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Une paracoccidioïdomycose invasive mimant une vascularite granulomateuse dans un contexte de tumeur métastatique des voies aériennes supérieures - 06/06/18

Doi : 10.1016/j.revmed.2018.03.058 
M. Cabon 1, , G. Martin De Frémont 1, S. Delamarre 2, G. Bonfort 3, M. Gominet 1, C. Soler 4, A. Bousquet 5, P.L. Conan 1, D. Andriamanentena 1, C. Ficko 1
1 Maladies infectieuses et tropicales, hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé, France 
2 Médecine interne, hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé, France 
3 Oto-rhino-laryngologie, hôpital d’instruction des armées-Percy, Clamart, France 
4 Biologie médicale, hôpital d’instruction des armées-Percy, Clamart, France 
5 Biologie médicale, hôpital d’instruction des armées-Bégin, Saint-Mandé, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

Si le diagnostic des infections fongiques invasives est difficile et souvent retardé, la présentation clinique peu évocatrice égare souvent le clinicien vers d’autres causes que l’étiologie infectieuse. Nous rapportons ici le cas d’un patient présentant une paracoccidioïdomycose invasive pour laquelle la présentation initiale avait fait évoquer successivement un cancer puis une vascularite nécrosante granulomateuse.

Observation

Il s’agit d’un patient de 54 ans avec des antécédents d’hypertension artérielle essentielle, une hépatite C guérie suite à un usage de drogues injectables, un tabagisme actif à 35 paquet-années, un éthylisme sevré et une addiction non sevrée au cannabis et à la cocaïne ainsi qu’un antécédent familial de tuberculose chez la grand-mère et de polyarthrite chez sa mère. Sa profession de journaliste pour la télévision lui imposait de nombreux voyages en Amérique du Sud. Il était adressé pour une masse non douloureuse de localisation sous-mandibulaire évoquant une adénopathie cervicale évoluant depuis 3 mois dans un contexte d’amaigrissement de 5kg. On relevait une lésion nodulaire de la langue avec dysphagie justifiant d’une biopsie dans l’hypothèse d’un carcinome épidermoïde. L’histologie retrouvait une inflammation subaiguë avec granulomes épithélioïdes gigantocellulaires et une parakératose. Le bilan d’extension permettait d’identifier des lésions nodulaires disséminées des deux champs pulmonaires, certaines excavées avec un hypermétabolisme intense à la tomographie par émission de positons. Il n’y avait pas d’hyperleucocytose, la protéine C réactive était à 19mg/L. L’électrophorèse des protides sériques retrouvait un syndrome inflammatoire chronique. La recherche de mycobactéries (biopsie, lavage broncho-alvéolaire, tubage gastrique) avec PCR Mycobacterium tuberculosis étaient négatives, de même que les prélèvements pulmonaires bactériologiques et mycologiques. La sérologie VIH était négative alors que les sérologies hépatite B et C étaient positives, sans réplication virale. L’échocardiographie ne retrouvait pas de lésions endocardiques, ni d’épanchement péricardique. La relecture des coupes histologiques avec de nouvelles colorations spécifiques permettaient de retrouver des éléments sphériques éosinophiles de petite taille cernés d’un halo clair, colorés par l’acide période de Schiff (PAS) mais non colorés par la technique de Gomori-Grocott. Une nouvelle biopsie de la langue permettait d’isoler en culture mycologique une espèce de Paracoccidoides brasiliensis.

Discussion

La paracoccidioïdomycose est une infection fongique invasive, non contagieuse, due à un champignon dimorphique (Pbrasiliensis) strictement limitée à l’Amérique du Sud. La forme juvénile aiguë s’oppose et la forme chronique de l’adulte avec atteinte multiviscérale et marquée par une évolution potentiellement fatale. L’atteinte oropharyngée associée à des adénopathies cervicales est la description classique de la maladie. L’homme est un hôte définitif et les tatous constituent le principal réservoir. La contamination s’effectue par voie respiratoire et touche principalement les hommes. Devant l’atteinte pulmonaire peut se discuter le diagnostic de tuberculose et d’histoplasmose mais le test Interferon-Gamma Release Assays (IGRAs) et la PCR Histoplama sérique étaient négatives. Cependant, la tuberculose est associée à la paracoccidioïdomycose dans environ 20 % des cas. L’atteinte oropharyngée peut faire évoquer une histoplasmose, une leishmaniose, une syphilis, une tuberculose ou un carcinome épidermoïde qui avait fait égarer le diagnostic initial. La recherche de cryoglobuline et les facteurs antinucléaires étaient négatifs mais avec présence d’anticorps anticoagulant circulant de type lupique. En revanche, la positivité des p-ANCA à 1/40 faisait évoquer une vascularite nécrosante granulomateuse induite par le lévamisole chez ce patient consommant de la cocaïne. Ce diagnostic n’était pas retenu en l’absence d’atteinte rénale, cutanée ou d’altération de l’état général même si l’analyse de cheveux témoignait bien d’une exposition au lévamisole. Un traitement par itraconazole par voie orale administré pendant 12 mois permettait une résolution complète des symptômes et une disparition totale de l’ensemble des lésions objectivées sur les imageries antérieures. La reprise de l’anamnèse permettait de relever une exposition intense aux poussières environnementales en Colombie et Vénézuela lors de prises de vues répétées en hélicoptère.

Conclusion

La paracoccidioïdomycose est une infection potentiellement grave dont le diagnostic en Europe doit être évoqué devant une présentation d’allure néoplasique et en présence de lésions histologiques granulomateuses lorsque le sujet a déjà voyagé en Amérique du Sud. Le traitement antifongique azolé prolongé permettra habituellement d’obtenir une rémission.

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Vol 39 - N° S1

P. A136 - juin 2018 Retour au numéro
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