L’incidence des lésions pigmentées vulvaires est assez mal connue. Leur recherche a pour objectif principal d’identifier un éventuel mélanome, diagnostic représentant actuellement 1 à 3 % des mélanomes cutanés chez la femme, avec un pronostic encore sombre.

Nous rapportons les résultats de l’étude EvE, étude prospective observationnelle concernant la réalisation d’un examen génital systématique, comme recommandé par la Haute Autorité de santé (HAS), chez 1400 patientes consultant en dermatologie pour surveillance de nævus ou antécédent de cancers cutanés entre octobre 2017 et octobre 2018. En cas de lésion pigmentée objectivée, des examens en dermatoscopie et en microscopie confocale étaient réalisés pour conforter le diagnostic. En dernier recours, une biopsie était prélevée.

L’étude réalisée après consentement a mis en évidence une incidence de 8,43 %, soit 118 patientes. Dans 35 % des cas, les lésions étaient multiples. L’incidence des lentigos était de 5,36 % (n=75), celle des nævus de 2,57 % (n=36), celle des mélanoses de 0,43 % (n=6), celles de la maladie de Laugier et des kératoses séborrhéiques de 0,14 % (n=2). Aucun mélanome n’était trouvé. Les lésions se situaient principalement sur les grandes lèvres (n=77), les petites lèvres (n=28), puis le clitoris (n=10), la fourchette (n=6) et la région périanale (n=6).

L’examen systématique des organes génitaux est peu réalisé en routine. Aussi l’incidence de ces lésions dans la littérature est-elle mal précisée, oscillant entre 0,01 % et 20 %. La plus grande série de la littérature, datant des années 1970, porte sur 1043 femmes examinées sur une période de 8 ans et trouvait des lésions pigmentées dans 10,5 % des cas. Il s’agissait d’une analyse monocentrique réalisée dans une clinique spécialisée en vulvologie, donc avec un biais de recrutement. Notre étude a mis en évidence des lésions pigmentées vulvaires dans 8,43 % des cas, très souvent ignorées par les patientes malgré un suivi gynécologique régulier. Elle a permis une analyse en pratique dermatologique réelle standard. Elle conforte l’intérêt d’un contrôle génital systématique.

Même si le diagnostic de lentigo est le plus fréquent, le dépistage des lésions pigmentées génitales est primordial pour dépister précocement le mélanome, dont le pronostic reste encore sombre car le diagnostic tardif. La connaissance de l’incidence de ces lésions doit conduire à un examen génital systématique en pratique courante, comme recommandé par la HAS, afin d’en assurer une meilleure surveillance.