L’expression diminuée de HLA-DR monocytaire comme indicateur d’immunodépression chez les patients drépanocytaires en crise - 28/11/18
Résumé |
Introduction |
La drépanocytose est la maladie génétique la plus fréquente au monde, caractérisée par une mutation du gène de la béta globine, à l’origine d’une hémoglobine (Hb) anormale : HbS. Cela se traduit cliniquement par une hémolyse chronique, des crises vaso-occlusives (CVO) périodiques et une dysfonction vasculaire chronique. Les patients drépanocytaires ont un risque accru d’infections [1 ], secondaire notamment à la présence d’une dysfonction splénique et d’un défaut d’activation du complément. Mais outre ces phénomènes, des anomalies de l’immunité adaptative ont été décrites, plus particulièrement lors des CVO. En effet on observe une diminution des taux de CD4+ et CD8+, une altération de la balance Th1/Th2, et une surproduction de cytokines anti-inflammatoires (IL-10 [2 ], TGF-β). Ces différents médiateurs interviennent pour ralentir la réponse inflammatoire initiale. Ce schéma s’apparente étroitement à celui observé dans le sepsis, où la diminution de l’expression monocytaire de HLA (Human leukocyte antigen)-DR (mHLA-DR) s’est révélé être le candidat le plus robuste pour évaluer cette paralysie immunitaire[3 ].
Notre étude visait donc à évaluer l’expression de mHLA-DR durant la crise drépanocytaire.
Patients et méthodes |
Du sang veineux a été prélevé sur tube EDTA chez des patients en accalmie et en crise à différents moments : j0 (=jour de la crise), j1, entre j3 et j7, et à distance de la crise ; puis expédié rapidement dans de la glace au laboratoire d’immunologie pour analyser par cytométrie en flux l’expression de mHLA-DR. Les résultats étaient exprimés en nombre d’anticorps par cellule (AB/C). D’autres analyses biologiques complémentaires ont été réalisées : immunophénotypage lymphocytaire, NFS, CRP, LDH. Les données entre les 2 groupes ont été comparées en utilisant le test non paramétrique de Mann Whitney, avec un seuil de 0,05 pour la significativité.
Résultats |
36 patients drépanocytaires (ratio H/F=1) ont été inclus (18 dans chaque groupe) entre octobre 2017 et avril 2018. L’âge moyen était de 30,9±8,3 ans. Les patients en crise étaient fiévreux au moment de l’inclusion dans 50 % des cas ; avaient une augmentation significative de leurs marqueurs inflammatoires (CRP=86,8±82mg/dl ; p<0,0001) ; et présentaient des taux plus élevés de leucocytes totaux, de neutrophiles et de monocytes (p<0,0001, p=0,0001 et p=0,0048 respectivement).
Immédiatement après la CVO (J0), les patients présentaient une diminution significative de l’expression mHLA-DR par rapport au groupe témoin ; avec respectivement 16102 [10891–27463] AB/C et 30622 [23924–4,439] AB/C (p=0,0001). Comparés au J0, les niveaux de mHLA-DR restaient bas à J1 (21120 [13751–25633] AB/C ; p= 0,62), puis réaugmentaient à partir de J3 (29927 [19091–31024] AB/C ; p=0,04), pour finalement se normaliser à distance (137+- 73,5jours) : 33659 [22067–48748] AB/C (p=0,007).
Nous n’avons observé aucune différence significative de mHLA-DR selon le sexe et l’origine ethnique. Il n’y avait pas non plus de différence entre les deux groupes, en ce qui concerne la valeur absolue des lymphocytes ; et le niveau des lymphocytes T (CD3, CD4, CD8), des lymphocytes B (CD19), des lymphocyte NK (CD16-CD56).
Discussion |
Cette étude est la première à évaluer l’expression de mHLA-DR chez des patients drépanocytaires en crise. La franche diminution de ce marqueur pendant la CVO pourrait s’expliquer par la présence de certains médiateurs de l’inflammation en cas de crise (tels que IL-10 [2 ] et PGE2, qui contrôlent la réponse inflammatoire en inhibant l’expression des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH).
Nous avons également analysé pour la première fois la cinétique de mHLA-DR. La normalisation de ce marqueur à distance de la crise renforce l’idée d’une immunodépression transitoire.
Conclusion |
L’expression de mHLA-DR diminue fortement chez les patients drépanocytaires en crise ; renforçant ainsi l’idée d’une paralysie immunitaire dans cette situation. Cependant, il serait souhaitable de renforcer cette hypothèse avec une étude plus puissante, et d’étudier dans un second temps si cette immunodépression pourrait être associée à un risque plus élevé de mortalité et/ou d’infections. Son coût et sa faisabilité ne sont pas des critères limitant à son utilisation en routine.
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Vol 39 - N° S2
P. A33-A34 - décembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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