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Une tétraparésie fébrile révélatrice d’une chondrocalcinose intracanalaire - 06/06/18

Doi : 10.1016/j.revmed.2018.03.122 
N. Grienay 1, , N. Richard 2, C. Fortunet 2, C. Mausservey 1, J. Vinit 1, E. Monard 1
1 Médecine interne et maladies systémiques, centre hospitalier Chalon-sur-Saône–William-Morey, Chalon-sur-Saône, France 
2 Rhumatologie, centre hospitalier Chalon-sur-Saône–William-Morey, Chalon-sur-Saône, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

La chondrocalcinose est une arthropathie microcristalline fréquente affectant habituellement genoux, chevilles, poignets et symphyse pubienne. Il existe parfois des atteintes rachidiennes, exceptionnellement responsables d’un canal cervical étroit et d’une compression médullaire.

Observation

Il s’agissait d’un homme de 83 ans diabétique (type 2) avec un adénocarcinome de prostate en rémission. Début août, il présentait une altération brutale de l’état général, fébrile et une parésie progressive des membres supérieurs (3/5) puis inférieurs (4/5) responsable d’une perte d’autonomie. Il existait un syndrome inflammatoire biologique sévère (CRP=217mg/L, fibrinogène=7,6g/L) mais les prélèvements microbiologiques (ECBU, hémocultures), les sérologies (VIH, VHB, VHC, syphilis, EBV, CMV, Coxiella burnetii, Bartonella hensellae) et la PCR CMV étaient négatives. Le bilan auto-immun retrouvait un facteur rhumatoïde positif (IgG=45UI/mL) mais les anti-CCP, cryoglobulinémie, ANA et ANCA étaient négatifs ; le complément était normal. L’IRM cervico-médullaire objectivait une discarthrose protrusive en C3-C4 sans cavitation syringomyélique, anomalie de signal médullaire ou spondylodiscite. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien était normal. Un avis neurochirurgical retenait l’indication opératoire après disparition de la fièvre et du syndrome inflammatoire biologique. L’évolution était marquée par une persistance de la fièvre, l’apparition de céphalées, de cervicalgies et scapulalgies d’horaire inflammatoire et l’aggravation du déficit neurologique (1/5 aux membres supérieurs et 2/5 aux membres inférieurs). L’échographie articulaire objectivait une bursite sous-acromio-deltoïdienne bilatérale et la ponction articulaire des cristaux de pyrophosphate de calcium (CPPC). La biopsie de l’artère temporale ne retrouvait pas de signes d’artérite. Une nouvelle IRM cérébro-cervicale retrouvait une arthrite articulaire postérieure C3-C4 et le scanner cervical des lésions lytiques (respectant la corticale osseuse) des lames et massifs épineux, un aspect de dent couronnée et des calcifications intracanalaires compatibles avec une chondrocalcinose. Un traitement d’épreuve par colchicine était initié avec apyrexie à 48heures, disparition des cervicalgies-scapulalgies, récupération progressive de la parésie aux membres supérieurs et inférieurs et normalisation du syndrome inflammatoire biologique. Le patient avait finalement refusé le traitement neurochirurgical et n’a pas représenté de déficit neurologique ultérieur.

Discussion

La chondrocalcinose est une arthropathie microcristalline fréquente, affectant habituellement le sujet âgé (plus de 45 % après 85 ans). Elle est secondaire à des dépôts de CPPC intra-articulaires (mono/oligo-arthrites) ou extra-articulaires (ténosynovites, compression médullaire/nerfs périphériques, pseudo-tumeurs). Souvent sporadique, elle est parfois associée à une maladie métabolique (hémochromatose, hyperparathyroïdie, hypothyroïdie, hypophosphatémie, hypomagnésémie), un traumatisme, une chirurgie ou certains médicaments. Les CPPC peuvent se déposer dans toutes les structures vertébrales (atloïdo-axoïde, apophyses, ligaments (notamment jaune et longitudinal postérieur), disques inter-vertébraux). D’importants dépôts sont exceptionnellement responsables de compressions médullaires. Le tableau clinique survient le plus souvent chez des femmes diabétiques de plus de 70 ans, présentant des cervicalgies chroniques, parfois des névralgies, un engourdissement des membres voire une tétraparésie spastique d’apparition progressive (sur plusieurs semaines). Le TDM montre des calcifications, érosions osseuses et élimine les diagnostics différentiels (DD) (tumeur, spondylodiscite, fracture…) ; l’IRM montre un syndrome de masse (parties molles), des complications médullaires (lésions œdémateuses), des érosions osseuses et précise les DD. Dans la série de Mwaka et al., 26 (11 hommes–15 femmes ; âge moyen=73,1 ans ; intervalle : 50 à 86 ans) sur 465 patients avaient été opérés d’une compression médullaire secondaire à des dépôts de CPPC au niveau du ligament jaune : C2-C3 (n=1), C3-C4 (n=13), C4-C5 (n=17), C5-C6 (n=12), C6-C7 (n=5) et C7-T1 (n=3). Dix patients présentaient des calcifications nodulaires et seize des dépôts diffus. La chirurgie est habituellement proposée afin de supprimer l’effet de masse et décomprimer la moelle ; l’anatomopathologie confirme le diagnostic de chondrocalcinose.

Conclusion

Cette observation est originale car il s’agit d’un homme ayant présenté une myélopathie cervicale brutale. Le diagnostic de chondrocalcinose a été porté avant la chirurgie et la guérison est survenue sous traitement médical seul. Ainsi, tout tableau de compression médullaire fébrile chez le sujet âgé doit faire évoquer le diagnostic de chondrocalcinose.

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Vol 39 - N° S1

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