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Utilisation de l’ergomètre et du tapis roulant pour étudier et améliorer la technique de propulsion en fauteuil roulant manuel - 24/05/18

Doi : 10.1016/j.scispo.2018.03.004 
Félix Chénier 1, 2, 3,
1 Département des sciences de l’activité physique, université du Québec à Montréal, Canada 
2 Laboratoire de pathokinésiologie, centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR), Canada 
3 Département de génie de la production automatisée, École de technologie supérieure, Canada 

Correspondance.

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Résumé

Introduction

Afin d’éviter un déconditionnement physique, une limitation d’activités et une perte de qualité de vie, il est primordial d’encourager un mode de vie actif chez les utilisateurs de fauteuil roulant manuel (FRM). Or, dû à une charge articulaire importante et répétée lors de la propulsion, environ la moitié des utilisateurs de FRM développent des troubles musculosquelettiques secondaires (TMS), principalement aux épaules. Pour certains sports adaptés comme le basketball en fauteuil roulant, les forces de propulsion sont encore plus grandes et les bras sont souvent élevés, augmentant le taux de lésion à la coiffe des rotateurs de 36 % chez les non-athlètes à 75 % chez les athlètes [1]. Ainsi, malgré les bénéfices du sport adapté, il est difficile de prescrire un sport sans augmenter le risque de TMS. Ceci justifie la nécessité de poursuivre des travaux de recherche sur la biomécanique de la propulsion en FRM, pour :

– mieux comprendre l’impact de la propulsion sur l’intégrité articulaire ;

– mieux entraîner les utilisateurs et réduire le risque de TMS.

Pour ce faire, deux systèmes stationnaires sont couramment utilisés : l’ergomètre (Fig. 1) et le tapis roulant (Fig. 2). En plus de permettre des entraînements de longue durée, les systèmes stationnaires permettent d’offrir du biofeedback pour améliorer la technique de propulsion de l’utilisateur. Ce court article présente brièvement des avantages et inconvénients propres à l’ergomètre et au tapis roulant, dans une optique d’étude et d’amélioration de la technique de propulsion.

Évaluation et entraînement sur ergomètre

L’ergomètre laisse l’utilisateur décider de sa vitesse et de sa trajectoire, ce qui est impossible sur tapis roulant. Si l’ergomètre possède des rouleaux bilatéraux indépendants, les deux roues arrière peuvent également rouler à des vitesses différentes, simulant ainsi des manœuvres curvilinéaires. Comme l’utilisateur n’a pas à régler continuellement sa vitesse ou sa direction, la tâche de propulsion est moins complexe cognitivement, ce qui peut être avantageux pour entraîner l’utilisateur et améliorer sa technique de propulsion. de Groot et al. [2] ont utilisé un ergomètre et un indicateur visuel qui affichait l’efficacité mécanique (MEF) de la propulsion en temps réel. Dix participants sains devaient tenter de maximiser cet indicateur ; ceux-ci ont effectivement maximisé leur MEF par rapport à un groupe contrôle (n=2×10). Or, ces résultats n’ont pas pu être reproduit dans une étude subséquente chez 16 utilisateurs de FRM [3], probablement parce que leur patron de propulsion était davantage ancré que celui des participants sains.

Nous avons émis l’hypothèse qu’à l’instar de la réadaptation assistée par robotique, un biofeedback haptique pourrait possiblement rediriger la direction des forces appliquées par l’utilisateur de façon à la rendre plus efficace. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons créé un ergomètre permettant de modifier en temps réel la résistance ressentie par l’utilisateur (Fig. 1) [4]. Cet ergomètre a été utilisé avec 18 utilisateurs réguliers de FRM avec paraplégie complète ou incomplète [5]. L’appareil augmentait artificiellement la résistance ressentie par l’utilisateur selon la différence entre sa MEF instantanée et une courbe de MEF désirée correspondant à 10 % de plus que sa MEF de base. Après trois minutes de biofeedback, 6 participants ont augmenté leur MEF bilatéralement et 5, unilatéralement. Il semble donc que le biofeedback haptique modifie la technique de propulsion chez les utilisateurs de FRM. Or, il n’est pas clair si ces apprentissages sont transférables à la réalité, car un ergomètre reproduit un comportement dynamique différent de celui d’un FRM propulsé au sol. Par exemple, le mouvement du haut du corps génère des accélérations du FRM et modifient la résistance de roulement pendant le cycle de propulsion, ce qui n’est pas reproduit par un ergomètre.

