Intoxications par les amandes amères d’abricots - 21/08/18
Résumé |
Objectif |
Les amandes contenues dans les noyaux d’abricot contiennent de l’amygdaline, dont l’hydrolyse ou la dégradation par les β-glucosidases libère du cyanure. Ces amandes sont consommées pour leur goût, directement ou dans les confitures, mais aussi pour de supposées « propriétés anticancer ». S’il n’existe pas de preuve scientifique de son intérêt dans le traitement du cancer, curatif ou préventif, cette utilisation a bénéficié d’un engouement depuis les années 50 sous la forme d’un dérivé semi-synthétique, le « laetrile » [1 ] : on trouve sur internet des recommandations de consommation de dix amandes d’abricots par jour pour prévenir la survenue d’un cancer, et de 60 amandes pour les personnes atteintes. En 2016, l’EFSA a émis un avis définissant une ARfD (acute reference dose) et concluait que l’ingestion d’une seule petite amande par un enfant excèderait cette ARfD [2 ]. Les adultes pourraient consommer jusqu’à 3 « petites » amandes, mais moins d’une demi « grande amande » pour ne pas dépasser l’ARfD. Au vu de l’écart important entre les recommandations « anticancer » en ligne et celles de l’EFSA, nous avons décrit les cas d’intoxication aux amandes de noyaux d’abricots rapportés aux centres antipoison français.
Méthode |
Nous avons extrait de la base des centres antipoison les cas d’exposition aux amandes d’abricot. Les cas symptomatiques étaient ceux ayant entraîné des symptômes dans les 12heures après la dernière ingestion. Pour le calcul de la quantité de cyanure ingérée, la quantité maximale estimée de cyanure par amande était de 3,8 mg/g d’amande d’abricot, et le poids moyen d’une amande était estimé à 0,5 g. Un cas d’exposition « aiguë » était un cas résultant d’une prise unique d’amandes d’abricot, un cas « chronique » était un cas survenant chez un consommateur régulier.
Résultats |
Au total, 154 cas ont été retenus, dont 86 femmes et 66 hommes d’âge médian respectif 42 et 15 ans. Une consommation à visée « anticancer » était rapportée dans 12 % des cas. Dans 61 cas d’exposition aiguë, l’évolution était connue, toujours vers la guérison. La gravité était faible (59 cas) et modérée (2 cas). Le premier de ces deux cas était une femme de 54 ans ayant présenté une hypotension nécessitant un remplissage après avoir consommé 50 amandes. Le second était un homme de 87 ayant présenté un malaise suivi d’une élévation de la troponine après l’ingestion de 40 amandes. Le pourcentage de cas symptomatiques augmentait avec le nombre d’amandes ingérées : 5 % symptomatiques pour moins de 5 amandes, 12 % pour<10 amandes, 19 % pour<20 amandes, 26 % pour<30 amandes, 30 % pour<50 amandes, et 80 % pour≥50 amandes. Les symptômes les plus fréquents étaient des vertiges, sensations de malaise, céphalées et signes digestifs mineurs.
Conclusion |
Si la plupart des cas étaient bénins, on observe un pourcentage de cas symptomatiques croissant avec le nombre d’amandes consommées, et une prise en charge médicale nécessaire dès 40 amandes. Il paraît nécessaire d’alerter sur les risques d’intoxication encourus en cas de consommation aux doses préconisées dans le traitement du cancer. Néanmoins, comme l’analyse de l’EFSA le prévoyait au vu des incertitudes sur les seuils de toxicité des cyanures chez l’homme, il existe vraisemblablement une marge de sécurité par rapport à l’ARfD publiée, et ce d’autant plus qu’il est probable que certains symptômes rapportés sont dus à une autre cause. Sans argument probant dans le traitement des cancers, il est nécessaire d’inviter les consommateurs à la prudence.
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Vol 30 - N° 3
P. 169 - septembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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