Les services publics en France connaissent depuis nombreuses années une évolution en termes d’organisation du travail mais également de management. Le New Public Management (NPM) a pénétré tous les secteurs. Le secteur de la prévention en santé au travail n’échappe pas à cette vague. Ainsi, dans le cadre des plans de santé et travail, les services institutionnels traditionnels tels que la Carsat ou les services prévention des risques professionnels de la MSA ont développé de nouveaux modèles de gestion de la prévention. Dans le secteur agricole la Caisse nationale de la mutuelle sociale agricole l’a décliné à l’aide d’une série de dispositifs managériaux fondés sur des objectifs et des indicateurs chiffrés à atteindre. L’objet de l’étude est d’examiner les effets pour la prévention d’un tel dispositif et notamment sur la question de l’autonomie développée par les préventeurs (médecins du travail, infirmières, assistantes et conseillers en prévention).

La recherche se fonde sur une observation non participante menée au sein de 5 services de prévention de santé au travail durant 10 mois. Les observations ont été complétées par deux vagues d’entretiens conduites au sein de services (n=34) et au niveau national (n=3). Le traitement des entretiens a fait l’objet d’une double analyse. La première à l’aide du logiciel Alceste^® pour dégager les univers sémantiques et la seconde résulte d’une analyse thématique. Quant aux observations, elles permettent de mettre en relation les discours et l’activité réelle de travail de prévention.

Les effets induits par les objectifs chiffrés produisent plusieurs effets. Outre la remise en cause de l’identité professionnelle, on observe une occultation des actions menées par les préventeurs. Toutefois, l’apparition de formes de négociations locales permet de réguler partiellement les effets, tout en provoquant de tensions internes entre les membres de services de santé au travail.

On observe par conséquent, comble du paradoxe, des professionnels chargés de la prévention qui jadis critiquaient au cours de leurs interventions, l’usage des objectifs chiffrés, être à leur tour soumis aux mêmes contraintes organisationnelles et gestionnaires.