Évaluation et entraînement sur tapis roulant

Il est généralement accepté que l’utilisation d’un tapis roulant permet de mieux reproduire la dynamique du FRM qu’un ergomètre. Or, très peu d’études ont évalué la validité écologique du tapis roulant en comparant la propulsion sur tapis roulant et sur le sol. S’il est vrai qu’un tapis roulant reproduit la dynamique du haut du corps, le FRM doit toutefois être attaché au tapis pour assurer la sécurité de l’utilisateur. Un tel système d’attache, illustré sur la Fig. 2b, permet un déplacement antéropostérieur du FRM mais limite son déplacement latéral. Nous nous sommes demandé si ce système d’attache n’introduit pas de variation dans la technique de propulsion de l’utilisateur puisqu’au sol, celui-ci doit diriger son FRM alors que sur le tapis, le FRM est guidé par le système d’attache. Nous avons émis l’hypothèse qu’à basse vitesse, la propulsion sur tapis sans attache serait plus fidèle à la propulsion sur le sol qu’avec une attache.

Dans une étude exploratoire [6], sept utilisateurs expérimentés en FRM (T12-B, T6-D, T5-A, T4-A, C7-B, paralysie cérébrale, dystrophie musculaire) ont propulsé leur propre FRM instrumenté bilatéralement avec deux roues instrumentées (SmartWheel). Ils ont propulsé à 1m.s−1 dans trois conditions : premièrement sur le sol (Fig. 2a), puis sur le tapis, attaché (Fig. 2b), et enfin sur le tapis, détaché (Fig. 2c). Lorsque le FRM était détaché, les participants ont raccourci le temps de recouvrement et augmenté la force qu’ils appliquaient sur les mains courantes par rapport au sol. Ces deux variables étaient davantage similaires à la condition sol lorsque le fauteuil était attaché, ce qui contredit notre hypothèse : si le système d’attache du fauteuil cause une modification à la dynamique du fauteuil, cette modification semble moins grande que celle qu’elle cause au comportement de l’utilisateur. Lorsqu’il était détaché, l’utilisateur réalisait des poussées plus courtes et plus fortes, probablement pour corriger rapidement la trajectoire du fauteuil, ce qui est contraire aux longues et fluides poussées recommandées pour réduire le risque de TMS [7].

Ceci indique que la perception de l’utilisateur est un facteur important du réalisme de la propulsion sur système stationnaire, en plus des facteurs biomécaniques. Dans une dernière étude [8], nous avons investigué la perception de l’utilisateur lorsqu’il propulse son FRM sur un tapis roulant. Dix-neuf utilisateurs expérimentés en FRM avec une blessure médullaire complète ou incomplète sous C7 ont propulsé leur propre FRM instrumenté bilatéralement avec deux roues instrumentées sur le sol à vitesse confortable (Fig. 2a). Ils ont ensuite propulsé sur le tapis avec le fauteuil attaché (Fig. 2c), à une vitesse qu’ils percevaient similaire à leur propre vitesse au sol (V1), puis à la même vitesse qu’au sol (V2). En V1, tous les participants ont choisi une vitesse largement inférieure à leur vitesse au sol, avec une moyenne de −44 %. Pourtant, les forces, les moments de propulsion, la puissance, le travail par poussée et le travail par minute étaient tous inférieurs à la propulsion au sol. Or, en V2, toutes ces variables étaient similaires au sol. Ces résultats indiquent, d’une part, que même si un tapis roulant reproduit des conditions biomécaniques similaires à la propulsion sur le sol, l’utilisateur n’a pas la même perception entre le sol et le tapis ; et d’autre part, qu’à vitesse égale, les variables cinétiques sont bien reproduites sur le tapis.

Conclusion

Bien que le sport en FRM diminue la sédentarité et ses conséquences, sa pratique est associée à un haut risque de TMS. Il est donc primordial d’analyser les aspects biomécaniques de la propulsion d’un FRM, ce qui peut être réalisé sur ergomètre comme sur tapis roulant. Un ergomètre permet à l’utilisateur de contrôler sa trajectoire et sa vitesse, et permet également de générer du biofeedback haptique. Ce type de biofeedback est prometteur pour l’apprentissage d’une technique de propulsion optimisée. Toutefois, la propulsion sur tapis roulant offre une meilleure validité écologique puisqu’elle reproduit la dynamique du haut du corps. Or, pour être effectivement écologiquement valide, non seulement les variables biomécaniques doivent être considérées, mais également la perception de l’utilisateur. Ainsi, lors de l’utilisation d’un tapis roulant, la vitesse confortable de l’utilisateur doit être mesurée sur le sol et reproduite ensuite sur le tapis, et non déterminée par l’utilisateur directement sur le tapis. Finalement, le fauteuil doit être attaché au tapis roulant, probablement par un système limitant le moins possible son mouvement antéropostérieur.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Fauteuil roulant, Ergomètre, Tapis roulant, Biofeedback, Validité écologique


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