Epilepsie et psychiatrie : ce que devrait savoir un psychiatre ? - 29/05/20
Résumé |
La France compte environ 700.000 patients souffrant d’épilepsie, plus de 60 % présenteront dans leur vie des troubles psychiatriques. Mais ces troubles ont le plus souvent une présentation atypique bien spécifique avec une prise en charge thérapeutique à adapter du fait des interactions avec les traitements anti-épileptiques.
Le lien qui unit épilepsies et pathologies psychiatriques est loin de correspondre à une causalité unidirectionnelle où les pathologies psychiatriques se réduiraient aux seules conséquences psycho-sociales de l’épilepsie. En réalité, il s’agit bel et bien d’une association. Certains facteurs physiopathologiques exposent ainsi les sujets à la survenue de manifestations à la fois épileptiques et psychiatriques. Pour preuve, l’examen de la relation temporelle entre l’apparition des deux catégories de troubles. Une étude d’Hesdorffer et collaborateurs parue en 2012 comparait l’incidence de divers troubles psychiatriques dans les 3 années précédant et les 3 années suivant le diagnostic d’épilepsie chez 3.773 patients épileptiques et 14.025 témoins. Les résultats indiquaient un taux d’incidence augmenté chez les patients épileptiques pour la dépression, l’anxiété, les troubles psychotiques, les abus de substances et les tentatives de suicide, non seulement dans les années suivant le diagnostic d’épilepsie mais également clairement dans les années le précédent (avec un odd ratio d’au moins 2,3). Ce taux augmenté de comorbidité psychiatrique dans la période antérieure et postérieure au début des crises d’épilepsie est en faveur d’une corrélation bidirectionnelle et de mécanismes communs sous-jacents pour les troubles psychiatriques et l’épilepsie. Dans le cas de la dépression et de l’anxiété, un certain nombre de données humaines et animales tendent à expliquer ce lien complexe 2526. Il semble en partie en lien avec une augmentation de l’activité de l’axe hypothalomo hypophysaire qui serait à l’origine d’une diminution de la neurotransmission sérotoninergique, GABAergique et d’une augmentation de la neurotransmission glutamatergique 27. Cette intrication complexe est aussi une évidence d’un point de vue thérapeutique : d’une part avec l’utilisation grandissante des antiépileptiques en psychiatrie et l’efficacité de l’électro-convulsivo-thérapie et d’autre part, les effets psychotropes négatifs de certains antiépileptiques.
L’utilisation des critères diagnostiques issus des classifications internationales des maladies psychiatriques (CIM-10 et DSM-5 3) est problématique dans l’épilepsie. En effet, de nombreuses personnes épileptiques présentent des symptômes psychiatriques sévères, invalidants, mais souvent atypiques, spécifiques. Ces troubles spécifiques de l’épilepsie sont ainsi fortement sous-diagnostiqués. Les liens temporaux avec la survenue de la crise ou de la salve de crise doivent impérativement être pris en considération. Le clinicien doit ainsi connaître une classification spécifique des pathologies psychiatriques dans l’épilepsie qui distingue : les troubles inter-ictaux (sans rapport chronologique avec les crises), les troubles péri-ictaux : pré-ictaux, ictaux, et post-ictaux (en rapport chronologique direct avec les crises), et les troubles iatrogènes liés aux traitements antiépileptiques et à la chirurgie curatrice de l’épilepsie. De plus, il existe les crises non épileptiques psychogènes (CNEP) qui forment une entité à part, trop méconnue. Les CNEP, aussi fréquentes que la maladie de Parkinson, sont à la fois le diagnostic différentiel principal de l’épilepsie mais aussi une comorbidité fréquente qui accompagne l’épilepsie.
Les entités indispensables à connaître sont les CNEP, le trouble dysphorique inter-ictal (TDI), la psychose post-ictale ou encore l’anxiété anticipatoire de la crise d’épilepsie qui donne parfois un tableau de trouble panique atypique.
Un psychiatre en 2019 devrait parfaitement conscience de l’intrication entre épilepsie et psychiatre, de la fréquence de ces troubles psychiatriques et de leurs répercussions massives en termes de qualité de vie mais aussi de leur impact négatif sur l’équilibre de l’épilepsie. Nous établirons aussi la démarche thérapeutique, en combattant des préjugés erronés… car en effet le psychiatre peut parfaitement prescrire des IRS, IRSNA et certains antipsychotiques sans risque d’aggraver son épilepsie.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Mots clés : Epilepsie, troubles psychiatriques, dépression post ictale, psychos post ictale, crises non épileptiques psychogènes
Vol 1 - N° S
P. S103 - novembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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