Intoxication familiale à Nicotiana glauca - 10/05/18

Résumé |
Objectif |
Nous présentons deux cas d’empoisonnement consécutifs à l’ingestion de feuilles bouillies d’une plante confondue soit avec une espèce d’épinard, soit avec du « chou canaque » (Abelmoschus manihot). Le plus sévère a nécessité une hospitalisation en service de réanimation. Les déclarations étaient divergentes en fonction des membres de la famille ayant participé au repas.
Description des cas |
En août 2017, une femme et son mari âgés de 54 ans ont présenté au décours d’un repas de « soupe au chou » d’abord des céphalées avec vertiges, puis faiblesse progressive des membres inférieurs, agitation et obnubilation, et pour la femme uniquement : dyspnée aiguë ayant motivé l’appel du SAMU par la famille. À l’arrivée des secours, la femme est dyspnéique, comateuse et bradycarde mais non défaillante hémodynamiquement. Lorsque l’ambulance arrive aux urgences du centre hospitalier, elle est retrouvée en arrêt cardiorespiratoire (ACR). Elle bénéficie d’un massage cardiaque, est intubée et reçoit adrénaline (2mg) en IV. Admise en réanimation, elle est mise sous protocole d’hypothermie thérapeutique pendant 24h. Sur le plan hémodynamique, la patiente nécessitera l’administration de faibles doses de noradrénaline durant 24h. L’évolution sera marquée par des épisodes d’agitation nécessitant une reprise de la sédation et sera favorable en 5 jours. Aucune anomalie clinique ou para-clinique ne permet d’expliquer cet ACR. Le mari a présenté un important syndrome cérébelleux qui s’amendera en 12h. Une éventuelle confusion entre Abelmoschus manihot, dont les feuilles sont comestibles et Manihot esculenta, dont les feuilles peuvent contenir de grandes quantités de glycosides cyanogénétiques en période de sécheresse, est écartée devant l’absence d’acidose lactique. L’interrogatoire de l’entourage est très difficile mais la sœur ramène des branches et des feuilles fraîches de la plante. Un extrait hydro-éthanolique 50:50 de la feuille est analysé par LC-MS/MS.
Résultats |
Les parties de la plante rapportées ne permettent pas de l’identifier visuellement bien que l’aspect des feuilles orienterait vers une Solanaceae. La sœur de la victime rapporte qu’il s’agit d’un arbuste. Les présentations cliniques excluent une intoxication par un datura arborescent (absence de mydriase et présence d’une bradycardie sinusale). Après discussions avec des ethnobotanistes, il s’avère que cette plante n’est pas connue en Nouvelle-Calédonie et qu’il s’agit probablement d’une espèce invasive. L’analyse LC-MS/MS de l’extrait permet toutefois de mettre en évidence la présence d’anabasine (C10H14N2), en très forte quantité ; dès lors, Nicotiana glauca, un tabac arborescent non répertorié en Nouvelle-Calédonie, est rapidement identifié. L’anabasine est l’homologue pipéridinique de la nor-nicotine et est l’alcaloïde principal des tabacs arborescents.
Conclusion |
L’intoxication nicotinique à anabasine est rarement décrite. L’anabasine est l’alcaloïde principal du tabac « en arbre », Nicotiana glauca ; sa létalité est 10 fois supérieure à celle de la nicotine. La plante est originaire d’Amérique du Sud et est présente sur tout le pourtour méditerranéen ainsi qu’en Australie. Sa présence en Nouvelle-Calédonie n’était pas connue jusqu’à ce jour. Les intoxications sont le plus souvent le résultat d’une confusion avec des légumes-feuilles. Il convient de noter que les troubles digestifs étaient absents du tableau clinique que nous avons présenté.
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Vol 30 - N° 2S
P. S28 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.