La plupart des médicaments anticancéreux (MAC) ont un potentiel effet cancérogène, mutagène et/ou reprotoxique et sont classés comme « dangereux à la manipulation » par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH). Leur manipulation ne cesse de croître avec l’augmentation de l’incidence des cas de cancers. La contamination des travailleurs qui les manipulent et/ou exerçant des soins à des patients traités, constitue donc une préoccupation majeure pour le médecin du travail. Dans le cadre de la démarche de l’évaluation et de la prévention des risques chimiques pour les professionnels exposés aux MAC, la surveillance biologique de l’exposition professionnelle (SBEP) est l’outil de choix pour évaluer l’exposition. La SBEP permet d’identifier des groupes à risque, de tracer les expositions, d’évaluer une exposition mal maîtrisée et l’efficacité et/ou le port des équipements de protection, et de documenter les accidents professionnels exposant aux MAC. Ce travail vise à émettre des propositions pour la mise en œuvre pratique de la SBEP aux MAC.

La stratégie proposée repose sur les recommandations françaises de bonne pratique pour la SBEP émises en 2016 par la SFMT, la STC et la SFTA. Ces recommandations ont été adaptées à l’exposition professionnelle aux MAC.

La contamination des professionnels aux MAC est un sujet sensible et la SBEP nécessite la constitution d’un groupe de travail et de réunions d’information au sein de la structure concernée pour expliquer la démarche, les objectifs et la finalité de cette surveillance. L’exposition professionnelle aux MAC est bien souvent discontinue et 2 étapes sont indispensables en amont : une étude de la nature et la fréquence de contact avec les MAC utilisés pour choisir le(s) Indicateur(s) Biologique(s) D’exposition (IBE) le(s) plus représentatif(s) de l’activité ; une étude du circuit des MAC dans l’établissement pour cibler les professionnels exposés et pour adapter la fiche de renseignements médico-professionnels (FRMP). La FRMP est indispensable pour recueillir les éléments nécessaires à l’interprétation des résultats. Actuellement, 9 laboratoires franco-belges ont été identifiés pour le dosage de 11 IBE urinaires spécifiques de l’exposition aux MAC. L’interprétation, des résultats s’effectue par groupes d’exposition homogène (GEH). Il n’existe pas de valeur biologique d’interprétation (VBI) et la contamination est avérée dès lors qu’un MAC est détecté à l’état de traces ou avec une concentration urinaire supérieure ou égale à la limite de quantification (LQ) de la méthode analytique. Les résultats ne peuvent être comparés qu’aux LQ de ces méthodes qui doivent être les plus basses possibles. La restitution des résultats par le médecin du travail est individuelle et collective. Étant donnée la dangerosité des MAC lors de la mise en évidence de contamination des professionnels, il est nécessaire de mettre en place des mesures correctives. Par ailleurs, la mise en place de mesures de prévention et de sensibilisation des personnes exposées à ce risque est une priorité.

Peu de données françaises sont actuellement disponibles sur les niveaux de contamination aux MAC des professionnels. Ce travail constitue une aide pour les médecins du travail s’engageant dans une démarche de prévention des risques professionnels liés à une exposition aux MAC. Avec les outils analytiques actuels, performants et disponibles, la SBEP aux MAC doit pouvoir désormais se développer en France. Elle pourra être complétée par des prélèvements surfaciques pour déterminer les modalités de contamination des professionnels.