Augmentation des taux plasmatiques d’histamine chez les patients atteints de drépanocytose - 28/11/18
Résumé |
Introduction |
La drépanocytose est une hémoglobinopathie génétique caractérisée par une hémolyse chronique, des événements vaso-occlusifs douloureux récurrents et des lésions évolutives d’organes ; sa physiopathologie n’a pas été entièrement élucidée. Des signes cliniques et biologiques d’activation des mastocytes ont été décrits chez des patients atteints de drépanocytose et dans un modèle murin de drépanocytose, l’activation des mastocytes (AMC) a été observée, favorisant une inflammation neurogène et une hyperalgésie. Notre objectif était d’évaluer les concentrations plasmatiques d’histamine et de tryptase, deux médiateurs majeurs d’AMC, chez les patients drépanocytaires à l’état basale et en crise vaso-occlusive (CVO). L’objectif secondaire était d’identifier les facteurs cliniques et biologiques corrélés aux taux plasmatiques d’histamine afin d’étudier les voies pathophysiologiques potentielles.
Patients et méthodes |
Étude prospective observationnelle menée sur 253 sujets entre 2015 et 2017 dans deux centres de référence français de la drépanocytose : un pédiatrique (n=100) et un adulte (n=153). Les échantillons de sang ont été prélevés lors d’une visite de routine à l’état basal (n=132) ou pendant une hospitalisation pour CVO (n=121). Les concentrations plasmatiques d’histamine et de tryptase ont été mesurées par dosage radio-immunologique et rapportées en nM et μg/L, respectivement. Les dossiers médicaux de tous les patients ont été analysés et plusieurs données cliniques et biologiques ont été enregistrées. L’étude avait obtenu un accord du comité d’éthique et tous les sujets avaient signé un consentement.
Résultats |
Le taux plasmatique d’histamine était élevé hors crise par rapport aux normes et augmenté significativement pendant les CVO (24,1nM ; p<0,0001) avec des valeurs supérieures aux normes chez 61,2 % des patients (norme<15nM). Chez les enfants, le taux plasmatique d’histamine était significativement plus élevé pour les crises graves nécessitant de la morphine (44,9nM ; [33,4–55,2]) que pour les COV moins douloureux traités à la nalbuphine (27,1nM ; [21,3–35,4], p=0,0001). La tryptase plasmatique n’etait pas pathologique chez les patients atteints de drépanocytose qu’ils soient en crise ou non. Au cours des CVO, l’histamine plasmatique était significativement corrélée à la CRP ; au repos, elle était respectivement et significativement corrélée à la numération absolue des neutrophiles, à la numération plaquettaire absolue et à l’hémoglobine F. Aucune corrélation significative n’a été trouvée avec l’âge, le sexe, le traitement par hydroxyurée, le programme d’échange transfusionnel, le nombre de CVO ou de syndrome thoracique aigu au cours de l’année précédente, ni avec aucun autre paramètre biologique.
Discussion |
Ces résultats suggèrent que l’histamine plasmatique peut être considérée comme un marqueur de la gravité de la crise. Elle peut également refléter l’effet indésirable de la morphine sur la dégranulation des mastocytes, entraînant la libération d’histamine. La normalité des taux de tryptase est en accord avec les données retrouvées dans le syndrome d’activation mastocytaire, cette variable étant davantage un reflet de la masse tumorale des mastocytes (donc de leur dégranulation quantitative que qualitative).
Les corrélations suggèrent un rôle de l’inflammation dans les mécanismes menant à l’augmentation de l’histamine plasmatique chez les patients atteints de drépanocytose. En effet, le CRP est un marqueur inflammatoire majeur et les numérations neutrophiles et plaquettaires augmentent dans les contextes inflammatoires. L’inflammation au cours de la drépanocytose pourrait contribuer à l’activation des mastocytes, entraînant une libération plasmatique d’histamine dans le sang. L’histamine pourrait être un acteur majeur de la physiopathologie de la drépanocytose en favorisant l’adhésion des érythrocytes falciformes en stimulant les récepteurs histaminiques H2 et H4 et induisant l’expression endothéliale de la Sélectine P et la libération du facteur von Willebrand.
Conclusion |
Cette étude menée chez 253 patients enfants et adultes souligne l’implication potentielle de l’activation des mastocytes et de l’histamine dans la pathophysiologie de la drépanocytose et ouvre de nouvelles voies de recherche et d’interventions thérapeutiques potentielles chez ces patients.
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Vol 39 - N° S2
P. A56-A57 - décembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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