Hépatite aiguë sévère récidivante sous déférasirox chez un patient porteur d’une stomatocytose - 28/11/18
Résumé |
Introduction |
Nous rapportons le cas d’une hépatite sous déférasirox d’évolution particulièrement sévère avec menace répétée du pronostic vital.
Observation |
Un patient de 43 ans nous est transféré du service de réanimation dans les suites d’un épisode d’hépatite aiguë en novembre 2017.
Dans ses antécédents, on retenait essentiellement une anémie hémolytique chronique ayant débutée en période néonatale, compliquée de lithiases vésiculaires symptomatiques, d’un unique foyer d’hématopoiëse extramédullaire d’un angle costovertébral et d’une surcharge martiale en l’absence de transfusion antérieure (confirmée par un estimation en IRM hépatique à 230μmol/g) traitée par déférasirox depuis novembre 2015. Alors qu’un diagnostic d’elliptocytose était évoqué dans un hôpital de périphérie, une splénectomie associée à une cholécystectomie ont été réalisées en juillet 2017.
Au cours de l’année 2017, il a présenté 3 épisodes d’hépatite aiguë sévère avec cytolyse hépatique, ictère à bilirubine conjugée et insuffisance hépatocellulaire, sans qu’une majoration concomittante de l’hémolyse ne soit observée. Le tableau clinicobiologique était à chaque fois différent :
–le premier avec HTA et hémorragie sous-conjonctivale ;
–le second avec état de choc, défaillance rénale, pancréatite aiguë oedémateuse et acidose lactique sévère (pH 6,89, hyperlactactémie 17mmol/L) ;
–le troisième avec coma hypoglycémique et acidose lactique.
Chaque épisode était résolutif sans séquelle avec les mesures symptomatiques et l’arrêt des médicaments hépatotoxiques en cours. Le traitement par déférasirox avait été repris de manière systématique après les deux premiers épisodes alors que le patient ne présentait plus d’hyperferritinémie.
En novembre 2017, au décours du troisième épisode, le patient a été transféré de la réanimation dans notre service de médecine interne. Alors que nous posions un diagnostic de stomatocytose héréditaire à cellules déshydratées sur des données ektacytométriques, l’enquête étiologique de ces épisodes d’hépatite aiguë sévère demeurait négative en dépit d’un large bilan infectiologique (sérologies VHA/VHB/VHC/VHE/HSV/VZV/EBV/CMV/leptospirose/PVB19/dengue/fièvre Q, PCR VHE/EBV/CMV/ADV/Dengue, hémocultures), auto-immun (AAN, ANCA, anti -actine/-LKM/-Mito 2/-LC1/-TPO/-thyroglobuline/-transglutaminase/-facteur intrinsèque/-cellule pariétale gastrique), cuprique (céruléoplasminémie, cuprémie, cuprurie) et toxicologique.
Devant la suspicion d’une toxicité du déférasirox–seul médicament présent à chacun de ces épisodes, l’apparition d’une carence martiale et la résolution de la surcharge hépatique confirmée à l’IRM, le traitement chélateur a été arrêté. Depuis l’arrêt de celui-ci et avec un recul d’un an, il n’a pas présenté de nouvel épisode.
Discussion |
La stomatocytose familiale à hématies déshydratées est une anémie hémolyique congénitale rare, à transmission autosomique dominante. Ses complications sont dominées par celles de la surcharge martiale qui lui est fréquemment associée, y compris en l’absence de soutien transfusionnel, et pouvant relever d’un traitement chélateur.
La toxicité hépatique du déférasirox est bien connue mais se résume le plus souvent à une élévation asymptomatique et réversible des transaminases. Des épisodes d’acidose métabolique, de pancréatite aiguë et d’insuffisance hépatique ont été rapportés depuis la commercialisation du déférasirox sans qu’un lien de causalité n’ait pu être établi.
N’ayant pu identifier d’alternative étiologique chez notre patient, nous avons retenu le diagnostic de toxicité hépatique du déférasirox pour expliquer ces 3 épisodes successifs d’insuffisance hépatocellulaire. Au-delà de la résolution de la surcharge en fer sous chélateur, l’apparition d’une carence martiale a été probablement le facteur d’aggravation de la toxicité hépatique du déférasirox, par analogie au déféroxamine–un autre chélateur martial, dont nous savons déjà que le risque de toxicité oculaire et auditive se majore à mesure que la ferritinémie diminue.
Notre observation est originale par la gravité et la rapidité d’installation des épisodes présentés par notre patient ainsi que par leur polymorphisme clinicobiologique.
Conclusion |
La toxicité hépatique du déférasirox semble pouvoir se présenter sous la forme d’épisode d’hépatite aiguë sévère avec insuffisance hépatocellulaire, notamment chez des patients dont la surcharge martiale est résolue.
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Vol 39 - N° S2
P. A198 - décembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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