Acidose lactique, insuffisance rénale et ganciclovir - 10/05/18

Résumé |
Objectif |
La survenue d’une acidose lactique invite à rechercher différentes étiologies, souvent en rapport avec un choc septique ou cardiogénique. Une hypothèse médicamenteuse peut aussi être envisagée. Nous discutons de l’implication possible du ganciclovir chez une patiente en insuffisance rénale aiguë.
Description |
Une patiente de 55 ans aux nombreux antécédents vasculaires avait bénéficié en 2012 d’une greffe rénale pour une glomérulonéphrite post-infectieuse. Elle était réadmise dans un contexte d’endocardite mitrale et aortique à Staphyloccocus aureus ayant entraîné une dégradation de la fonction du greffon et une reprise de l’hémodialyse. À distance du double remplacement valvulaire et de la négativation des hémocultures sous traitement, la patiente était réadmise en réanimation dans un tableau de choc nécessitant des vasopresseurs. Elle était traitée depuis 2 semaines par du ganciclovir iv (60mg tous les 2j) puis valganciclovir per os (450mg tous les 2jours, 2 doses administrées) pour une réactivation CMV. L’échographie cardiaque montrait la préservation d’une bonne fonction ventriculaire. Les hémocultures restaient stériles. L’examen tomodensitométrique thoraco-abdominal ne mettait pas en évidence de foyer infectieux profond ni d’ischémie intestinale. La biologie sanguine révélait une acidose lactique majeure (pH 7,10, lactate 20mmol/L), ainsi que des hypoglycémies réfractaires. Le rapport lactate/pyruvate (L/P) était de 72,7 et le rapport 3-hydroxybutyrate/acétoacétate (3OHB/AA) de 25,71 (Nl<1). Une amélioration hémodynamique transitoire était observée après une première séance d’hémodialyse, avec également une régression du rapport L/P à 42,9 et du rapport 3OHB/AA à 8,59, et correction des hypoglycémies. Le dosage plasmatique de ganciclovir avant hémodialyse était de 0,237μg/mL. La demi-vie d’élimination du ganciclovir pendant l’hémodialyse était de 1,75h. La patiente décédait à j5 dans un tableau d’ischémie intestinale et du greffon.
Discussion |
Le ganciclovir possède une élimination essentiellement rénale et la posologie doit être adaptée en cas d’insuffisance rénale terminale. Il n’y a pas de consensus sur une concentration « thérapeutique » de ganciclovir chez les patients greffés. Les valeurs pour la vallée s’échelonneraient entre 0,06 et 11,7μg/mL. Dans cette observation, l’hypothèse d’une dysfonction aiguë de la chaîne respiratoire mitochondriale est basée sur l’association de plusieurs facteurs : une hyperlactatémie majeure avec un rapport L/P largement>25, un rapport 3OHB/AA élevé, une hypoglycémie réfractaire. L’implication du ganciclovir, seul ou en association avec un ou plusieurs autres facteurs, reste discutable [1 ]. La concentration de ganciclovir initialement observée ne paraissait pas excessive, mais elle pourrait ne pas refléter l’action du ganciclovir triphosphorylé intracellulaire. Des données expérimentales ont montré l’existence de lésions mitochondriales dans des hépatocytes de rat exposés au ganciclovir en présence de thymidine kinase produite par le virus HSV.
Conclusion |
La prescription de ganciclovir, même à dose réduite, chez des patients en insuffisance rénale terminale pourrait précipiter, avec d’autres facteurs, la survenue d’une acidose lactique majeure par anomalie de la chaîne respiratoire et anomalie de la gluconéogenèse.
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Vol 30 - N° 2S
P. S65-S66 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.