Intoxication accidentelle ou volontaire au paracétamol traitée tardivement : devenir des patients admis en réanimation - 10/05/18
Résumé |
Objectif |
L’intoxication aiguë par ingestion d’une dose unique de paracétamol peut être traitée efficacement par l’administration précoce de N-acétylcystéine (NAC) [1 ]. Le pronostic est par contre plus réservé pour les intoxications traitées tardivement, et particulièrement dans un contexte de doses étagées prises volontairement ou par ignorance de la toxicité. Nous présentons une analyse rétrospective (2007–2017) des patients admis en réanimation pour hépatite aiguë suite à un traitement par NAC différé de 12h ou plus.
Résultats |
Quatre-vingt-dix dossiers de patients ont été analysés (53 F, 37 H, âge moyen 38 ans). L’intoxication était accidentelle dans 48 % des cas. Les ingestions multiples représentaient 40 % des situations. Parmi les antécédents, on notait une stéatose ou un alcoolisme respectivement dans 42 et 55 % des cas. La durée moyenne de séjour en réanimation était de 5,7j. La mortalité en réanimation était de 10 %. Les critères de transplantation établis par le King's College étaient rencontrés dans 23 %, mais 8 % des patients ont été effectivement transplantés. Le délai d’administration de la NAC se répartissait comme suit : <12h (38 %), 12–24h (38 %), 24–48h (10 %),>48h (14 %). Les patients intoxiqués suite à une prise étagée, souvent accidentelle, étaient significativement plus âgés (45±12 vs 33±14) (p=0,001), et souffraient davantage de stéatose (p=0,016) ou d’alcoolisme (p=0,04). Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes « prise unique » versus « prise étagée » quant au délai du début de la NAC (calculé à partir de la dernière prise connue). Vu le faible nombre de décès, une définition d’un groupe à évolution péjorative était basée sur la présence d’un ou de plusieurs des facteurs suivants : mortalité, nécessité de transplantation, de ventilation mécanique, d’épuration extrarénale, durée de séjour en réanimation>10j. Les variables qui différaient dans ce groupe étaient : l’âge plus élevé, les valeurs plus hautes d’ASAT, de bilirubine, de lactates, les valeurs plus basses de facteur V et de pH. En analyse multivariée, la valeur de la lactacidémie était associée à un facteur de risque d’évolution péjorative (OR ajusté à 1,8 [IC95 : 1,2–2,5]). De plus, la surface de la courbe ROC des lactates était de 85 %. Le risque d’évolution péjorative était plus marqué dans le groupe « prise étagée » (p=0,02), avec une mortalité plus élevée (p=0,003) et une tendance à un recours plus fréquent à la greffe (p=0,58). Par contre, le délai par rapport à l’administration de la NAC semblait sans influence sur les différents paramètres biologiques et les autres facteurs (mortalité, transplantation, épuration extrarénale, vasopresseurs).
Cette analyse rétrospective illustre les différences entre les populations intoxiquées par une dose unique (suicidaire) ou étagée (accidentelle ou suicidaire) de paracétamol. Cette dernière catégorie concerne des patients plus âgés, qui présentent des facteurs de risque d’hépatotoxicité. Les lactates sont un bon marqueur d’évolution péjorative. Au-delà de 12h, le délai d’administration de la NAC ne semble pas influencer le devenir des patients.
Conclusion |
Les ingestions accidentelles et étagées de paracétamol mobilisent de plus en plus de ressources des services de réanimation car elles se rapportent à une catégorie de patients plus âgés et plus fragiles. Leur pronostic est plus réservé que pour les intoxications volontaires par dose unique. Après 12h, le délai d’administration de la NAC ne semble pas avoir d’influence.
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Vol 30 - N° 2S
P. S25 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.