Intoxication mortelle d’un nourrisson par le fentanyl : homicide ou accident ? - 10/05/18
Résumé |
Objectif |
Présenter le cas d’un nourrisson décédé des suites d’une intoxication aiguë au fentanyl, et discuter au plan médico-légal de son origine accidentelle ou volontaire (homicide).
Description du cas |
Un nourrisson de 9 mois, de sexe masculin, sans antécédent médico-chirurgical, est retrouvé par ses parents dans son lit, inconscient, froid et ne respirant plus. Les services de secours ont confirmé le décès 10min après l’appel de la famille. Les constatations de l’autopsie sont compatibles avec l’hypothèse d’une mort naturelle d’origine respiratoire mais nécessitent des investigations complémentaires, notamment toxicologiques.
Méthodes |
La recherche large de toxiques organiques stupéfiants et médicamenteux a été réalisée par GC-MS, LC-DAD et LC-MS/MS sur les prélèvements de sang cardiaque, de bile et de contenu gastrique prélevés lors de l’autopsie.
Résultats |
De manière surprenante, compte tenu du contexte de ce décès, l’analyse toxicologique retrouve la présence de fentanyl dans les différentes matrices biologiques analysées (Tableau 1).
Discussion et conclusion |
Les investigations médico-légales ont permis de dire que le décès de l’enfant résulte de façon directe et exclusive d’une intoxication aiguë au fentanyl. Sur l’origine du fentanyl, l’enquête a montré que le frère du défunt (6 ans), en soins palliatifs, recevait un traitement par Durogesic® 25μg/h, dispositif transdermique, dont plusieurs boîtes ont été retrouvées au domicile. En dépit des difficultés connues d’interprétation des concentrations post-mortem de fentanyl, liées notamment au phénomène de redistribution post-mortem qui n’a pu être objectivé ici en raison de l’absence de sang périphérique, la concentration retrouvée dans le sang de l’enfant peut être considérée comme élevée. Cette concentration et le délai court de quelques heures écoulé entre le moment où l’enfant a été vu vivant la dernière fois et son décès s’accordent mal avec l’hypothèse d’une administration unique transdermique de cinétique de résorption lente, un patch de Durogesic® étant conçu pour délivrer le fentanyl (4,2mg pour un patch dosé à 25μg/h) à vitesse constante sur une durée de 72h. Plusieurs études de pharmacocinétique réalisées en pédiatrie vont dans ce sens, en particulier celle menée chez 8 enfants d’âge moyen 42 mois, traités par Durogesic® 25μg/h, montrant un Cmax et Tmax médian respectivement de 1,6ng/mL et 18h. L’hypothèse la plus vraisemblable pour cet enfant, qui selon l’entourage jouait souvent à terre, est celle d’un patch usagé porté accidentellement à la bouche, puis sucé et mâché pendant quelques minutes sans l’avaler, le dispositif n’ayant pas été retrouvé dans le tractus digestif lors de l’autopsie. De rares cas similaires survenus chez l’enfant sont décrits dans la littérature. Sachant qu’un patch usagé contiendrait encore environ 50 % de principe actif après 72h d’utilisation, la quantité résiduelle pour un patch de 25μg/g, serait ainsi de l’ordre de 2mg de fentanyl, soit la dose létale estimée chez l’adulte. Par ailleurs, pour du fentanyl à action rapide donné par voie sublinguale, 80 % de la concentration sanguine maximale est atteinte en moins de 30min. Dans ce contexte, il est donc possible d’expliquer la mort de l’enfant par la succion et le mâchage d’un patch usagé provenant du traitement de son frère, conduisant à une imprégnation massive par le fentanyl dans un laps de temps court. C’est cette hypothèse qui a été privilégiée. Le patch vraisemblablement recraché n’a pas été retrouvé dans le logement de petite taille et en grand désordre.
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Vol 30 - N° 2S
P. S21 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.