psychotraumatisme, « réel de la mort » et travail psychique infantile sur la mort. Evol psychiatr. année ; Vol. (no) : pages (pour la version papier) ou adresse URL [date de consultation] (pour la version électronique).


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Vol 83 - N° 2

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