L’analyse des effets de contexte sur la santé s’apparent encore souvent à une « boîte noire » (Susser & Susser, 1996) car elle étudie principalement les relations directes entre le contexte et la santé sans prendre en considération les mécanismes par lesquels s’exerce cette influence.

Les analyses empiriques gagnent à tester si certains comportements individuels jouent un rôle de médiateur dans la relation entre les caractéristiques du quartier et la santé. Une variable médiatrice se définit comme « une variable de processus qui transmet, complètement ou partiellement, l’impact d’une variable indépendante initiale sur une variable dépendante » (El Akremi, 2005). Dans cette recherche, l’idée est de tester l’effet médiateur du niveau d’activité physique des personnes âgées sur la relation entre les caractéristiques du quartier et le Vieillissement en Santé (défini à partir du niveau de santé et d’indépendance dans les tâches quotidiennes) au Luxembourg. Peu d’études ont examiné le rôle de l’activité physique comme médiateur potentiel de la relation entre le quartier et la santé. Selon le cadre conceptuel développé par Daniel (2008), les caractéristiques de l’environnement influencent la santé selon des mécanismes d’influence directs et indirects. Des facteurs environnementaux ont le potentiel d’influencer positivement ou négativement les habitudes de vie et les activités quotidiennes des individus qui peuvent à leur tour être déterminantes pour leur santé (Daniel, 2008). Par exemple, les équipements destinés aux piétons (trottoirs continus et sans obstacles, arrêts de transport) et l’accès aux équipements de loisirs sont positivement associés à l’activité physique chez les personnes âgées (Clarke, 2009) qui contribue quant à elle à leur santé en réduisant le risque de mortalité (Lee, 2001).

Les analyses (encore en cours) portent sur les données luxembourgeoises recueillies dans le cadre du projet CURHA (« Contrasted URban settings in Healthy Aging ») dont l’objectif principal consiste à éclaircir les relations entre les caractéristiques de l’environnement urbain des personnes âgées, celles de leurs réseaux sociaux et de leur mobilité quotidienne avec le Vieillissement en Santé (Kestens, 2016). Les données exploitées concernent 471 personnes âgées de 65 ans et plus et sont relatives aux caractéristiques perçues du quartier de résidence (attrait physique, accès aux services de proximité, marchabilité, cohésion sociale), à leurs activités quotidiennes déclarées et à leurs états de santé et de limitation perçus. Notre démarche d’analyse repose sur le modèle développé par Baron & Kenny (1986) qui présente une série de quatre tests successifs (régressions) permettant de tester l’effet médiateur du niveau d’activité physique des personnes âgées. Une variable est considérée comme étant un médiateur lorsque :

– le prédicteur (caractéristiques du quartier) est significativement associé au médiateur potentiel (niveau d’activité physique) ;

– le médiateur est significativement associé à la variable dépendante (niveau de santé ou de limitation) ;

– l’impact du prédicteur sur la variable dépendante est moindre voire nul après avoir contrôlé le médiateur.

Dans l’optique d’une meilleure compréhension des effets de quartier sur la santé des individus, l’analyse de médiation contribue à clarifier un peu plus cette boite noire et à identifier des leviers d’action potentiels permettant de guider la mise en place d’interventions de prévention en vue de rendre les environnements urbains plus favorables à la santé. Plus précisément, selon le rôle de l’activité physique dans la relation entre le quartier et le Vieillissement en Santé, cette étude permettrait de concevoir un croquis plus précis de la manière dont leurs pratiques de l’espace peuvent améliorer les conditions du vieillissement et à plus long terme de contribuer à l’élaboration d’interventions de santé publique efficaces.