Scorbut révélé par une péricardite hémorragique - 28/11/18
Résumé |
Introduction |
Le scorbut est une maladie ancienne, définie par une carence en acide ascorbique. Depuis quelques années de nombreuses observations resurgissent, plus particulièrement dans les populations à risque. Les manifestations cliniques sont multiples : ostéoarticulaires (arthralgie, myalgie), syndrome hémorragique (purpura pétéchial périfolliculaire, hématomes spontanés, hémarthrose), stomatologiques (gingivite hypertrophique et hémorragique, parodontolyse), cutanée (hyperkératose folliculaire, défaut de cicatrisation, œdèmes des membres inférieurs, atteinte des phanères avec cheveux en tire-bouchon et alopécie). Au niveau cardiovasculaire : le scorbut a été associé à un risque de coronaropathie, d’insuffisance cardiaque, et d’hypertension artérielle pulmonaire [1 ]. L’atteinte péricardite reste quant à elle rare [2 ].
Nous rapportons ici deux cas de scorbut, révélés par une atteinte péricardique.
Observation |
Le premier cas est celui d’un patient de 40 ans alcoolotabagique, hospitalisé pour une dyspnée rapidement progressive associée à des douleurs thoraciques faisant découvrir radiologiquement une pleuropéricardite de grande abondance (sans argument pour une néoplasie sous-jacente), ayant nécessité un drainage péricardique et une ponction pleurale, ramenant dans les 2 cas un liquide séro hématique (hématies>10000/mm3) exsudatif stérile (culture BK négative). Cliniquement le patient présentait des stigmates de malnutritions (IMC=18kg/m2), un déchaussement des dents et une hyperkératose folliculaire. Biologiquement on notait une anémie hypochrome normocytaire à 12,1g/dl, une hyperplaquettose à 904 G/l sans trouble de la coagulation, une dénutrition biologique (albumine=26,4g/l et préalbumine=0,09g/l), une hypogammaglobulinémie relative à 7,7g/l. Par ailleurs, les sérologies virales et le bilan infectieux étaient non contributifs. Le dosage de la vitamine C a finalement confirmé le diagnostic de scorbut motivant l’introduction d’une substitution vitaminique, permettant une disparition des épanchements pleuropéricardiques et des manifestations cutanées à 1 mois.
Le deuxième patient âgé de 47 ans a été hospitalisé à 2 reprises pour un épanchement péricardique réfractaire au traitement habituel par acide acétylsalicylique et colchicine, nécessitant un drainage évacuateur, ramenant également un liquide hémorragique stérile, sans cellule suspecte (culture BK négative). Le bilan étiologique comprenant les sérologies virales et le bilan auto-immun (ACAN, ANCA) était négatif. Le scanner corps entier a permis de révéler un épanchement pleural gauche de faible abondance, sans lésion suspecte par ailleurs. Cliniquement ce patient au profil « fast-fooder » présentait un surpoids (IMC=31kg/m2), des lésions purpuriques périfolliculaires et une neuropathie sensitive mal systématisée de la jambe gauche. Biologiquement il existait une anémie à 10,8g/l, une thrombocytose à 659G/l, une dénutrition biologique, une carence vitaminique étendue (vitamine B12, B9 et C). Devant ce syndrome carentiel, une gastroscopie a été réalisée, n’objectivant pas d’argument pour une maladie de Biermer. Le patient a finalement été traité par vitamine C seule pendant 15jours, permettant un nette régression de l’épanchement péricardique, une disparition de l’épanchement pleural, et une normalisation des signes clinicobiologiques de scorbut (dont la neuropathie).
Discussion |
Bien que rare, le scorbut est une pathologie probablement sous-estimée. Cette dernière doit être recherchée devant tout syndrome hémorragique. En effet la physiopathologie de cette entité repose sur une anomalie de synthèse du collagène et un défaut d’agrégation plaquettaire [3 ], illustrés cliniquement par des lésions purpuriques et des ecchymoses spontanées. Mais les localisations péricardiques, bien que moins décrites, doivent également faire évoquer ce diagnostic. La démarche diagnostique dans nos 2 observations a été aiguillée par les stigmates clinico biologiques de scorbut, chez des patients présentant des carences secondaires à des troubles alimentaires extrêmes. Dans les 2 cas, le diagnostic a été confirmé biologiquement ; et les signes cliniques, biologiques et échographiques ont disparus à 1 mois. Cela est concordant avec les données sur le scorbut qui affirment une amélioration en 15jours sous supplémentation.
Conclusion |
Même s’il s’agit d’une cause rare de scorbut, devant une péricardite sérohématique de cause inexpliquée, il faut savoir rechercher une carence en vitamine C, notamment chez les patients présentant des régimes alimentaires extrêmes.
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Vol 39 - N° S2
P. A218-A219 - décembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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