Cet article interroge l’échec des processus d’accès à l’intersubjectivité et à la subjectivation primaire dans la clinique des petits enfants souffrants d’autisme et les conséquences de celui-ci dans le développement de la parentalité exercée par les parents de ces enfants. Les processus psychothérapiques mis en œuvre par les fonctions narratives et testimoniales dans le cadre de la consultation paraissent dès lors nécessaires à la relance de l’identité narrative et de la capacité de rêverie parentale.

L’auteur dégage quelques éléments cliniques et psychopathologiques propres au développement des mécanismes précoces chez le petit enfant. La clinique de l’autisme infantile interroge les échecs de la constitution des enveloppes prénarratives et de la mise en phase du travail psychique intersubjectif à partir desquelles peuvent apparaître les processus de subjectivation primaire et la constitution du monde intrapsychique lors de la conflictualité psychique primitive. Cette clinique donne accès à l’étude des mécanismes psychiques précoces. Dans un second temps, l’auteur soulève des éléments d’analyse de la situation du parent face au trouble psychopathologique de son enfant, situation qui peut en soi constituer un traumatisme dans l’éprouvé parental. Le diagnostic qu’apporte le thérapeute risque de déclencher une interruption du fantasme entretenu par le parent sur son enfant, le réel de l’annonce amputant la charge imaginaire propre à la parentalité et constituant dès lors un trauma psychique. Dans un dernier temps, l’auteur développe les perspectives de relance des fonctions parentales figées par le trauma au travers de fonctions thérapeutiques permettant l’élaboration de celui-ci.

Le principe psychothérapique consiste à restaurer pour l’enfant un environnement précoce dans lequel la rencontre avec l’espace affectif n’a pu soutenir son besoin de cohésion narcissique. Il revient au thérapeute de soutenir la capacité d’hébergement de la psyché maternelle en accueillant dans sa propre psyché l’expérience psychique parentale non symbolisée pour en soutenir l’élaboration.

Tout développement psychique suppose une rencontre avec l’altérité, donc avec l’intersubjectivité, et l’échec du registre interpersonnel entrave le passage à l’intrapsychique. L’autisme infantile peut ainsi être considéré comme un échec majeur des processus d’accès à l’intersubjectivité empêchant la mise en place des processus de subjectivation. La discussion se centre, face à la rupture des identifications projectives parentales et des conditions du rendre pensable son enfant, sur la relance des processus d’identification régressive qui permettent au parent de rester en lien vivant avec ses propres parties infantiles. Le lien entre la restauration de la fonction narrative du parent et la reconstruction du lien à son enfant comme un espace de récit est soulevé.

Les dysfonctionnements de l’accordage affectif hors langage (symbolisation primaire) et avec langage (symbolisation secondaire) et de la constitution des enveloppes pré-narratives sont propres à troubler les processus d’accès à la subjectivité et à l’intersubjectivité. L’autisme infantile confronte le parent à un vécu traumatique interrompant le fantasme et la charge imaginaire de sa parentalité. Cette relation imaginaire ne peut qu’être écornée par l’épreuve du réel entamant dès lors tant les capacités de rêverie maternelle que son espace narratif. Face aux « fractures » de la fonction narrative dont sont atteints les parents, la relance des processus de refiguration, permettant le passage de l’histoire à la narration, est à même de restaurer l’espace narratif parental comme étant un espace de rêverie et de jeu entre le parent et son enfant. La fonction testimoniale mobilisée par le processus thérapeutique peut dès lors ouvrir à la réélaboration des troubles précoces qui affectent l’enfant et son environnement.

This article examines the failure of the processes enabling access to intersubjectivity and to primary subjectivation in the treatment of small children presenting autism, and the consequences thereof in the development of parenting exercised by the mothers and fathers of such children. The psychotherapeutic processes implemented via narrative and testimonial functions during consultations appear necessary to relaunch narrative identity and the capacity for parental reverie.

The author first of all outlines a number of clinical and psychopathological elements specific to the development of early mechanisms in small children. Clinical practice in infantile autism explores the failure to create pre-narrative envelopes and failure to tune the intersubjective psychic work that could generate primary subjectivation processes and create an intrapsychic world at the time of primary psychic conflict. This clinical approach provides access to the early psychic mechanisms. Secondly, the author points to a number of elements with which to analyse the situation of parents confronted with their child's psychopathological disorder, which can in itself constitute trauma in the parenting experience. The clinician's diagnosis may cause a breakdown of the fantasies entertained by parents about their child, whereby the objective reality of the diagnosis puts an end to the imaginings intrinsic to parenthood and thus causes mental trauma. Finally, the author examines ways of re-initiating parental functions “frozen” by such trauma, through the use of therapeutic functions that enable the trauma to be elaborated.

The underlying psychotherapeutic principle involves rehabilitating an early environment for the child, an environment in which the encounter with the affective sphere initially failed to meet the child's needs for narcissistic cohesion. The therapist must support the ability of the mother's mindset to accommodate the non-symbolised mental experience of parenthood, in order to contribute to its elaboration.

All mental development supposes an encounter with otherness, and thus with intersubjectivity, and failure on the interpersonal level precludes any transition to the intrapsychic state. Infantile autism can thus be considered as a major failure in the processes of accessing intersubjectivity, which prevents the development of subjectivation processes. Given the breakdown of the projected parental identification and of everything that makes the child thinkable, the discussion focuses on relaunching regressive identification processes that enable parents to maintain a viable relationship with their own infantile attributes. The author emphasises the link between restoring the parents’ narrative function and reconstructing a link with their child to provide a narrative space.

Dysfunctions in affective tuning, whether non-language-based (primary symbolisation) or language-based (secondary symbolisation), and in the constitution of pre-narrative envelopes affect the processes of access to subjectivity and intersubjectivity. Infantile autism brings the parent face to face with a traumatic experience that puts and end to the fantasy and the imagined role of parenthood. The imagined parent-child relationship is certain to be eroded by the experience of reality, which impinges on both the capacity for maternal reverie and the associated narrative space. In the face of the breakdown of the narrative function that affects the parents, the re-launching of the processes of refiguring enables transition from history to narrative, and can restore the parental narrative space as a space able to accommodate reverie and play between parent and child. The testimonial function mobilised by the therapeutic process can enable a new elaboration of the early disorders affecting the child and his environment.