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Une asepsie paralysante - 28/11/18

Doi : 10.1016/j.revmed.2018.10.227 
M. Jammal, S. Daccache, G. Maalouf , G. Maalouly, D. Chahwan, F. Haddad
 Médecine interne et immunologie clinique, hôpital Hôtel Dieu de France, Beyrouth, Liban 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

Le potassium est un cation majoritairement intracellulaire qui joue un rôle crucial dans le fonctionnement neuromusculaire. Les causes de déplétion potassique les plus fréquentes sont les pertes digestives et rénales. Les causes iatrogènes, mis à part le surdosage en diurétiques, sont souvent sous-estimées. La gravité des symptômes, la réversibilité de l’hypokaliémie iatrogène et les échecs fréquents de diagnostics peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Nous présentons un cas clinique qui en illustre l’exemple.

Observation

Un homme de 29 ans est hospitalisé pour faiblesse musculaire généralisée d’installation aigue et qui l’empêche de se mobiliser. Trois jours avant l’hospitalisation, il a présenté un épisode transitoire de parésie des membres inférieurs durant 15minutes, spontanément autorésolutif sans séquelles. A l’examen, on retrouve une faiblesse proximale des 4 membres, cotée à 3/5 avec hyporéflexie généralisée sans signes sensitifs ni trouble respiratoire ou de la déglutition ni atteinte des paires crâniennes. On retrouve une plaie abdominale post opératoire qui date depuis 6 mois, régulièrement nettoyée avec un antiseptique local à base de povidone–iodine et qui n’a pas encore cicatrisé. Le reste de l’examen est sans particularités. Un bilan sanguin réalisé à son arrivée aux soins intensifs révèle une kaliémie à 1,5mEq/L (3,5–5mEq/L) sans autre particularités. L’IRM cérébrale et cervicale ainsi qu’un électromyogramme sont sans anomalies. Suite à l’administration de 80mEq de chlorure de potassium intraveineux en 24heures et une normalisation de la kaliémie à une valeur de 4,3mEq/L, le patient retrouve une force musculaire normale. L’interrogatoire révèle la présence de diaphorèse, palpitations et perte de poids importante avec appétit conservé. Le bilan thyroïdien montre une TSH à 0,001mUI/L, une T4 totale à 48mcg/dL (4,8–11 mcg/dL) et une T3 à 38,5pg/mL (2,3–4,2pg/mL). Une scintigraphie thyroïdienne ne montre aucune fixation après 24heures. Le diagnostic de thyroïdite subaiguë décompensée par l’utilisation excessive de solution iodée est alors établi et le patient est traité par methimazole, prednisone et propranolol.

Discussion

L’atteinte musculaire liée à l’hypokaliémie est variable allant d’une légère faiblesse musculaire jusqu’à une tétraparésie à prédominance proximale. Elle est corrélée à la gravité de l’hypokaliémie. Les causes les plus fréquentes d’hypokaliémie sont les pertes rénales ou digestives. Elles peuvent être aussi secondaire à l’excès d’hormones thyroïdiennes, les sympathicomimétiques et l’insuline par transfert intracellulaire de potassium par le biais de la pompe Na/K ATPase.

Il s’agit dans ce cas, d’une hypokaliémie sévère secondaire à une thyrotoxicose iatrogène par application excessive d’une solution antiseptique à base d’iode. La paralysie périodique hypokaliémiante thyréotoxique est une myopathie caractérisée par des attaques aiguës de faiblesse, accompagnées d’hypokaliémie et de thyrotoxicoses d’étiologies variables. Les épisodes sont typiquement d’installation brutale, avec une faiblesse généralisée plus marquée en proximal sans altération de la conscience. Les réflexes ostéotendineux sont fréquemment diminués ou abolis. La musculature respiratoire est rarement atteinte. La paralysie périodique hypokaliémique thyréotoxiques induite par un excès d’iode est une entité rare. Le syndrome de Jod Basedow survient quand il y a échappement à l’autorégulation face à une surcharge d’iode : cet excès entraine pathologiquement un excès de production d’hormones thyroïdiennes, ce qui active de manière accrue la pompe Na/K ATPase et induit un shift intracellulaire de potassium. Le traitement de l’hypokaliémie permet une réversibilité totale des symptômes. Il repose sur la supplémentation en potassium, l’arrêt de l’agent causal et le traitement de la thyrotoxicose par methimazole et propranolol.

Conclusion

L’hypokaliémie paralysante iatrogène est un diagnostic d’élimination à suspecter devant une paralysie d’installation aigue à prédominance proximale chez un jeune sans maladies rénale ou digestive connues ni prise de diurétiques. La paralysie est réversible après arrêt de la substance incriminée et correction de la kaliémie. Il est important de rechercher une pathologie thyroïdienne sous-jacente lors d’une hypokaliémie paralysante.

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Vol 39 - N° S2

P. A220 - décembre 2018 Retour au numéro
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