Le temps dans l’urgence : de l’angoisse torturante au sentiment d’abandon - 29/05/20
Résumé |
L’arrivée aux urgences se fait la plupart du temps dans l’inquiétude, voire dans l’angoisse. Ceci est vrai pour tous les patients, et c’est encore plus vrai pour ceux qui allèguent une symptomatologie psychiatrique.
Aux urgences de l’hôpital général, deux cultures doivent cohabiter : celle du médecin urgentiste et celle du psychiatre urgentiste ; ou est-ce plutôt celle du psychiatre aux urgences (?)
Plusieurs interrogations s’expriment :
– que faire quand la parole d’un homme ou d’une femme, qui se raconte, suspend le temps de l’urgence ?
– comment faire comprendre que l’échange peut être thérapeutique ?
– comment résister et se réapproprier du temps à partir de la tyrannie de l’urgence ?
Et pourtant, le temps du projet thérapeutique doit se construire dans une certaine lenteur au cœur du mouvement !
Aussi, comment diminuer voire faire disparaître l’angoisse torturante de celui ou celle qui arrive aux urgences et l’inscrire dans un tempo compatible avec l’élaboration psychique ?
1 – Le temps qui passe
Le mot temps, ce mot de tous les jours a l’air de rien. D’ailleurs, chacun d’entre nous comprend de quoi l’on parle ; il croit même le connaître intimement : une heure, c’est 60 minutes, une minute, c’est 60 secondes.
Mais, il faut se méfier : le temps a beau sembler se montrer partout il a beau sembler être sous-jacent à toutes choses, il ne se laisse vraiment voir dans aucune. Il reste enfoui sous chacune des apparences. C’est la grande originalité du temps : il demeure invisible et ne daigne jamais se livrer. Nul ne l’a vu face à face, et c’est pourtant une vieille connaissance. Dans la vie courante, il file sans que nous nous en apercevions.
2 – Le temps qui s’arrête
Le temps est indissociablement lié à la durée, sinon tout aurait lieu d’un seul coup. Le temps apparaît comme ce qui maintient les choses qui durent dans la succession des instants présents. Nous pouvons ainsi dire que le temps est « ce qui passe quand rien ne se passe ! ». Si le temps a la réputation d’être fuyard, ce n’est pas vraiment lui qui fuit, mais les moments passés. Le temps, lui, est toujours là, bien présent.
Mais, ne dit-on pas, a contrario, que « le temps, c’est le changement », que le temps passe plus dès lors que plus rien ne change (?). Nous arrivons à dire que le temps est ce qu’il ne change pas à mesure qu’il passe, comme s’il passait sans rien changer.
Le temps semble lié à la condition humaine et nous rejoindrons Emmanuel Kant qui a essayé de montrer que le temps n’a pas d’existence autonome par rapport à l’être humain, qu’il n’existe pas indépendamment du sujet qui le construit : « le temps n’est qu’une condition subjective de notre humaine condition et il n’est rien en soi en dehors du sujet ».
3 – Le temps qui fait mal et le sentiment d’abandon
Le temps peut être une prison puisque nous ne sommes pas libres de choisir notre position dans le temps : nous sommes dans l’instant présent et nous ne pouvons pas en sortir.
Aux urgences, et notamment pour les patients souffrant de troubles psychiques, ce sentiment d’enfermement dans le temps est, parfois, vécu dans la douleur :
– c’est l’accélération du temps chez le patient maniaque : il court après le temps ! Il passe de la jouissance à l’esclavage du temps
– le ralentissement voire l’immobilité du temps chez le patient dépressif.
Le patient peut avoir l’impression que l’ouverture à l’avenir est impossible dans son temps à lui. Il en souffre et cela fait écho aux autres moments de sa vie où l’attente fut douloureuse. Le temps lui échappe. Il est régulé par d’autres, les soignants. Il peut même ressentir un sentiment d’abandon.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Vol 1 - N° S
P. S104 - novembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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